Sortir du rôle de « faiseur de lumière »

ROMAIN VIRY (FEILO SYLVANIA)

Ne jamais oublier que nous vivons la plupart du temps, 80 %, sous une lumière artificielle et que l’augmentation de la densité urbaine ne va faire qu’accroître notre besoin de plus en plus grand d’apport de lumière naturelle en intérieur. « Ce qui implique de contrôler notre éclairage en conséquence », conseille Romain Viry, chef de produits solutions Office & SylSmart chez Feilo Sylvania.

© Sylvania
© Sylvania

Aujourd’hui, toutes les conditions sont (malheureusement) réunies pour pousser le secteur de l’éclairage vers la tendance baissière concrétisée par une course à l’opportunité économique galopante plutôt qu’une quête de satisfaction du « client final », l’usager sous le luminaire. En conséquence, « dans le tertiaire, 68 % d’Européens sont insatisfaits de leur éclairage », souligne Romain Viry, en regrettant que « le focus prix l’emporte sur la qualité ce qui représente une crise morale pour l’ensemble de la filière ». « Une autre crise perturbe la filière », poursuit-il. Il s’agit de la perte de compétence en matière d’éclairage vécue par l’immense majorité des acteurs ou co-acteurs de la filière : de l’installateur (cible majoritaire), en passant par la distribution, les grands acteurs nationaux (EDF, Bouygues, ICADE, etc.). Tous lui ont confié : « La disparition de l’expertise qu’apportaient les spécialistes de l’éclairage, explique, également, que le plus bas prix est devenu le critère de décision. » Et de rappeler que l’éclairage représentant, en kWh, 40 % de l’énergie consommée dans un bâtiment tertiaire, il existe un immense potentiel d’économies. « Toutefois, ajoute-t-il, la recherche du meilleur ratio W/m2 serait vaine sans prise en compte du bien-être des occupants. » Dans ce contexte, et avec la durée de vie qu’offre la technologie LED, la bonne conception des installations d’éclairage devient essentielle car « chaque choix, bon ou mauvais, nous engage pour 10 ans ».

DEVOIR DE CONSEIL ET D’INFORMATION

La gestion d’éclairage par détection de présence et d’apport de lumière naturelle est désormais obligatoire, en rénovation non résidentielle, depuis la publication de l’arrêté du 22 mars 2017 revisitant la Réglementation Thermique dans l’existant (voir LUX 296, mars-avril 2018, p. 18).

« Malheureusement, ce texte reste encore mal assimilé par les acteurs, y compris les décisionnaires », regrette Romain Viry, pour qui il faut résolument poursuivre l’évangélisation générale. « C’est notre rôle, à nous professionnels, de valoriser notre devoir de conseils. C’est aussi notre mission à tous de développer notre sens écologique commun. » Dans ce contexte, l’émergence du numérique implique le rappel de quelques définitions préliminaires :

  • Luminaire IoT (objet connecté). Le luminaire devient un vecteur d’information idéal au sein de l’infrastructure d’un bâtiment. Partout présent, alimenté en permanence, son positionnement est unique. Précisément localisé (rarement un luminaire ne change de place) il peut être contrôlable unitairement, en groupes ou même « en coworking comme un véritable organisme vivant ».
  • Intelligence embarquée. Qui dit récupération d’informations dit « quoi en faire ? ». Le concept de Big Data permet d’envisager un important panel de services au-delà de la fonction première de l’éclairage : bien voir confortablement. Mapping d’activités, liaison avec d’autres lots tels que la climatisation et le chauffage, sécurité des biens et des personnes. « Autant de clefs de réflexion / amélioration pour les décisionnaires des activités tertiaires et industrielles ». D’autant plus que se développent des solutions de financement très avantageuses pour faciliter ce bond en avant et que l’ère du relamping leur permet des retours sur investissements irréfutables.
  • L’émergence du concept « Smart Building ». Via les luminaires connectés, fournisseurs de lumière et de services (Light as a Service), les installations d’éclairage s’ouvrent à la flexibilité des besoins tant individuels (Code du travail, sensibilité à la lumière, sécrétion de mélatonine) que collectifs (amélioration des ressources humaines internes, des coûts de maintenance, des coûts opérationnels, enjeux d’image, etc.). « Mais attention aux problématiques éthiques », prévient tout de même Romain Viry.
  • L’américain « Well Building Standard » ; l’européen HCL (Human Centric Lighting). Il devient difficile de trouver d’importantes sources d’amélioration de productivité dans les pays industrialisés. Avec l’utilisation de luminaires biodynamiques à effet circadien, des études ont démontré que des améliorations sont possibles.

À ce propos, il convient de ne pas confondre la technologie « Tunable White » (variation de la température de couleur de la lumière du blanc chaud au blanc froid… et réciproquement) avec deux autres concepts solutions :

  • d’une part, le label américain « Well Building Standard »1 caractérisé par une approche holistique de la santé, notamment au niveau de la lumière afin de minimiser les perturbations du rythme circadien ;
  • d’autre part, le concept européen HCL (Human Centric Lighting) consistant à situer l’éclairage centré sur les besoins de l’utilisateur. À noter que la feuille de route stratégique 2025 de l’association Lighting Europe, qui représente un millier d’industriels de l’éclairage, promeut quant à elle la notion de « Better lighting for a better quality of life ».

« Là encore, le besoin d’éducation est indispensable car attention aux faux “semblants” déjà existants », prévient Romain Viry qui, en échangeant avec des professionnels intervenant auprès des usagers (vendeurs, comptoirs/itinérants de la distribution spécialisée), a constaté que « tous s’enthousiasment à devenir des avocats d’un éclairage “humano- conscient” et, enfin, de reconsidérer le confort visuel la mission première de leur action ».

© Sylvania
© Sylvania

Dans la tour AXA à La Défense, Sylvania a installé les luminaires RANA Linear avec gestion d’éclairage intégrée SylSmart Connected Building.


Entête de page. Dans les nouveaux locaux de Gecina, « le bureau de demain », l’éclairage s’adapte automatiquement à la présence des employés grâce aux détecteurs SylSmart.

OPPORTUNITÉS

Deux niveaux d’opportunités se présentent aujourd’hui au bénéfice du « futur de l’éclairage » :

  • d’une part au niveau des usagers. Ils peuvent désormais profiter des performances des applications LED (technologie devenue mature), associées au développement de la gestion numérique permettant un juste éclairage et un meilleur confort visuel ;
  • d’autre part, au niveau des acteurs de l’éclairage. Les mutations actuelles et à venir doivent leur permettre de se repositionner dans la chaîne de décision tant en ce qui concerne la conception que la rénovation de tout bâtiment. « Une occasion unique pour les fabricants de sortir du rôle peu enrichissant de “faiseur de lumière” et de devenir des fournisseurs de services, toujours à travers d’appareils d’éclairage, diffusant par ailleurs une lumière de meilleure qualité », considère Romain Viry.

Mais encore leur faut-il intégrer de nouveaux métiers complémentaires à leur expertise en éclairagisme pour faire monter la filière en compétence. À savoir, des ergonomes, des data analysts, des intégrateurs réseaux, etc.

1 Imaginé par Delos, société américaine spécialisée dans l’immobilier et les technologies du bien-être, le référentiel Well Building Standard a été lancé en octobre 2014. Géré par l’IWBI (International Well Building Institute), l’équivalent de l’association HQE, ce label prend en compte 7 domaines, dont celui de la lumière.

Laisser un commentaire