« Un éclairage obsolète, c’est un robinet qui fuit ! »

« Il devient urgent de bien rénover les éclairages de nos espaces de vie », plaide François Darsy, président de la commission mixte SBA/AFE « Smart Lighting », en invoquant deux opportunités. D’une part, l’impérative nécessité de réduire notre empreinte carbone ; d’autre part, améliorer la qualité des bâtiments et des villes grâce aux applications digitales. « Il n’y a aucune raison d’attendre », poursuit-il, en trouvant déraisonnable de dépenser 5,1 milliards d’euros chaque année pour « maintenir » des installations d’éclairage non conformes. Profitons donc des performances de la technologie LED et de bonnes pratiques, notamment digitales.

Plus on attendra pour rénover les installations d’éclairage, plus on tardera à économiser », considère François Darsy, pour lequel le rôle particulier que joue l’éclairage dans l’amélioration de l’ensemble des parcs immobilier et urbain, repose sur trois opportunités :

  • la révolution LED, représentant une transition technologique majeure accélérée par de nouveaux modèles d’affaires centrés sur l’usage ;
  • l’infrastructure « éclairage », dense, universelle et stable, étant idéale pour déployer IoT et services digitaux ;
  • les ambiances lumineuses représentant un élément unique au niveau des impacts psychologiques et physiologiques sur notre bien-être.

LES ÉCHÉANCES DES 1ER JANVIER ET 1ER NOVEMBRE 2021

Attendu depuis 2010, le décret tertiaire paru en 2019 (en remplacement de celui du 9 mai 2017) a fait l’objet d’un large consensus obtenu par le CSCEE (Conseil supérieur de la construction et l’efficacité énergétique). En précisant l’article L111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation, ce décret fixe de nouvelles obligations de réduction des consommations d’énergie, plus réalistes donc plus incitatives que celles édictées par le texte précédent. C’est notamment le cas au niveau des délais fixés aux objectifs. Trois chiffres et trois dates caractérisent dorénavant  les  économies  d’énergie  attendues  : – 40 % en 2030 ; – 50 % en 2040 ; – 60 % en 2050. Tous les bâtiments publics privés, dont la surface cumulée est supérieure à 1 000 m2, sont concernés, hormis les constructions provisoires, les lieux de culte ainsi que les ouvrages de défense ou de sûreté intérieure. Au total, 60 % du parc tertiaire sont concernés.

Les progrès réalisés devront être déclarés, chaque année, sur la plateforme numérique OPERAT (Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire) opérée par l’Ademe. La première échéance est fixée au 1er janvier 2021, date avant laquelle propriétaires et locataires devront déclarer leurs bâtiments (adresse, surface, année de construction et année de consommation énergétique de référence choisis). Ensuite, à compter du 1er novembre 2021, s’effectueront les premières déclarations de consommation (portant sur l’année 2020). En cas de non transmission des données, les personnes physiques s’exposeront à une amende de 1500 euros, portée à 7 500 euros pour les personnes morales.

Un vigoureux plan portant sur la rénovation de l’éclairage permettrait d’économiser entre 20 et 30 TWh d’électricité par an.

RT PAR ÉLÉMENT

Concernant les éclairages, sans que le décret de 2019 n’y fasse directement référence, il convient de rappeler l’arrêté du 22 mars 2017 (modifiant l’arrêté du 3 mai 2007) relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments existants. Applicables plus spécifiquement aux éléments installés ou remplacés (d’où son appellation « RT par élément ») dans le cadre d’une rénovation de bâtiments, les articles 42 à 46 fixent les exigences énergétiques relatives à la rénovation des éclairages. Trois obligations dominent notamment (voir tableau 1) :

  • gradation ou extinction par détection d’absence et gradation automatique de l’éclairage artificiel en fonction des apports de lumière du jour ;
  • pour  l’éclairage  général, puissance installée limitée à 1,6 W/m2 par tranche de 100 lux d’éclairement moyen à maintenir ;
  • chaque capteur de lumière naturelle doit réguler l’éclairage sur une surface maximale de 25 m2.

AFE-SBA : CONSTAT COMMUN

La SBA (Smart Buildings Alliance) et l’AFE ont abouti à un constat commun : « L’éclairage joue un rôle particulier au niveau de la rénovation et de la mutation digitale de nos espaces de vie. » Pour en témoigner, les deux organisations ont publié 4 ouvrages complémentaires1.

Dans sa collection « Théma », la SBA a édité cet ouvrage disponible sous forme électronique : La rénovation de l’éclairage : comment accélérer la transition digitale du parc immobilier et urbain ?

L’AFE a édité 3 guides librement consultables :

La révolution LED – Une opportunité unique d’accélérer significativement la transition digitale et environnementale de notre parc immobilier, de nos espaces urbains et de tous nos espaces de vie en général. La rénovation de l’éclairage se paye sur les économies d’énergie permettant l’émergence de nouveaux modèles économiques comme l’économie de la fonctionnalité, Lighting as a service…

Le HCL (Human Centric Lighting) – L’éclairage influence notre expérience et notre bien-être, son profond impact physiologique et psychologique sur les humains étant chaque jour démontré. Aussi, en rénovant les éclairages de nos espaces de vie et de travail, il est possible de les rendre plus confortables, tout en répondant au mieux aux besoins sanitaires de bonne vision.

IoT & digital – L’éclairage, par son omniprésence essentielle dans les bâtiments, offre une structure d’accueil et de déploiement fiable permettant d’adapter son usage à partir de la collecte de données et, en conséquence, de proposer de nouveaux services. Il permet alors de comprendre et d’améliorer l’usage des espaces dans lesquels il est déployé. L’éclairage devient ainsi support de la digitalisation.

1 Ces 4 ouvrages ont été réalisés grâce au travail collaboratif de plus de 80 membres actifs de la SBA et de l’AFE, provenant d’horizons divers (fabricants, intégrateurs, bureaux d’études, architectes, concepteurs, utilisateurs finaux, chercheurs, universitaires, presse professionnelle… via la participation de la revue LUX).

SYNDICAT DE L’ÉCLAIRAGE

« PAS DE RÉNOVATION SANS RÉNOVER L’ÉCLAIRAGE »

« Il faut rénover sans attendre les installations d’éclairage. » Telle est la conviction du Syndicat de l’éclairage en regrettant « une volonté politique trop timorée ». Et pourtant, le monde du bâtiment et les collectivités territoriales s’accordent sur les bénéfices de la rénovation de ces installations. Ces travaux, qui intéressent les financeurs, sont soutenus par le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) et encouragés par la réglementation. Leur dynamique, en ligne avec les objectifs de transition énergétique, est encadrée par la réglementation exigeant des performances énergétiques lors des rénovations.

« Malgré tout, leur rythme ne décolle pas, le nombre d’installations rénovées chaque année restant faible et les économies générées bien inférieures à ce qu’elles pourraient être », constate l’organisation professionnelle.

Il lui paraît donc nécessaire de donner un signal fort à l’ensemble des acteurs économiques, tous concernés, tous utilisateurs d’éclairage.

Parmi les actions menées, le Syndicat de l’éclairage, avec plusieurs autres organisations professionnelles, a participé à la rédaction du guide d’accompagnement destiné à faciliter la mise en application du dispositif OPERAT conduit par l’Ademe. Vient ainsi d’être édité un ouvrage intitulé « Pas de rénovation sans rénover l’éclairage », disponible sur la plateforme OPERAT.

AUTOFINANCEMENT

« L’éclairage à haute performance énergétique, connecté, ergonomique et durable, c’est déjà l’éclairage d’aujourd’hui », poursuit François Darsy, en tant que président de la commission « Éclairage intérieur » du Syndicat de l’éclairage, en considérant que l’objectif de – 40 % d’économie d’énergie en 2030 sont « atteignables en “simplement” rénovant l’éclairage »

Par exemple, le bâtiment lillois Onix, signé par l’architecte Dominique Perrault, livré en 2011, présentait alors une consommation annuelle de 108 kWhep/m2/an. Après la rénovation des éclairages d’un « étage pilote », associée à l’automatisation des stores, a été mesuré, sur une année, un gain de – 79 % au niveau du poste éclairage. Cette performance représente – 40 % sur la consommation globale de « l’étage pilote » et une performance de 67 kWhep/m2/an. « Il s’agit donc d’une opportunité pour la filière éclairage… et pour la politique énergétique du pays », plaide François Darsy. Et d’ajouter qu’un « vigoureux plan portant sur la rénovation de l’éclairage » permettrait d’économiser entre 20 et 30 TWh d’électricité par an. Soit, quand même, l’équivalent de  la  production de 3 centrales nucléaires !

Mais, pour cela, il devient urgent de revoir les stratégies de rénovation immobilière. En effet, la rénovation de l’éclairage n’a nul besoin d’être associée à une approche globale, a contrario des rénovations thermiques. « Elle peut être réalisée, en avance de phase, sans rénover le reste, beaucoup plus coûteux. Ce en se finançant seule grâce aux économies d’énergie et en maintenance », conclut François Darsy.

À SUIVRE…

Dans l’édition 308 de LUX de novembre 2020. 2e partie : La rénovation des éclairages extérieurs.


Après des années de réparations « pansements» de son éclairage, l’hôtel de ville de Boston profite aujourd’hui d’une nouvelle mise en lumière dynamique signée Lam Partners. Cette rénovation met en valeur l’architecture brutaliste en remplaçant notamment les boîtes en métal situées dans les caissons par de nouvelles, cette fois-ci translucides, découpées pour diffuser une lumière directe. La technologie LED a été mise en œuvre partout, offrant une flexibilité de changement de couleur tout en aidant à atteindre les objectifs de durabilité de la ville.

© Anton Grassl
© Anton Grassl

Laisser un commentaire