Pour Ragni, raisonner autour de l’éclairage vaut bien des « Rencontres »

Le programme des « Rencontres de l’éclairage raisonné », organisé par Ragni, était aussi construit autour, le matin, de deux tables rondes et, l’après-midi, d’ateliers. À la table ronde dite « à plusieurs voix », intervenait la conceptrice lumière Virginie Nicolas, présidente de l’ACE, souvent présente également dans les pages de la revue LUX. Elle a, d’une part, illustré un projet recherchant de très bas niveaux d’éclairement sur l’espace public (objectifs au plus bas de la norme NF EN 13201 ; spectres lumineux adaptés à chaque contexte ; stratégie de préservation de la pénombre) et, d’autre part, elle a fait référence à un rapport genevois, de mai 2021, portant sur les stratégies d’éclairage des routes cantonales. Rapport qui explique, entre autres, les conditions de l’apparition de la peur et du sentiment d’insécurité dans l’espace public. Nous reviendrons sur ce thème dans la prochaine édition de la revue LUX.

Côté ateliers, arrêtons-nous plus particulièrement sur celui consacré à la Pédagogie de la sobriété lumineuse animé par Nicolas Houël, membre de l’équipe rédactionnelle de la revue LUX, cet atelier ayant réuni un nombre inattendu de participants (près d’une trentaine) pendant environ une heure scindée en trois étapes dédiées au partage d’expériences et de connaissances.

« Délicat exercice que celui de parler d’éclairage sans une base de vocabulaire solide », considère Nicolas Houël. Aussi, l’atelier a débuté au niveau du laboratoire de photométrie dans lequel a été effectuée une démonstration des températures de couleur et de variations d’intensité lumineuse. À l’aide de prototypes de luminaires, les participants ont observé les variations visuelles engendrées par différentes températures de couleur et, ainsi, pu saisir les subtilités des critères de longueur d’onde et de spectre du visible, mire colorée à l’appui.

La démonstration en laboratoire a fait place à une expérience en situation réelle, au cœur du parc de stationnement souterrain de l’entreprise, dans lequel avaient été mis en place six projecteurs à variation de température de couleur et d’intensité. Les participants ont ainsi découvert, dans un contexte d’usages, les critères de températures de couleur et de niveau lumineux.

Prioritairement dédié au partage de connaissances, d’avis et d’expériences, l’atelier a ensuite ouvert sur un débat ayant permis aux participants de se positionner et d’échanger à partir d’une question spécifique : « Si, demain, on éteint l’ensemble de l’éclairage public, êtes-vous d’accord ? » À ce stade, certaines idées reçues ont immédiatement été déconstruites : « Le contexte particulier des Rencontres de l’éclairage raisonné positionne logiquement les acteurs industriels de l’éclairage dans une posture mesurée quant à l’extinction ; alors qu’ils rencontrent une mobilisation forte du reste des participants en faveur de l’extinction, quel que soit le contexte », commente Nicolas. Les considérations liées aux activités humaines nocturnes ont, par ailleurs, été soulevées, comme l’éventualité d’un retour à l’éclairage portatif individuel, « historiquement considéré comme l’une des premières formes d’accès à l’espace extérieur nocturne ». Enfin, la question du genre et de l’inégalité d’accès à un espace extérieur nocturne sécurisé a été soulevée : « Il a été surprenant de constater que, malgré ce qu’on entend, toutes les femmes présentes dans l’atelier sont positionnées en faveur de l’obscurité. » Résolument central, le sujet de l’inégalité d’accès à l’espace public nocturne est largement étudié dans l’environnement scientifique. En atteste, par ailleurs, la conférence de la Professeure émérite en criminologie, Elisabeth Enhus1, exposée, lors du Congrès du centenaire de l’Union Géographique Internationale (UGI) qui s’est tenu, à Paris, du 18 au 22 juillet dernier. Son intervention « Women’s nightly fear of crime. Could adapted public lighting offer a solution? » (La peur des femmes de la criminalité nocturne. Un éclairage public adapté est-il une solution ?) a été la seule à exclusive- ment porter sur le sentiment de sécurité des femmes en ville, en période nocturne.

L’atelier Pédagogie de la sobriété lumineuse, en démarrant par la mise en place d’un vocabulaire commun puis en migrant vers l’expérimentation d’ambiances, a poursuivi un dessein précis : « La mise en débat du rôle de l’éclairage artificiel dans nos sociétés et les constructions présentes et futures de leurs représentations culturelles, visant une mise à l’équilibre des perceptions, représente, sans nul doute, la base essentielle et incontournable des pratiques espérées de l’éclairage raisonné », conclut Nicolas Houël.

Éclairage raisonné, Ragni promeut le dialogue

Dans l’édition 315 de la revue Lux, datée du 19 septembre 2022, nous revenons sur deux journées d’information organisées par deux constructeurs : Ragni et Technilum. Charlotte Taleghani, responsable “Dialogue & Développement Durable” chez Ragni, explique pourquoi et comment ont été conçues les RDER (Rencontres de l’éclairage raisonné)

“Les RDER représentent la concrétisation de plusieurs aspects de notre politique RSE et de notre volonté de la faire vivre concrètement dans nos prises de décisions et dans nos relations” souligne Charlotte Taleghani qui a travaillé à leur création dès septembre 2021. Dans quel but ? 

  • En 2020, pourquoi a été créé le service “Dialogue & Développement durable” ? C’est d’abord la concrétisation des engagements pris par l’entreprise complétés par  les communications faites auprès de ses parties prenantes, “informées que 2022 serait l’année du dialogue”. C’est ensuite une manière de pratiquer la démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) en favorisant l’écoute des attentes respectives et la recherche de valeurs partagées. C’est enfin une façon d’inviter chaque partie prenante à s’impliquer dans les évolutions nécessaires de la chaîne de valeur, en l’ouvrant à de nouveaux acteurs et en remettant en cause les schémas traditionnels. “Naturellement, en finalité,  nous visons la pérennité pour l’entreprise, la confiance de nos partenaires et l’apport d’une contribution positive aux enjeux du développement durable”.
  • Comment ont été sélectionnés les participants aux RDER ? . En premier lieu, grâce aux outils de classification RSE utilisés par l’entreprise et à la force de son réseau commercial et institutionnel. De nombreuses heures d’échanges visio et  téléphoniques ont permis d’identifier les parties prenantes les plus pertinentes ainsi que les intervenants. “Le but étant de co-construire avec ces derniers un contenu en phase avec leurs attentes et problématiques, j’ai volontairement réservé beaucoup de temps à leur écoute” poursuit Charlotte Taleghani. Deux consultations en ligne ont permis de préciser les enjeux et les sujets que les participants souhaitaient voir traiter. Sur une centaine de personnes sollicitées, 75 ont répondu positivement et 53 étaient réellement présentes, tandis que le webinaire associé  a réuni 80 participants qualifiés.
  • Quid, à présent, des Rencontres ? Le travail de bilan est en cours. Toutefois, les premiers retours encouragent à renouveler l’expérience. “Nous réfléchissons à la fréquence la mieux adaptée” souligne la responsable du service “Dialogue & Développement durable” en précisant que l’une des principales problématiques demeure la difficulté de synchronisation entre le temps de la recherche scientifique, celui de la politique et celui de la nature, confrontés à l’injonction de vite réagir à l’urgence climatique. “Il faudra donc laisser du temps au temps et utiliser les périodes entre chaque RDER comme des phases de travail collectif sur les projets transversaux clés pouvant émerger des Rencontres” conclut-elle.

Jacques Darmon

1 Depuis 2018, Elisabeth (Els) Enhus est professeure émérite en criminologie au sein du département criminologie de la Vrije Universiteit Brussel (VUB). Actuellement, ses recherches portent sur la relation entre la ville, l’espace et le lieu, le crime, la peur du crime et la prévention. La nuit fait l’objet, pour elle, d’une attention particulière en tant qu’espace-temps, avec ses propres pratiques, expériences, règles et attitudes.

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