La lumière au service de bâtiments sains et données sécurisées

Cette année, cybersécurité et sécurité sanitaire deviennent des prérequis pour rassurer les employés des bâtiments tertiaires, ainsi que leurs clients, et faciliter le retour au travail.

En conséquence, le bâtiment intelligent se doit, dorénavant, d’être sain et sécurisé. « La lumière, parce qu’elle pour les salariés, et par extension pour l’entreprise et le bail est présente partout dans les immeubles, apporte des solutions élégantes à ces besoins », explique David Menga et Stéphane Renouard, respectivement ingénieur-chercheur à EDF Lab (Saclay) et PDG d’Arkam.


GROUPE ADP : LA LUMIÈRE AU SERVICE DU RESPECT DES GESTES BARRIÈRES

La start-up française Outsight, récompensée au CES 2020 par un Best of Innovation Award, propose son radar laser pour surveiller le respect des gestes barrières sans sacrifier la vie privée des individus, groupe ADP étant son premier terrain de jeu.

À la différence des caméras classiques, la technologie Outsight ne génère pas d’images mais mesure précisément les distances, les formes et la taille des objets de manière, ce qui permet de suivre un flux de personnes et d’obtenir facilement les densités d’occupation des pièces.

Le 30 janvier 2020, un logiciel malveillant (ransomware) bloque toute l’activité du siège social Challenger de Bouygues Construction. Le 13 mars 2020, le virus Covid-19 bloque quasiment toute l’activité économique de la France via le confinement de la population. Le 11 mai 2020, le déconfinement démarre dans notre pays, les entreprises se demandant comment  rassurer leurs employés afin qu’ils reviennent au travail. Durant l’été, de grands noms du bâtiment intelligent américain, tels GE Current et Johnson Controls, ont proposé des solutions « Back to Work » (retour au travail) mettant l’accent sur la protection sanitaire des travailleurs et des clients. « Il s’agit de relancer un marché du bâtiment intelligent qui piétine à cause de la crise et du manque de services utiles », considère David Menga. Ces solutions apportent, par ailleurs, des garanties sur la désinfection des locaux et la gestion de l’occupation des lieux. De plus, elles permettent la gestion de la distanciation physique et la recherche d’itinéraires sûrs pour, dans un immeuble, aller d’un point à un autre grâce à de la géolocalisation intérieure. Par ailleurs, elles favorisent, toujours au sein d’une entreprise, la recherche de contacts exposés au Covid-19 pour faciliter les tests grâce à une application mobile.« Avec une épidémie toujours présente, accompagner une reprise économique pérenne impose aux décideurs de garantir la sécurité des personnes et des données dans le bâtiment », poursuit Stéphane Renouard.

Dans ce contexte, l’utilisation de la lumière, que ce soit pour la sécurité sanitaire via les UV ou la cybersécurité, répond à un enjeu majeur de société, « rendre le bâtiment sain et sécurisé », tout en apportant une réponse au développement de services dans le bâtiment intelligent. « Personne ne peut douter de la valeur des services de sécurité sanitaire et de l’importance de la cybersécurité pour les salariés, et par extension pour l’entreprise et le bailleur ». Disposer d’un environnement sain et sécurisé ne devrait pas aujourd’hui être une option, « les solutions étant disponibles, abordables et éprouvées, inutile d’attendre la prochaine catastrophe », considère David Menga.

Montage du luminaire Dietal sur le site de production à Saint- Georges de Mons (Puy-de-Dôme).

AVEC LES LED UV-C, LA LUMIÈRE PROGRAMMABLE DÉSINFECTE

Les plus innovants ont choisi de se tourner vers la LED UV-C qui, contrairement aux tubes, n’est pas fragile, n’émet pas d’ozone et n’a pas d’impact sur la dégradation des plastiques (les polycarbonates sont sensibles aux UV-A et UV-B). Les LED UV-C sont connues depuis 10 ans mais industriellement disponibles depuis seulement deux ans, cette évolution étant le même saut technologique que le passage de la lampe à incandescence aux ampoules LED. Ainsi, il devient possible de créer des luminaires LED UV-C, à côté ou superposés aux dispositifs d’éclairage pour une désinfection efficace, automatisable et sans chimie.

LA LUMIÈRE UV-C À L’ASSAUT DE LA COVID

Depuis longtemps, nous savons que la lumière naturelle est essentielle à notre bien-être, notre confort et notre sommeil, tout en renforçant aussi nos défenses naturelles via la synthèse de la vitamine D. Aujourd’hui, le marché post Covid réclame un autre type de lumière, adapté à la désinfection bactérienne et virale des locaux. Parmi tous les rayonnements UV1, scientifiquement connus depuis plus de cent ans pour avoir une action bactéricide et virucide, les UV-C sont les plus efficaces.

Rappelons que la désinfection par la lumière UV est utilisée de manière industrielle principalement pour l’eau, l’agroalimentaire et les sites sensibles tels que les blocs opératoires. Cette solution répond à un double enjeu écologique et de main-d’œuvre, une désinfection chimique nécessitant  beaucoup  de  personnel et  une  grande  quantité de produits toxiques. « C’est une technologie sans contact, parfaite en temps de crise sanitaire », poursuit Stéphane Renouard, en précisant que l’utilisation industrielle de la lumière UV-C en désinfection de l’eau remonte à 1903 dans la ville de Marseille.

L’idée d’incorporer des systèmes de désinfection UV dans les bâtiments n’est pas non plus nouvelle. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont été plongés dans la psychose de la guerre bactériologique, notamment l’anthrax (en anglais, la maladie et le bacille responsable de la maladie portent le même nom), dite « maladie du charbon », peut être propagée dans sa forme respiratoire par la bactérie Bacillus anthracis sous forme de spores contenus dans l’air ambiant2.

Avec la crise de la Covid, la problématique de la désinfection a refait surface… et l’utilisation des UV dans notre quotidien aussi. De nombreuses sociétés ont ainsi proposé des robots pour la désinfection UV (UV Flash, Firac, UVD…), solutions onéreuses mais efficaces contre la Coid et tous les micro-organismes (virus et bactéries). La ville de New York a ainsi annoncé que le métro de la ville serait désinfecté aux UV, tandis que Johnson & Johnson a présenté un appareil pour désinfecter les avions avec des UV. Quant à la Chine, elle a annoncé la désinfection des bus aux UV et la Corée du sud dispose d’abribus avec des lampes UV pour détruire les germes.

Actuellement en France, seules les sociétés Dietal et Arkam produisent des  solutions de désinfection programmables à base de lampes LED UV-C.


LE GUIDAGE PAR LA LIFI

Cet été, le fabricant chinois Oppo aurait obtenu un brevet décrivant un smartphone équipé de capteurs disposés sur le dos et/ou sur la tranche supérieure de l’appareil, lui permettant de prendre en charge la connectivité LiFi. Oppo aurait également imaginé un dispositif d’isolation qui permettrait, à la communication LiFi, de ne pas être perturbée par les variations de la lumière ambiante. « Chaque lampe LiFi devient ainsi un phare guidant les individus dans le bâtiment. »


LA LUMIÈRE AU SERVICE DE LA CYBERSÉCURITÉ

La crise sanitaire, avec l’explosion du télétravail et des services Cloud en tous genres, met en évidence l’importance de liaisons très haut débit fiables et symétriques, qualités que seule la fibre optique possède. Ces réseaux ne sont malheureusement pas à l’abri d’une interception invisible de données, qui peut s’avérer désastreuse dès lors que cela concerne les clefs de cryptage. La physique quantique, avec son principe de non clonage et son phénomène étrange d’intrication de particules, offre une solution incassable à ce problème, alors que, jusqu’à présent, les techniques de cryptographie quantique étaient complexes à mettre en œuvre, et chères.

Des chercheurs de Bristol ont, en septembre dernier, conçu un dispositif « bon marché » de partage de clefs quantiques à base de transmissions de photons. Ce système, qui peut s’intégrer à des dispositifs réseau classiques installés au sein du bâtiment, est donc plus facile à déployer. « L’internet quantique sera essentiellement optique, fibre optique au sol et laser dans l’espace », anticipe David Menga. D’ores et déjà, les satellites de la constellation Starlink qui sont censés apporter un internet haut débit n’importe où sur la planète, communiquent entre eux via des liaisons laser. Par ailleurs, à l’intérieur des bâtiments et des usines, le LiFi haut débit, comme l’offre la solution TrueLiFi proposée par Signify, permet, quant à lui, de sécuriser les liaisons dans un espace clos sans aucun risque de fuites à l’extérieur.

Le bâtiment sain et sécurisé suppose une forte maîtrise des propriétés quantiques de la lumière et des interactions lumière matière. Une lumière qui protège les données et désinfecte les surfaces, mais aussi une lumière qui cadastre son environnement en temps réel. La prochaine étape sera la détection, également en temps réel, des menaces biologiques, via des biocapteurs optiques. Cette année, l’équipe du projet européen CoNVat, financé par l’UE, a conçu une micropuce avec des guides d’ondes interférométriques, offrant actuellement la plus grande sensibilité pour le diagnostic des biomarqueurs cliniques. Ces micropuces permettent la détection et la quantification de molécules ou de virus en une seule étape, sans besoin d’amplification préalable ou ultérieure, de sorte que l’analyse complète peut être effectuée en moins de 30 minutes. Cette solution permet, à terme, d’envisager une détection précise de la charge virale de chaque individu, donc de réaliser un diagnostic fiable d’infection. « Grâce à la lumière, nous aurons ainsi bientôt la possibilité de créer des zones garanties “zéro Covid” », conclut David Menga.

JD

1 Les UV sont divisés en 3 types : UV-A, UV-B et UV-C, ces UV-C n’existant pas à l’état naturel sur terre car filtrés par la couche d’ozone de l’atmosphère.

2 L’association américaine Ashrae (American Society of Heating Refrigerating and Air-Conditionning), éditrice des règles de bonnes pratiques en matière de chauffage-ventilation-climatisation, a publié un référentiel professionnel, en 2004, portant sur la désinfection de l’air avec des UV dans les immeubles tertiaires.

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