« Rétablir une meilleure vision des éclairages »

DR CHRISTOPHE ORSSAUD

La sobriété énergétique, combinée aux contraintes économiques et aux nécessités écologiques, a amené à considérer de nombreux éclairages visibles à l’extérieur comme peu utiles, si ce n’est inutiles et « nuisibles », du moins passé une certaine heure. Il est également demandé aux particuliers de réduire l’éclairage domestique pour les mêmes raisons économiques et de réduction de la consommation d’électricité. Mais, les besoins visuels en matière d’éclairage, notamment intérieur, sont rarement évoqués tandis que, de nombreux paramètres physiologiques ou psychologiques sont peu pris en compte, regrette le Dr Christophe Orssaud, président du Collège Santé de l’AFE.

L’être humain est un animal diurne Aussi, notre œil est adapté à une activité optimale en ambiance photopique ou mésopique et non à une ambiance scotopique. » En clair, rappelle le Dr Christophe Orssaud, « notre œil est constitué pour voir à la lumière ou dans la pénombre ».


Contrairement à l’être humain, les yeux des animaux nocturnes comme la chouette ou le chat ont une membrane réfléchissante, le tapis clair, qui leur permet de voir la nuit. C’est pourquoi un éclairage intérieur adapté est nécessaire afin de répondre à un besoin en lumière plus important avec l’âge.

La nuit, nous voyons en gris et quasiment à plat. D’autant si les conditions météorologiques sont mauvaises.

NOUS NE POSSÉDONS PAS DE « TAPIS CLAIR »

Certaines cellules photoréceptrices, les cônes, répondent à une forte luminosité et permettent de distinguer finement les objets, de percevoir les couleurs et d’avoir une vision stéréoscopique précise et donc un sens du relief. D’autres cellules photoréceptrices, les bâtonnets, activées sous un moindre éclairage, ont des capacités différentes, orientées vers la perception d’objet en mouvement dans le champ périphérique. Contrairement aux animaux nocturnes, l’être humain n’a pas de tapetum lucidum (tapis clair), cette membrane réfléchissante qui améliore la vision scotopique… comme notamment le chat.

Grâce à ses photorécepteurs, l’être humain est capable de distinguer en plein jour les obstacles : trou ou surélévation pouvant le faire trébucher et/ou tomber, obstacle risquant de lui couper la route. Plus la luminosité diminue, plus ces capacités s’altèrent. Les couleurs sont moins bien perçues, le relief est moins évident, les objets sont difficiles à analyser. Il faut faire plus attention pour bien analyser ce que l’on voit en gris, quasiment à plat, dans son champ de vision paracentral et périphérique. De plus, une « myopie nocturne » de l’ordre de – 0.5 à – 0.75 dioptries, réduit l’acuité visuelle. Les accidents auraient ainsi tendance à augmenter comme le démontrent les statistiques de la sécurité routière : ceux impliquant un piéton augmentent de 42% en novembre, du fait du passage à l’heure d’hiver.

ENTRE LE PHYSIOLOGIQUE ET LE PSYCHOLOGIQUE

La quantité ou qualité de lumière nécessaire pour bien voir intègre de nombreux paramètres, physiologiques ou non. Le premier facteur est l’âge puisque le besoin de lumière augmente avec celui du vieillissement des tissus (opacification du cristallin, cataracte, maculopathie…). Les personnes de plus de 50 ans ont besoin d’un éclairage renforcé dirigé vers leurs zones d’activité professionnelle ou domestique et/ou d’un éclairage pour se déplacer la nuit pour, par exemple, se rendre aux toilettes sans trébucher ou tomber, les troubles d’équilibre liés à l’âge majorant les risques de chute lorsqu’on trébuche. Enfin, la pupille s’adapte moins vite au passage d’une ambiance lumineuse à une ambiance sombre.

L’existence d’une pathologie vient moduler ce besoin de lumière mais sans qu’il soit possible de définir une règle générale. Certaines pathologies, tel que l’albinisme, sont sources de photophobie, nécessitant de réduire les sources lumineuses ou de porter des verres teintés. À l’inverse, d’autres pathologies s’accompagnent d’une difficulté en l’absence de lumière avec, au maximum, une cécité nocturne. Enfin, certaines pathologies comme le glaucome, diminuent le champ de vision ainsi que la perception des contrastes et des couleurs.

L’importance de la qualité de la lumière et du rendu des couleurs se situe à la frontière entre le physiologique et le psychologique. Le papillotement est fatigant et source de mauvaise perception. Il en est de même pour des éclairages altérant les couleurs.

QU’EST-CE QU’UN BON USAGE DE L’ÉCLAIRAGE ?

Il est impossible de répondre à cette question mettant en jeu trop de paramètres : physiologiques, psychologiques, sociétaux, économiques, techniques… De plus, les ophtalmologistes et autres professionnels de la vision ne disposent pas de tests permettant d’évaluer les besoins en matière de qualité ou quantité de lumière. Distinguons cependant l’éclairage extérieur et l’éclairage intérieur.

  • En extérieur : D’un point de vue physiologique, l’éclairage « public » ou « extérieur » doit être uniforme sur tout le trajet car les alternances de zones claires et sombres sont gênantes avec l’âge ou en cas de pathologie, y compris la myopie moyenne. De plus, il doit assurer une intensité et une température de couleur suffisantes, pour distinguer les obstacles, et ne pas être éblouissant.

L’éclairage extérieur doit aussi être le moins nocif possible pour la biodiversité et ne pas être un « parasite » pour les lieux de vie. Enfin, dans la mesure du possible, il faut éviter qu’il ne soit dirigé vers des fenêtres.

  • En intérieurs professionnels. Dans les espaces recevant du public (ERP) et les lieux de travail, l’éclairage est très réglementé, de nombreuses normes ayant été établies en fonction des lieux et de leur destination. Mais, il est difficile de préciser quelle population a été retenue comme référence pour édicter ces normes, puisque les besoins varient en fonction de l’âge et des pathologies. Par exemple, en Ehpad, l’éclairage est-il adapté aux résidents ou au personnel qui y travaille et qui est plus jeune ? Les textes stipulent que « l’éclairage doit être adapté au besoin de chacun », mais il s’agit là d’un vœu pieux puisqu’il n’existe pas de test normé permettant de quantifier ces besoins.
  • En intérieur domestique. Dans ces espaces, les difficultés sont beaucoup plus grandes et un travail s’impose pour apporter des solutions. Rappelons que de nombreux accidents (chute ou erreur de prise médicamenteuse), fréquents chez les personnes âgées, sont dus à des problèmes d’éclairage et aboutissent à un placement en Ehpad. Il faut donc expliquer l’importance d’adapter son éclairage domestique en fonction de son état physiologique, d’une part, et de la fonction de la pièce (cuisine, chambre, couloir…), d’autre part. Mais, ceci passe souvent par de nécessaires travaux et le changement de luminaires obsolètes ou plus adaptés. Il faut également simplifier et rendre plus lisible l’offre d’ampoules car il existe parfois une confusion entre la valeur de la température de couleur d’une ampoule et la quantité de lumière disponible. Enfin, il convient de limiter l’éclairage parasite des chambres en supprimant certaines sources lumineuses (smartphone, lumière de rue…).« En conclusion, estime le Dr Christophe Orssaud, il est important de s’attacher à clarifier la notion de quantité de lumière nécessaire, puisque celle-ci reste une notion empirique. Aucun test clair et normé ne permet de la déterminer. Elle est donc appréciée à partir de normes admises et publiées mais pour lesquelles la population de référence reste peu précise et du ressenti des personnes. »

Dr Christophe Orssaud / JD

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