Mâts d’éclairage public : l’acier et l’aluminium plébiscités

Au moment du renouvellement d’installations d’éclairage public, le choix du matériau est stratégique car il engage pour au moins 30 ans. D’une manière générale, les critères de coûts et de longévité sont les premiers pris en compte par les responsables, ce qui les conduit à opter le plus souvent en faveur de l’acier et de l’aluminium qui répondent parfaitement aux exigences techniques de la norme EN 40 et s’avèrent plus simples à entretenir. Les autres matériaux sont principalement utilisés dans le cadre de projets spécifiques.

Les mâts d’éclairage public installés actuellement en France sont, dans  une  très  grande  majorité  en  acier. Les supports en bois ou béton de type EDF sont encore estimés à 20 % du parc, suivi par l’aluminium, puis la fonte. « Lorsque les responsables d’éclairage public travaillent sur des projets fonctionnels, pour lesquels le critère de rapport qualité/prix prime, l’acier et l’aluminium constituent indéniablement une option souvent privilégiée, explique Flore Michael, directrice générale de ROCH Service, les autres matériaux sont des options intéressantes lorsque l’on souhaite mettre en valeur certains espaces, certains lieux. » Derrière la notion de rapport qualité/prix se cache le plus souvent la volonté de rester dans des budgets maîtrisés et de se conformer aux exigences en termes de solidité et de pérennité de l’équipement. Ainsi, en plus du critère du coût, ce sont surtout la conformité à la règlementation en vigueur en matière de tenue mécanique, la résistance à la corrosion due aux réactions environnementales (mictions canines, corrosion galvanique, sel de déneigement…) et la tenue aux chocs qui sont jaugées par les responsables d’éclairage public pour orienter les décisions et choix de remplacements. Viennent ensuite les critères esthétiques, les possibilités d’intégration dans l’environnement, les possibilités de personnalisation (formes et/ou peintures) et la maintenance (facilité d’entretien).

L’ACIER UN PEU PLUS PERFORMANT QUE L’ALUMINIUM

Du reste, en matière de résistance mécanique, les statistiques de résultats sur les mâts en acier et en aluminium sont très proches, si l’on en croit les indices de gravité (IG) obtenus lors des contrôles réalisés par ROCH Service sur le patrimoine ancien. Globalement, 92 % des ouvrages contrôlés sont conformes et les défauts constatés sont majoritairement liés au système de fixation du candélabre (liaisons écrous-tiges de scellement-rondelles).

Par rapport à l’aluminium, l’acier présente toutefois l’avantage d’être plus performant sur le critère de la résistance à la corrosion (d’autant plus qu’une galvanisation spécifique peut être appliquée en pied de mât) et de ne requérir qu’un entretien réduit. Par ailleurs, l’acier affiche également une meilleure résistance aux chocs, un critère important sur les axes routiers où des accidents peuvent se produire. Enfin, au niveau de la maintenance, il faut aussi noter que l’acier donne en général plus de signaux d’alerte, notamment en matière de corrosion, que l’aluminium. En revanche, l’aluminium est plus facile à mettre en œuvre du fait de plus grande légèreté. Il offre par ailleurs plus de possibilités de personnalisation. Au moment du choix d’un mât, il faut aussi prendre en compte les charges additionnelles potentielles (panneaux, kakémonos, jardinières, décorations de Noël, caméras ou autres capteurs…). Là encore, l’acier et l’aluminium présentent des garanties. « Notre choix se porte désormais le plus souvent sur des modèles en acier de 4 mm d’épaisseur de tôle, afin de permettre l’ajout de charges additionnelles sans difficultés ou de pouvoir répondre à des projets de mutualisation », indique Christophe Demesmay, chef du service Systèmes et réseaux de la communauté urbaine de Besançon.

Elle définit les contraintes techniques en matière de conception et de vérification des mâts d’éclairage public, selon les zones d’installation (bords de mer, terrains plats, terres cultivées, zones industrielles, périmètres urbains…) et les qualités de résistance mécanique des matériaux. Elle précise notamment les spécifications minimales qui doivent être respectées selon différents paliers de vitesse de vent. Elle s’applique aux mâts de candélabres droits d’une hauteur maximale de 20 mètres et aux candélabres à crosses d’une hauteur maximale de 18 mètres.


© Concepto
© Concepto

QU’EST-CE QUE LA NORME EN 40 ?

Le bois est parfois utilisé dans le cadre de réalisations remarquables, comme celle réalisée par l’agence Concepto sur le front de mer des Sables d’Olonne avec des mâts rappelant ceux des bateaux.

Sur ce territoire, comme sur bien d’autres, 99 % des besoins sont couverts avec des mâts en acier et quelques-uns en aluminium (la communauté urbaine renouvelle au total un millier de points lumineux par an, dont la moitié sur mâts). « Nous nous penchons sur d’autres matériaux uniquement dans le cadre d’un aménagement particulier ou du souhait d’un architecte », poursuit-il. Dans le Calvados, le SDEC (Syndicat départemental de l’énergie) ne procède pas autrement. Pour les 73 000 luminaires publics qu’il entretient (sur les 450 communes adhérentes), il sélectionne le plus souvent des mâts droits cylindro-coniques en acier galvanisé peint. « Nous ne remplaçons que les mâts de plus de 30 ans, ce qui nous a conduits à acheter près de 2 000 mâts par an ces trois dernières années », explique Wilfried Kopec, en charge de l’éclairage public et président du centre régional AFE de Normandie, « l’acier galvanisé répond à tous nos critères de résistance, parallèlement nous avons aussi fait quelques opérations avec des mâts en bois pour des endroits bien précis, mais cela reste exceptionnel d’autant plus que la maintenance est plus exigeante ». Le SDEC installe le plus souvent des mâts en acier traditionnel de 3 mm d’épaisseur, voire plus s’il existe des projets d’installations de jardinières ou de capteurs par exemple. Tout cela dans le strict respect de la norme EN 40 (voir encadré) car le vent peut souffler fort dans le Calvados, sur les bords de mer !

MÊME TENUE MÉCANIQUE POUR ACIER ET ALUMINIUM

En matière de tenue mécanique par rapport à la règlementation en vigueur (ELS de l’Eurocode 1991-1-4), les indices de gravité (IG) obtenus, qui déterminent les résultats des contrôles réalisés, sont très proches pour les mâts en acier et en aluminium :

  • IG1 82 %, IG2 : 10 %, soit 92 % d’ouvrages conformes avec pour les IG2 des défauts majoritairement liés au système de fixation du candélabre (liaison écrous-tiges de scellement-rondelles).
  • IG3 <1 % ; IG4 : 5 % et IG5 : 2 %, soit environ 8 % d’ouvrages non-conformes. Les IG3 portent surtout sur des installations récentes et mettent majoritairement en évidence des problèmes de sous-dimensionnement de massif ou de compactage de sol. Les IG4 et IG5 caractérisent les ouvrages sous dimensionnés (par rapport à leur utilisation ou leur mise en œuvre) ou en fin de vie : le matériau n’a plus les caractéristiques nécessaires pour être maintenu en état de service. Les IG5, environ 2 % des mâts contrôlés présentaient un risque de chute imminente.

Grace aux essais non destructifs, mais sécurisés, cela représente 5 000 accidents potentiels qui ont été évités ces dernières années. L’aspect visuel des mâts est un critère pour définir s’ils doivent faire l’objet d’une surveillance particulière mais ne doit pas être à l’origine des décisions de remplacement. Plus de 80 % des supports en acier avec de la corrosion sont conformes et peuvent être maintenus en état de service. En ce qui ce qui concerne les contrôles de conformité mécanique réalisés sur les autres matériaux, ils montrent de bonnes performances du béton et de la fonte.

© TMC Innovation
© TMC Innovation

Au pied de la Tour Eiffel, la nouvelle mise en lumière menée par l’Agence ON s’appuie sur un total de huit mâts imaginés par et le fabricant TMC Innovation. Réalisés en acier Corten, quatre d’entre eux mesurent 12 mètres et reçoivent une soixantaine de projecteurs, les autres de 2,75 mètres en comptent deux.

PEINTURES ET SUBLIMATION

« Incontestablement, l’acier et l’aluminium sont aujourd’hui les matériaux majeurs, les plus prescrits et acceptés par la maîtrise d’ouvrage », confirme le concepteur lumière Roger Narboni, « nous travaillons parfois avec du bois mais toujours après une grosse bataille pour vaincre les réticences ». En revanche, les mâts mixtes peuvent susciter l’intérêt des collectivités, par exemple un mât en bois rehaussé en métal.

« Si le choix se porte le plus souvent sur l’acier ou l’aluminium, il nous reste fort heureusement la possibilité de donner des formes spéciales, des couleurs spécifiques, à nos réalisations », explique Roger Narboni.

En effet, même les points faibles de l’acier et de l’aluminium, à savoir un manque d’esthétisme et de singularité, peuvent être en partie gommés par divers procédés. Par exemple, les mâts en aluminium fluoformés (travaillés par écrasement avec des galets) peuvent prendre diverses formes. Côté couleurs, l’éventail de peintures adaptées est aujourd’hui très large et décliné pour plusieurs types d’environnement (les peintures spéciales bord de mer sont particulièrement résistantes). La sublimation permet aussi de marquer une différence. Il s’agit de films plastiques appliqués sur les mâts qui permettent de leur donner n’importe quel aspect.

« Mais finalement, en termes d’esthétisme, la question est de savoir si l’on veut que les mâts soient visibles ou pas », tranche Marc Aurel, designer et créateur de luminaires (notamment en céramique), « cela peut être intéressant de mettre en évidence des mâts sur un lieu que l’on cherche à valoriser, mais sur les boulevards ou le long des routes la répétition des mâts conduit souvent les décideurs à opter pour des couleurs neutres ».

Hervé Reynaud

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