Standardiser la démarche « Clean Eclairage »

RATP © Bruno Marguerite
RATP © Bruno Marguerite

En mai 2013, la société Vertbatim1, en partenariat avec Philips, publiait un ouvrage portant sur la généralisation, dès 2012, de l’éclairage LED dans le métro et le RER2… ce qui a été chose faite dès 2016. Dans ce document, l’architecte maître d’ouvrage Didier Bernard, à présent responsable de l’équipe « Programmation et spécification en architecture et aménagement » à la RATP, se disait conscient « qu’avec la technologie LED, il faut évoluer par étapes ». Aujourd’hui, une nouvelle étape a été construite autour de la démarche « Clean Eclairage ». Il nous l’explique en compagnie de Maëlle Molina et de Kevin Desrousseaux, prescripteurs en charge du développement de nouveaux luminaires afin de standardiser les solutions dorénavant appliquées.

En 2012, la RATP a décidé, dans le cadre de sa politique de réduction des consommations d’énergie, le remplacement de toutes les sources lumineuses de ses réseaux par des sources LED, l’émergence de cette technologie venant bousculer les équilibres qui s’étaient progressivement construits autour de la maîtrise des solutions d’éclairage appliquées dans le métro. Par exemple, au niveau des luminaires, dont les optiques et les performances étaient conçues autour de tubes fluorescents diffusant à 360°, la substitution des sources initiales par des tubes LED à 180° s’est traduite par un impact non négligeable portant sur la qualité des éclairages. En conséquence, toujours aujourd’hui, certains espaces particuliers restent éclairés en de- çà des niveaux de confort souhaitables du fait de l’inadéquation entre « solution de mise en lumière et source utilisée ».

FACE À LA MAÎTRISE DE L’UNIVERS LED

« Pour la conception des nouveaux éclairages, l’ingénierie RATP a vite été confrontée à l’univers disparate de fournisseurs habituels, encore méfiants, et de nouveaux fournisseurs, pas toujours fiables », commente Didier Bernard pour qui « en raison de l’absence de sources LED standards, la RATP s’est trouvée le plus démunie ».

Dans des stations  et  des  gares  éclairées 24 heures sur 24, la durée de vie d’une source LED est de l’ordre de 5 ans, alors que, dans la plupart des bâtiments, elle correspond aux 15 années du cycle de vie des aménagements. « Dans ces derniers, au bout de 15 ans, on changera la source mais aussi probablement le luminaire », avance le maître  d’ouvrage.   Mais à la RATP, compte tenu du patrimoine immense d’espaces et des moyens modestes budgétés pour le rénover, « le cycle de vie des aménagements tourne autour de 40 à 60 ans, ce qui correspondra à au moins 10 opérations de relamping ».

Aussi, soit le coût du luminaire est très modique, il est alors considéré comme un consommable que l’on changera complètement, soit le coût du luminaire est plus conséquent, « il faudra alors se retourner vers le fournisseur, seul propriétaire de la source, en espérant qu’il la fabriquera toujours 50 ans après ». En conséquence, le relamping en fin de vie, opération qui, jusqu’à présent s’avérait assez simple, devient complexe, nettement plus délicate à déployer. « De plus, 7 ans après la décision de tout relamper en source LED, le réseau dispose encore d’éclairages dont les sources, aux performances obsolètes, n’ont toujours pas été changées faute de solutions LED disponibles », regrette Didier Bernard.

Prenant en compte les ambitions de la RATP quant à la maîtrise de l’énergie, les acteurs de l’éclairage (spécificateurs, prescripteurs, mainteneurs et exploitants), sous le pilotage de la maîtrise d’ouvrage des projets et du département de l’innovation, se sont constitués en groupe transversal afin de réévaluer, ensemble, les spécifications en matière d’éclairage. Leur objectif ? La maîtrise de la nouvelle technologie LED.« Les performances attendues ont été reformulées, au regard des contextes et des contraintes, dans une optique de juste éclairage, robuste et efficace, et surtout assumable dans la durée », précise Didier Bernard. Ainsi a été construite la démarche « Clean Eclairage » principalement à destination des concepteurs, architectes et éclairagistes, conduits par différentes maîtrises d’ouvrages de projet, pour lesquels l’image architecturale et l’identité spécifique du résultat, comptera plus que les préoccupations quotidiennes de l’exploitant.

RATP © Jean-François Mauboussin
RATP © Jean-François Mauboussin

DIDIER BERNARD

« L’ÉCLAIRAGE RESTE LE DISPOSITIF LE PLUS FRAGILE »

L’éclairage des stations du métro parisien est un sujet sensible. Dans l’univers des transports souterrains la lumière est une évidence, indispensable à la fréquentation des lieux, et sa qualité témoigne de la sollicitude portée à ceux qui les utilisent. Plus que jamais, l’électricité apporte un confort modifiant profondément nos rythmes de vie, particulièrement en ville où nos activités se sont développées et épanouies aussi la nuit. Le métro, au cœur de la mobilité en ville, y participe activement. Toutefois, pour tous les publics, le sous-sol du métro reste par nature un lieu d’anxiété, ses formes labyrinthiques et la promiscuité de ses foules génèrent toujours de l’inquiétude qu’il faut savoir apaiser. « La première ambition assignée à l’éclairage dans les espaces souterrains des stations et des gares vise cet apaisement, à travers l’illusion d’un jour perpétuel donnant à voir sereinement tout, tous et chacun », rappelle Didier Bernard.

La maîtrise des éclairages représente un enjeu quotidien.

Dans les ouvrages solides du sous-sol, au sein des aménagements résistants à une afréquentation intense, « l’éclairage reste le dispositif le plus fragile ».

L’empoussièrement, le vieillissement des sources et des appareils représentent pour les exploitants, dans un si vaste patrimoine et avec autant de solutions différentes, un défi permanent.


Dalles lumineuses LED du fournisseur Atelier de Chevreuse, développées pour le Pôle Châtelet-les-Halles.

Par ailleurs, au-delà des spécifications, l’enjeu principal restait la maîtrise des solutions, le relamping LED ayant prouvé la complexité de ce type d’opération. « Nous avons des difficultés à mesurer si les économies d’énergie ont compensé les surcoûts d’investissement associés aux luminaires LED et à leurs sources », constate Didier Bernard. Si, avec la technologie fluorescente, il suffisait de se limiter à un panel imposé comptant 17 sources standards pour le choix des luminaires, aujourd’hui, avec la technologie LED, « le nombre de sources utilisées sur le réseau pourrait vite devenir exponentiel, sans parler du risque de leur indisponibilité dans la durée ».

Le groupe « Clean Eclairage » s’est ainsi transformé en comité d’homologation pour contrôler les choix de solutions au regard de ses enjeux en s’appuyant, depuis 2017, sur la base de l’administration d’un catalogue de références de luminaires et sources LED. Inscrit dans la politique de solutions standardisées et de produits transversaux, pilotée depuis 2014 pour l’entreprise par la maîtrise d’ouvrage des projets. « Ce groupe s’est ainsi imposé en conseillant et accompagnant les conceptions, avec toujours un regard porté sur les évolutions technologiques », se félicite Didier Bernard, en expliquant que la réussite d’une telle activité est due à la compétence des contributeurs. Avec des mainteneurs connaissant bien leur patrimoine et faisant remonter les retours du terrain, des prescripteurs experts en développement de luminaires, des fournisseurs compétents et un pilotage en capacité d’anticipation vis-à-vis des besoins futurs, « le sujet de l’éclairage à la RATP est, aujourd’hui, pour le moins sous maîtrise », considère Didier Bernard.

STANDARDISATION DES SOLUTIONS

La difficulté principale reste celle de la maîtrise des développements de solutions particulières au niveau de projets d’architectes. Aussi, les nouvelles solutions s’inscrivent dans une certaine rationalisation, à travers la recherche de réponses les plus transversales possibles. Par exemple, concernant les projets de prolongement « métro », les luminaires, spécifiquement développés en harmonie avec les choix architecturaux, seront poursuivis sous la conduite d’un même architecte intervenant sur toutes les nouvelles stations créées. Toutefois, la prescription et le développement menés avec les fournisseurs sont souvent menés par des maîtrises d’œuvre externes, sans participation active des prescripteurs internes. « Cette pratique représente une grande perte d’énergie pour faire valider ces produits », regrette Kevin Desrousseaux, surtout vis-à-vis des enjeux de gestion relatif à la durée des éclairages, la non connaissance de leurs spécificités par les experts prescripteurs internes. Autant d’inconvénients réduisant considérablement la capacité de l’entreprise à réagir quand, quelques années plus tard, des soucis apparaîtront. « La standardisation ne peut être réduite à une politique d’achats groupés. Elle doit s’appuyer sur des compétences installées pour maîtriser la chaîne complète de la conception jusqu’à la fin du cycle de vie », souligne le prescripteur.


L’éclairage biodynamique du couloir CR250 de la station de métro Châtelet, signé par l’Agence ON, tient compte du rythme circadien et reproduit la luminosité naturelle du soleil. Ici un des scenarii du quotidien qui décline les trois teintes blancs froid et chaud, ambre.


LES AMBITIONS « LUMINEUSES » DE LA RATP

« La RATP a pour ambition d’ouvrir une nouvelle voie au marché LED par la conception de produits à source interchangeable », explique Didier Bernard. Elle cherche à mutualiser les sources LED pour limiter les références de pièces de maintenance et à encourager les fabricants à intégrer ces sources dans leurs offres afin de faciliter les approvisionnements. À partir de cette réflexion menée sur les produits et leur source, la RATP souhaite limiter le nombre de références ainsi que les coûts de fourniture, tout en optimisant les temps de maintenance, toujours réalisés sur sites, et les coûts associés « sans pour autant renier la qualité esthétique et fonctionnelle de ces produits mettant en valeur l’espace dans lequel ils sont intégrés ».

FIABILISATION DES LUMINAIRES LED

Pour contrer  le  marché  du  luminaire  jetable, la RATP a travaillé à la conception de produits d’éclairage permettant d’appliquer des sources standards. « Ces standards ont été étudiés afin d’intégrer une large gamme d’appareils d’éclairage », explique Maëlle Molina, pour laquelle, techniquement et formellement, une platine LED standard se traduit par la définition de :

  • un support simple, de type tôlerie ou extrusion, défini par ses dimensions ainsi que par ses fixations (type, nombre, entraxe) ;
  • un ou plusieurs modules LED aux standards du marché, issu du catalogue Zhaga de préférence ;
  • des connectiques rapides nécessaires aux opérations aisées sur site.

DEPUIS 120 ANS

Depuis son origine en 1900, le métro s’est appuyé sur l’électricité pour relever le défi de la mobilité en sous- sol. Tout au long de son premier siècle d’existence, il s’est toujours situé parmi les premiers à expérimenter et déployer les technologies les plus innovantes : le courant alternatif dans les années 1930 ; la fluorescence dans les années 1950 ; les tubes T5 depuis la fin des années 1990 ; enfin la LED à partir de 2013.

Suite au grand programme de rénovation « Renouveau du Métro » qui, entre 2000 et 2020, aura permis de traiter près de 90 % des 300 stations existantes, l’ensemble des éclairages des accès, circulations et salles a été renouvelé. « On est passé d’un principe de sources, installées souvent à nu, toutefois progressivement mis en œuvre dans des dispositifs de serrurerie, à de véritables luminaires à travers lesquels des performances d’orientation lumineuse, de photométrie, de contrôle de l’éblouissement ont pu être introduites pour valoriser les lieux. Cette évolution a conduit à une perception augmentée de leur singularité architecturale et de leurs spécificités d’aménagements », décrit Didier Bernard.Dans cette optique, la RATP a développé ses propres solutions de luminaires. « En effet, explique- t-il, ceux disponibles sur le marché, principalement conçus pour n’éclairer que la nuit, étant loin de répondre aux exigences d’un éclairage 24 heures sur 24 et de robustesse particulièrement drastiques. » L’univers métro est un espace public ouvert à tous les usages, mais aussi soumis à la poussière collante issue du freinage des trains et aux infiltrations impromptues impossibles à maîtriser. Les concepteurs lumière Georges Berne et Philippe Michel, qui avaient déjà accompagné la création de la ligne 14 Météor dans les années 1990, ont ainsi développé, sous la conduite de l’architecte Bruno Gaudin, la conception d’une large part de cette gamme de luminaires, bandeaux de circulation et bandeaux de quais accrochés en voûte.

« Nous avons référencé, tout d’abord, un format linéaire permettant de réaliser des luminaires de type réglettes et bandeaux d’éclairage, ensuite un format rectangulaire permettant de réaliser les luminaires de type dalle et, enfin, un format rond pour les vasques circulaires. Un travail similaire est mené au niveau des drivers », explique-t-elle. Cette platine, libre de droit et de conception très simple, assure à chaque fabricant d’éclairage de la fabriquer.

Un exemple concret d’application est illustré par le linéaire LN, conçu en partenariat avec la société SFEL qui en assure l’industrialisation. Il s’agit d’un luminaire LED de 60 x 70 mm de section, proposé en 3 longueurs (600, 880 et 1 160 mm) équipé d’une platine LED ainsi que d’un driver.

JD

1 La société d’édition à laquelle est confiée, par l’AFE, la réalisation de la revue LUX.

2 Ce projet a été conduit par Gil Riemenschneider, alors au sein du service

3 « Maintenance des espaces et des équipements de la RATP ».

4 On lui doit aussi la création du CCFLed (Club des clients finaux de la LED).

© SFEL
© SFEL
RATP/SFEL. UN PARTENARIAT AUTOUR DE MÊMES VALEURS
« Les appels d’offres publics proposés par la RATP sont exigeants. » Bruno Charnay, PDG de SFEL, témoigne de cette exigence portant, non seulement, sur une excellente compétence technique mais, également, sur une forte adaptabilité aux évolutions du cahier des charges. « Seule une usine locale dotée d’un outil industriel performant peut y répondre », considère-t-il, en ne cachant pas sa fierté d’avoir été choisie par la RATP pour la réalisation de nombreux projets depuis quelques années. Dernier projet en date, la fabrication et la vente sur le marché du luminaire LN, que Bruno Charnay juge « exceptionnel tant par ses nombreuses configurations qu’une maintenance rapide et, surtout, une durée de vie de 30 ans ». Et d’ajouter que « la durabilité et l’adaptabilité de ce luminaire correspondent aux valeurs fondamentales de SFEL qui, dans le cadre de ce partenariat avec la RATP, est heureuse de dévoiler ce produit d’exception 100 % français ». Existant en 60, 90 ou 120 cm de longueur, il s’adapte à différentes configurations : en encastré avec collerette apparente ; en plafonnier, fixation invisible ; sur suspente avec système orientable ou mise en ligne.

QUALITÉ DES ÉCLAIRAGES, EXPÉRIENCE CLIENT ET MAINTENANCE

Une attention particulière doit être portée aux opérations de maintenance, la qualité des éclairages, dans les stations et les gares, représentant un enjeu majeur vis-à-vis de l’expérience client.

À suivre sur le site : www.lux-revue-eclairage.fr/307_ratp-standardiser-la-demarche-clean-eclairage-suite/

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