Du soleil à l’art

En plein cœur de Bâle et de son campus au bord du Rhin, le groupe pharmaceutique helvétique Novartis s’offre un pavillon d’exposition dédié à la culture médicale. Sa façade média à énergie zéro semi-transparente signée iart démontre les possibilités des panneaux photovoltaïques organiques. De nuit, des œuvres numériques animent cette façade technique et poétique.

Ouvert au public, depuis avril dernier le Pavillon Novartis propose des expositions sur le thème de la médecine. Accessible directement depuis le quai pour les piétons et visible depuis le pont très fréquenté qui enjambe le Rhin, il brille par sa forme très organique et, à y regarder de plus près, par la conception de sa façade média. Cette couronne de couronne de 42 mètres de diamètre, possède en son centre un jardin, en rez-de-chaussée et sur les deux niveaux, salles d’exposition et salle de conférences qui sont l’âme de son activité. Côté structure, pour obtenir cette souplesse du dessin, les architectes ont retenu des poutres lamellé-collé qui permettent d’obtenir des courbes que la façade média vient épouser. Car ici tout est « organique », de la rondeur du pavillon née conceptuellement de l’amorphisme des cellules humaines aux panneaux photovoltaïques. Les trois artistes sélectionnés ont travaillé autour de cette thématique.

L’ART SUR LE BÂTIMENT

Avec ce projet, les créatifs autant que les techniciens donnent au concept allemand de Kunst am Bau, littéralement l’art sur le bâtiment, une forme tout à fait unique. La façade média est elle-même productrice de l’énergie qui lui est nécessaire pour fonctionner.

« Elle est composée de panneaux photovoltaïques organiques en forme de diamant et de LED intégrées qui brillent non seulement vers l’extérieur, mais aussi vers l’intérieur, ce qui permet aux coques métalliques situées en dessous de réfléchir la lumière. La transparence partielle de la couche photovoltaïque est cruciale, car elle est la seule raison pour laquelle la lumière brille non seulement au-dessus, mais aussi au travers de l’enveloppe du bâtiment », décrit iart. La résonance visuelle en est d’autant plus forte. Au total, sur une surface de 2 471 m2, 10 680 modules solaires organiques fournis par ASCA ont été installés. Chacun contient 15 120 diodes bidirectionnelles, ce qui au total représente 30 240 points lumineux. La façade média produit 20 MWh. Fait remarquable, la production de l’énergie et celle de la lumière sont combinées en un seul panneau.

À la nuit tombée, les œuvres de trois artistes donnent vie à la façade, répondent à la forme organique de l’édifice au surnom de «doughnut». Ces présentations quotidiennes, qui apparaissent après le coucher du soleil, sont complétées par des animations personnalisées lors d’événements spéciaux. Le jour, la façade affiche simplement un texte en mouvement.

Daniel Canogar, Oculus, 2022

Une animation abstraite générée par les données climatiques.

  • Esther Hunziker, Inside, 2022

Une « robe sur mesure pour le pavillon » sur la dualité microcosme/macrocosme et met en regard cellules et planètes, neurones et étoiles…

  • Semiconductor, Morphogenetic Movements, 2022

Une série d’animations génératives en temps réel qui transforme le pavillon en système auto-organisé.


Ci-dessus. Pour s’adapter à la courbe du bâtiment, ASCA a conçu 10 panneaux photovoltaïques différents, 8 losanges de taille variées et 2 triangles. Production d’énergie et production de lumière sont conjointes. Plus on va vers le sommet, plus ils sont petits.

DES MODULES ACCESSIBLES

Le problème d’approvisionnement en semi-conducteurs consécutif à la pandémie freine le recours à l’énergie solaire du fait de son coût de production et force à trouver des alternatives. La société allemande ASCA, leader mondial du photovoltaïque organique a été sollicitée pour ce projet. « Organique : le terme vient de la branche de la chimie qui s’occupe du développement, de la fabrication et des propriétés des composés du carbone », nous rappelle Hafis Hermann Issa, senior vice-président du développement commercial et

gestion de projets de l’entreprise dont l’activité consiste à imprimer des cellules solaires sur du film PET avec des semi-conducteurs en polymère liquide, qui produisent l’énergie, dont les propriétés sont similaires à celles des inorganiques. Et cette technologie a l’immense avantage d’être souple et permet de créer n’importe quelle forme. Ici, les panneaux accompagnent la courbe du bâtiment. « Ils sont pré- assemblés en atelier pour composer des sections en formes de losange qui sont ensuite directement montées sur la structure », décrit-il. Finalement, « on ne voit plus l’aspect récolte d’énergie », se félicite-t-il. « Le design n’est plus régi par la technologie. »

Les données recueillies au cours des premiers mois d’exploitation montrent que la façade produit suffisamment d’énergie pour afficher des textes en journée– lorsque l’exposition est ouverte – et des animations d’art numérique jusqu’à deux heures après le coucher du soleil.

Lucie Cluzan

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