Économie circulaire et éclairage : un retard à l’allumage ?

LE BILLET D’HUMEUR

Alors que bon nombre de domaines industriels (habillement, automobile, électroménager, téléphonie, bâtiment) évoluent vers la mise en œuvre d’une économie circulaire pour répondre aux attentes de leurs clients, soucieux des enjeux climatiques et environnementaux, il semble que le monde de l’éclairage ne se sente pas concerné.

Réaliser un projet d’éclairage, en accord avec les principes de l’économie circulaire, représente aujourd’hui un véritable parcours du combattant. Les termes de ré-emploi, de dépollution des produits avant leur réutilisation, de réparation, de reconditionnement en usine, de vente d’occasion, de location longue durée, sont oubliés des fabricants d’appareils d’éclairage et de supports1. Leur seul credo est celui du recyclage des matériaux (aluminium et acier principalement), sans d’ailleurs prendre en compte les terres rares, essentielles à la fabrication des LED, confisquées par la Chine, pillées en Afrique… qui, dans le futur, proviendront peut-être de la lune.

N’est-il donc pas temps d’inventer, pour nos métiers, cette économie circulaire ? Par exemple, au lieu de remplacer les lanternes existantes, équipées de lampes SHP et ne correspondant plus aux contraintes de l’arrêté de décembre 2018, par des luminaires neufs, ne devient il pas judicieux de les rénover avec de modules LED adaptés, surtout si elles ont été installées il y a moins de 10 ans ? Mais il convient aussi de tenir compte, dès la conception des appareils, de leur réparation ultérieure, en ne se limitant pas au seul changement des modules LED. En complément, il devient nécessaire de modifier les conditions de subvention des syndicats d’énergie, centrées sur les équipements neufs, en autorisant le sectionnement, sur site, des mâts d’éclairage existants, sans systématiquement les changer… ce qui augmenterait, de manière importante, l’impact carbone du projet. Cette solution permet d’adapter leur hauteur à de nouvelles ambiances lumineuses, en créant des appareils d’éclairage, des accessoires et des fixations dédiés à ces nouvelles pratiques. Cette démarche ne favoriserait-elle pas l’accès au réemploi des supports, à la production de nouvelles normes et, également, à l’utilisation de matériaux biosourcés ?

Cette révolution culturelle de l’éclairage implique de créer des liens localement avec des associations de réparation, de recyclage et de réinsertion.

Toutefois, cette révolution culturelle de l’éclairage implique de créer des liens localement avec des associations de réparation, de recyclage et de réinsertion… tout en modifiant les marchés publics. Il faut aussi proposer des formations, dédiées à d’autres manières de pratiquer l’éclairage, principalement à destination des jeunes, qui le regardent aujourd’hui comme un sujet majeur de pollution.

Le monde de l’éclairage, trop centré sur la technologie, doit s’emparer des évolutions sociétales et environnementales s’il souhaite que les clients, les  prescripteurs  et les citadins de demain, puissent poser un nouveau regard positif sur nos métiers.

Par Roger Narboni (concepteur lumière)

1. Alors que l’Ademe estime qu’au rythme actuel, il faudrait entre 20 et 30 ans pour renouveler les 11 millions de points lumineux de l’éclairage extérieur.

Dessin © Roger Narboni

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