Revêtements urbains : une nouvelle bibliothèque en préparation

Créé il y a une dizaine d’années, le groupe de travail AFE Revêtements et Lumière a entrepris une révision de la bibliothèque des revêtements standard pris en compte dans les calculs d’éclairage. Au-delà de cette indispensable mise à jour, une idée-force : éclairer « juste » et concrétiser l’énorme potentiel de gains énergétiques au cœur des politiques publiques.


Lot de revêtements actuellement soumis aux intempéries.


REMERCIEMENTS

Le groupe Revêtements et Lumière – riche de ses partenaires, acteurs et experts scientifiques et techniques qui partagent leurs connaissances et leurs retours d’expérience – remercie, outre les maîtres d’ouvrage participants, les instances signataires de la convention du programme d’étude et d’essais pour l’élaboration d’une bibliothèque de revêtements urbains : l’Association française de l’éclairage (AFE), l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), le Centre d’étude et de recherche de l’industrie du béton (CERIB), le Centre d’information sur le ciment et ses applications (CIMbéton) et le Spécialiste de la chaussée en béton et des aménagements (Specbea).

Le groupe de travail AFE Revêtements & Lumière est né – sous l’égide de l’Association française de l’éclairage, de maîtres d’ouvrage et d’instances publiques – de plusieurs constats. D’une part, les revêtements standard pris en compte dans les calculs d’éclairage ne correspondent plus aux revêtements réels. La technologie des matériaux, de pose et d’usage, a évolué depuis la création des standards, il y a 70 ans. D’autre part, les revêtements urbains actuellement utilisés se caractérisent par une palette de techniques très riche, et de finitions dont la pertinence est justifiée par la diversité des usages du milieu urbain. Il y a également un gisement de gains énergétiques important à trouver dans l’élaboration des projets d’éclairage public. En effet, ce qui importe pour l’usager n’est pas la quantité du flux lumineux projeté sur une surface, mais la lumière réfléchie par le revêtement ou l’obstacle ; la perception se fait par contraste de luminance objet/fond et celle-ci dépend des propriétés réfléchissantes des revêtements. Enfin, et ce n’est pas le moindre des constats, est apparu un intérêt majeur à évoluer du « faire comme d’habitude » vers le « éclairer juste ».

DES OBJECTIFS ANCRÉS DANS LA RÉALITÉ DU TERRAIN

Créer une bibliothèque des revêtements urbains intéresse : assez rapidement, beaucoup d’instances publiques comme privées, des associations, des syndicats professionnels, des consultants experts, tous contributeurs de doctrines techniques, ont rejoint le groupe de travail.

Pour les membres de ce groupe, il s’agit désormais de créer du lien entre les professionnels qui s’ignoraient dans un passé encore proche ; d’organiser et de suivre des démonstrateurs – véritables opérations sur site réel – pour montrer la pertinence des enjeux et des concepts d’un éclairage « juste » ; de vulgariser les résultats et les bonnes pratiques ; d’élaborer une bibliothèque des revêtements actuels et en cours de mise sur le marché pour l’aide au choix des concepteurs ; enfin, de proposer des outils et des méthodes permettant d’inscrire dans l’opérationnel une optimisation énergétique basée sur les couples luminaire/revêtement, en rupture par rapport aux méthodes classiques de conception.

LES PREMIERS RÉSULTATS PUBLIÉS

Après plusieurs années de travail, la phase 1 qui visait à collecter les attentes et répertorier les revêtements s’est achevée. Elle a initié des démonstrateurs, des chantiers d’innovation montrant la faisabilité ainsi que la pertinence de l’approche, et s’en est nourrie. Les résultats ont été communiqués à travers de nombreuses publications, en particulier la revue LUX et la Revue générale des routes et de l’aménagement (RGRA), par des fiches techniques diffusées à plusieurs milliers d’exemplaires, comme la plaquette « Revêtements et lumière pour éclairer juste », ou encore la fiche « Quand les revêtements de sol s’invitent dans les projets d’éclairage », publiée par le Cerema.

Par ailleurs, la journée nationale à Paris, le 28 novembre 2013, a été un point d’orgue. Elle a résumé l’essentiel des acquis et ouvert au débat bon nombre de sujets innovants de la démarche Revêtements et Lumière, avec une mise en perspective des fondamentaux sur les revêtements et l’éclairage, les projets innovants et les démonstrateurs, le lien avec les grands enjeux de l’énergie et de la ville durable, et la préparation du futur.

CONSTITUTION DE LA BIBLIOTHÈQUE ET PREMIÈRES MESURES

La phase 2, toujours en cours, est principalement dédiée aux essais photométriques et à la constitution d’une bibliothèque de revêtements actuels. Une palette de 35 revêtements urbains couvrant pratiquement toutes les familles de techniques utilisées aujourd’hui a été sélectionnée : enrobés bitumineux, asphaltes, bétons décoratifs coulés, éléments modulaires en béton préfabriqués. Selon les recommandations de la Commission internationale de l’éclairage (CIE), la photométrie des revêtements est mesurée pour un angle d’observation de 1° (soit une vision à environ 90 m pour un automobiliste). À partir de ces mesures, les coefficients de clarté Q0 et de spécularité S1 sont calculés. Ils représentent respectivement le coefficient de luminance moyen et la brillance du revêtement. L’outil utilisé est le gonioréflectomètre qui mesure, pour des conditions d’angle fixes ou variables, la quantité de lumière réfléchie par un échantillon de revêtement dont on souhaite quantifier les caractéristiques photométriques, au même titre que l’on quantifie sa résistance à la glissance ou sa robustesse mécanique.

Outre les mesures conventionnelles à 1°, des mesures seront réalisées à 10°, ce qui correspond à une distance d’observation de 13 mètres. Cette géométrie est plus adaptée à la mobilité urbaine ; elle peut s’appliquer aux véhicules, aux piétons et aux deux roues. Les mesures sont réalisées sur des échantillons des revêtements à l’état neuf, et après trois ans de mise en condition pour évaluer l’incidence du vieillissement climatique (figure 1).


Figure 1.

Mesures de photométrie initiales réalisées pour l’angle d’observation conventionnel de 1° avec le goniophotomètre du Cerema. Le coefficient de clarté Q0 est en abscisse et le coefficient de spécularité, en ordonnée.


Figure2.

Représentation des enveloppes indicatrices de réflexion (ou solides photométriques) de tables-R.

GRANDE DISPARITÉ DANS LES RÉSULTATS

Une différence très importante a été relevée entre les revêtements types R1 à R4 de la CIE et un grand nombre de mesures. La plupart du temps, les revêtements bruts sont très spéculaires. Dans ce cas, le dimensionnement des installations d’éclairage n’est généralement pas réalisé. Un traitement de surface après mise en place (hydrodécapage, sablage, grenaillage ou autre) permet de baisser cette spécularité initiale et de se rapprocher du comportement à la lumière du revêtement similaire obtenu après stabilisation sur site (figure 2).

En haut, en noir, tables-R types définies par la CIE. En bas, en bleu, tables-R mesurées sur des revêtements neufs dans le cadre de la démarche Revêtement et lumière. Les deux revêtements de gauche, très spéculaires, sont des revêtements bruts encore recouverts de bitume. Les deux revêtements de droite sont des revêtements diffus, clairs ou très clairs, ayant été initialement traités.

La représentation graphique des tables-R de la figure 2 met en évidence des différences notables, voire très marquées entre les quatre revêtements R1 à R4 types de la CIE, d’une part (représentés en noir sur le graphique), et les revêtements mesurés d’autre part (représentés en bleu). Elle souligne aussi la grande disparité des résultats et leurs potentiels, justifiant pleinement le bien-fondé et la pertinence de la démarche du groupe de travail.

Les mesures initiales à 1° ont été achevées en ce début d’année. Les fiches de la bibliothèque, très attendues par certains maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre, sont en cours de rédaction.

Un ambitieux programme de calculs en aval des résultats de mesures constitue la phase 3 de la démarche. Il permettra de mettre à disposition de la communauté technique les matrices photométriques réelles des revêtements choisis dans les projets dont le couplage, au cas par cas, avec la photométrie des luminaires permettra une optimisation des performances inégalées. De quoi apporter un regard nouveau sur l’éclairage public urbain.

Valérie Muzet, Cerema, et Philippe Gandon-Léger, Comatelec

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