Chronologie d’un label annoncé

LIGHTING FOR GOOD

Réunir plusieurs fournisseurs, pourtant concurrents, autour d’un même projet portant sur la conception de luminaires éco-responsables et réparables… tout en étant performants. Telle a été la gageure de Nicolas Martin, Lighting Manager de LVMH, lorsqu’il a lancé le programme Lighting for Good, en collaboration avec Tiphaine Treins. Aujourd’hui, Lighting for Good réunit une vingtaine de fournisseurs travaillant ensemble, en « jouant le jeu », pour inventer des appareils d’éclairage durable présentant un impact environnemental réduit.

Je suis atterrée de constater le gâchis qui perdure au niveau des matériels d’éclairage. » C’est lors d’une rencontre, en 2017, sous la coupole de la Grande Épicerie, à Paris, que la conceptrice lumière, Tiphaine Treins, a confié son exaspération à Nicolas Martin. Cette même année, le 20 septembre, à l’occasion du 25e anniversaire de la création de la direction Environnement du groupe1, Bernard Arnaud, PDG de LVMH, s’est félicité : « En 1992, nous étions les premiers, et même les seuls, à prendre en compte les questions d’environnement ». Lancé en 2012, le programme « LIFE 2020 » (comprenez LVMH Initiatives For the Environnement), a invité les 75 « Maisons » à diminuer de 10 % la consommation d’énergie, à améliorer de 15 % l’efficacité énergétique et à réduire de 25 % leur empreinte carbone. Challenges relevés par Nicolas Martin, en collaboration avec Tiphaine Treins, au niveau des appareils d’éclairage, plus de 70 % des émissions du Groupe provenant des boutiques. Dès 2014, date de la création de LVMH Lighting, l’adoption de la technologie LED a été accélérée, tant au niveau des boutiques neuves qu’à celui de la rénovation des existantes. Toutefois, regrettait déjà Tiphaine Treins : « Les éclairages eux-mêmes ne sont pas éco-conçus. » Aussi, en 2017, un projet a été présenté prenant notamment en compte la durée de vie et la réparabilité des produits, ainsi que la responsabilité sociale et environnementale des fournisseurs. « Avant, on changeait les lampes ; maintenant, on remplace les luminaires… et on les jette », regrette l’ensemble des membres du think tank souhaitant tous contribuer à la diminution de ce gâchis.


75 MAISONS VERS « LA SOBRIÉTÉ LUMINEUSE »

Groupe à caractère familial LVMH compte, réparties en six secteurs d’activité (mode et maroquinerie ; parfums et cosmétiques ; montres et joaillerie ; distribution collective ; autres… dont les médias avec Les Échos, Le Parisien et Radio Classique), 75 Maisons à la forte identité, dont 25 séculaires et 5 ayant moins de 5 ans. En 2018, elles ont totalisé 46 800 M€ de ventes et employé 156 000 collaborateurs. Leader mondial de luxe, LVMH déploie, depuis sa création, en 1987, une organisation décentralisée garantissant autonomie et forte réactivité aux Maisons… Y compris vers plus « sobriété lumineuse », le programme « LVMH Lighting » accompagnant les architectes des Maisons au niveau de la conception des installations d’éclairage LED.


Nicolas Martin et Tiphaine Treins travaillent au développement d’une démarche éco design exemplaire, globale et collaborative, en faveur de l’environnement, portée par la volonté de concevoir de nouveaux concepts-boutiques, « à l’image des concepts-cars développés par l’industrie automobile

L’ESPRIT « START-UP »

Ce think tank, mis en place en mai 2018, compte une vingtaine de fournisseurs d’équipements d’éclairage. « Nous avons volontairement choisi des PME agiles, capables de concevoir un produit en 2 mois… comme en haute couture », souligne Nicolas Martin, attaché à l’esprit « start-up ».

Les principaux critères techniques à prendre en compte ont été arrêtés dès les premières réunions tandis que, de juillet à décembre 2018, plusieurs e-workshops ont défini les caractéristiques techniques de deux types d’équipements (luminaires et drivers), ainsi que ceux du packaging idéal. Par ailleurs, pour définir l’impact écologique des appareils, le think tank a établi un partenariat avec le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), implanté à Montréal, dont LVMH est partenaire. Sa mission ? « Développer, interpréter, intégrer et transférer les connaissances nécessaires à l’opérationnalisation de la pensée “cycle de vie” et sa mise en œuvre au service d’un développement durable ; ce, dans une optique de consommation, production et de gouvernance responsables. »

Fin 2018, était ainsi constitué, autour de Nicolas Martin et de Tiphaine Treins, un cadre de travail structuré riche d’une double expertise : scientifique et technologique. Il restait à créer les premiers « concepts-spots »… comme les « concepts-cars » développés par l’industrie automobile.

INNOVER À LA DEMANDE DU CLIENT

Le premier semestre 2019 a été consacré à la rédaction de la charte Lighting for Good comptant 7 chapitres : durabilité ; efficacité ; qualité ; matériaux ; maintenabilité ; drivers efficaces ; emballage. Avec pour objectif de « ne plus développer des produits LED en appliquant des concepts obsolètes ». À ce niveau, Nicolas Martin fait à nouveau référence à l’industrie automobile à laquelle on doit, toujours aujourd’hui, de nombreuses évolutions. « Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des véhicules, on y découvre beaucoup plus de créativité qu’en éclairage architectural », estime-t-il en considérant, par exemple, que, grâce aux grands volumes de production, les constructeurs et équipementiers ont totalement « débridé » la conception des phares. « Dans le retail, nous souffrons trop d’un profond conservatisme et d’une lourde frilosité. » Concernant l’éclairage tant des magasins que des bureaux, le Lighting Manager est ainsi avide d’innovations. Notamment au niveau de la connexion du module LED au driver. « Quand on remplace le premier, le second doit “savoir lui parler” pour obtenir le juste besoin de lumière. »

Parmi les autres avancées technologiques attendues, il évoque aussi : la garantie des luminaires et de leur alimentation atteignant les 100 000 heures ; une efficacité d’au moins 100 lm/W en sortie de luminaire… « Globalement, poursuit Tiphaine Treins, il devient urgent de réfléchir à un nouveau modèle économique. » En effet, l’objectif ne consiste plus à produire pour jeter mais à proposer des services permettant de maintenir, de façon optimum, le « hardware » acheté portant sur des cycles de vie minimum de 20 ans (100 000 heures). « Cela demande la participation de tous les acteurs liés au process de construction et la volonté de créer de nouveaux “concepts boutiques” avec, comme intention, de pouvoir réutiliser les appareils », estime-t-elle.

© Kenzo
© Kenzo
© Dior
© Dior

Boutique Kenzo de New York, à Hudson Yards. Architecture par Kenneth Park, Lighting design par LOOOM.


Boutique Dior, Monaco.

OBJECTIF LABEL

Et maintenant ? Une shortlist de fournisseurs a été établie. Une dizaine d’entre eux (voir tableau p. 27) a accepté de participer à une compétition dont les gagnants seront annoncés en octobre prochain, à New York, lors de l’événement LIFE in Store. Dès ce mois de septembre, les prototypes seront notés selon leur impact environnemental calculé en fonction des ratios définis par le CIRAIG (voir le score card dans la charte), quatre catégories caractérisant cette compétition : best Packaging ; best Efficacy ; best Materials ; best Smart Driver. Et après ? À cette question, Nicolas Martin répond sans réserve. « En 2020, il convient de mettre en place un processus de contrôle des paramètres communiqué par les fournisseurs sélectionnés en fonction de la charte », conclut-il, en imaginant même la création d’un label certifié pour gagner en crédibilité. Appliqué de façon collective, les fabricants, ayant contribué à sa création, bénéficieront des acquis apportés par les travaux engagés.

1 Depuis 1992, la direction de l’Environnement du Groupe est assurée par Sylvie Bénard. À noter que, en 2016, LVMH a créé une académie « Environnement » pour former ses collaborateurs en interne.

Boutique Dior de New York, à Hudson Yards.
Boutique Dior de New York, à Hudson Yards.

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