Au rythme d’un renouvellement avoisinant les 3 % par an, les installations d’éclairage extérieures migrent progressivement vers la technologie LED. Cette évolution peut être l’occasion de les faire basculer dans l’univers de l’éclairage connecté. Grâce aux nœuds de communication et aux divers capteurs ajoutés, le pilotage, la supervision et la maintenance des luminaires peuvent être facilités, et de nombreuses données tierces peuvent être acheminées.
Depuis l’arrivée des lampes LED, le marché de l’éclairage public fait l’objet de beaucoup d’attention car les perspectives d’économie d’énergie sont attractives. En effet, on estime que la migration totale des luminaires extérieurs vers la technologie LED pourrait abaisser la facture d’électricité de 30 à 50 %. Sur un parc de plus de 9 millions de points lumineux, le gain financier envisageable est donc considérable. « Il s’agit d’une technologie de rupture qui apporte intrinsèquement une réduction de la consommation énergétique, mais qui permet aussi un pilotage amélioré des luminaires lorsqu’elle est associée au digital », explique Philippe Badaroux, président du Cluster Lumière. Pourtant, cette migration prendra du temps puisque le taux de renouvellement est d’environ 3 % par an et que, pour l’heure, seulement 5 à 10 % du parc d’éclairage public français a déjà été rénové avec des LED (contre 30 à 40 % en Allemagne, en Grande-Bretagne et dans les pays scandinaves).
Sur les autoroutes wallonnes, Citelum a déployé un éclairage connecté afin d’adapter le niveau d’éclairement en fonction de la météo et de la densité du trafic, mais aussi d’alerter en cas d’accident.
Poste de pilotage permettant la gestion connectée de l’ensemble des équipements urbains de la ville de Dijon (éclairage public, feux de circulation, vidéoprotection…) dans le cadre du projet OnDijon.
DES BÉNÉFICES INCONTESTABLES SUR LE PILOTAGE, LA SUPERVISION ET LA MAINTENANCE
Pourtant, il semble d’ores et déjà sage de réfléchir chaque projet de renouvellement à l’aune des possibilités offertes par l’éclairage connecté. Certes, cela peut susciter quelques craintes chez les responsables d’éclairage public car le renouvellement d’un luminaire engage pour au moins 30 ans. Mais les bénéfices sont d’importance. D’une part, au niveau du pilotage, la télécommande des armoires et des points lumineux est facilitée pour permettre un éclairage adaptatif (afin d’ajuster la puissance lumineuse et le niveau d’éclairement selon les situations, en point à point ou par groupes de luminaires). D’autre part, la supervision est centralisée et simplifiée grâce à des remontées d’informations pertinentes (en provenance des drivers, notamment sur le nombre d’heures d’allumage, la puissance électrique et la température du driver) permettant de s’assurer du bon fonctionnement de l’équipement. Enfin, la maintenance profite aussi de ces données pour devenir de plus en plus prédictive car le comportement des luminaires sera de mieux en mieux connu. Par ailleurs, au-delà de la gestion des équipements, la remontée d’informations pourra aussi fournir des indications précises sur le respect des objectifs de réduction de la consommation d’électricité. « Il est en effet important de pouvoir vérifier, à tout moment, que l’investissement initial permet bien de réaliser la trajectoire de transition énergétique fixée », explique Taisei Miura, CEO de BH technologies qui a connecté dans cette perspective ses horloges astronomiques (systèmes d’abaissement de tension) grâce à la technologie LoRa. Pour l’heure, même si la quasi-totalité des points lumineux d’éclairage public sont paramétrés, très peu sont vraiment pilotés en France. Il faut dire que le manque d’interopérabilité entre les luminaires et les capteurs de différentes marques n’a pas favorisé les prises de décisions. Mais les choses sont en train d’évoluer, notamment avec la certification Zhaga D4i qui va progressivement concerner de plus en plus de produits.
« Sur nos nouvelles familles de produits, nous faisons plus de 80 % de nos ventes en version connectable, c’est-à-dire avec un driver Zhaga D4i intégré », indique Renaud le Bec, market segment director chez Signify, « ce protocole nous permet d’arriver aujourd’hui à l’interopérabilité des données ». Ce qui ouvre le champ des autres usages de l’éclairage public connecté, ceux liés à la smart city.
MUTUALISER L’INFRASTRUCTURE ET LES DONNÉES
En effet, le parc de mâts d’éclairage public d’une ville peut constituer un maillage assez intéressant afin d’y positionner tout type de capteurs. Dans cette logique, l’idée est donc de mutualiser l’utilisation de l’infrastructure d’éclairage public avec les autres services de la ville, mais aussi de mutualiser les données qui y transitent. Il peut s’agir de données liées au smart lighting bien entendu, mais aussi de données permettant la gestion intelligente des déchets, de l’eau, des parkings… Ainsi, de nombreux capteurs peuvent être mis à profit pour proposer des solutions aux contraintes des différents métiers d’une collectivité, comme des capteurs de présence, de vibration, de température, de bruit. Toutefois, tous les capteurs ne pourront pas être installés sur des mâts d’éclairage public, notamment les caméras surveillant les places de stationnement (qui utilisent en général beaucoup d’énergie et ne sont pas compatibles avec Zhaga D4i) ou encore les capteurs destinés à la mesure de la qualité de l’air (qui doivent être nettoyés tous les mois, ce qui générerait un coût important s’ils étaient installés à plus de 5 m de hauteur).
THIERRY MARSICK, DIRECTEUR DE L’ÉCLAIRAGE URBAIN DE LA VILLE DE LYON :
« POUR L’INSTANT, L’ÉCLAIRAGE CONNECTÉ RESTE UN PARI »
La métropole rhodanienne s’est engagée de manière raisonnée dans la voie de l’éclairage connecté, essayant de déployer ce type d’installations là où cela semble pertinent. Il s’agit notamment d’un quartier entier du 3e arrondissement dans lequel a été mis en place un système de détection de présence afin de réduire la consommation électrique. « Mais cela reste pour l’instant un pari car les industriels ont du mal à vraiment parler d’interopérabilité en matière de supervision des équipements connectés, même s’il y a des tentatives avec TALQ2 et uCIFI1 », tempère Thierry Marsick, directeur de l’éclairage urbain, « d’une manière générale, il faudrait plus de visibilité sur la pérennité de ce type d’équipements car les renouvellements d’installations extérieures sont peu fréquents ». Même s’il ne conteste pas le bien-fondé de la migration progressive vers le connecté, le directeur de l’EP lyonnais regrette les conditions dans lesquelles est en train de s’opérer cette évolution. « Avec la technologie LED, la maintenance ne sera plus basée sur un modèle préventif mais prédictif, poursuit-il, sur ce sujet, nous n’avons pas beaucoup d’informations, les industriels sont en retard ».
Par ailleurs, l’éclairage connecté peut aussi faire sens en dehors des zones d’habitation, notamment sur les axes routiers. Citelum a ainsi déployé un dispositif sur les autoroutes de Wallonie destiné à adapter le niveau d’éclairement en fonction de la météo et de la densité du trafic, mais aussi à alerter en cas d’accident et à détecter les véhicules circulant à contre-sens. « Notre approche repose sur la mutualisation des capteurs afin de mutualiser les usages », souligne Xavier de Charentenay, CEO de Citelum, « cela nous permet de nous engager sur des services et de mettre en place des contrats de performances, nous ne sommes pas là simplement pour remplacer des lampes ! ». Une approche qui semble de plus en plus coller à la réalité du terrain, notamment celle des petites collectivités. « Pour ces dernières, la gestion et le suivi de fonctionnement d’un équipement connecté peuvent représenter une charge de travail importante », explique Yves Le Henaff, CEO de Kawantech, « il est par conséquent important de s’engager auprès d’elles dans le cadre de contrat de performances, pas uniquement au niveau énergétique mais aussi en termes de pollution lumineuse ». En effet, nombre de collectivités veulent surtout s’assurer d’être en conformité avec la loi sur ces points, avant d’aller plus loin. Pour y parvenir, elles ont tout autant besoin de contrats de service adaptés que de technologies connectées.
HR
1 TALQ2 : protocole standard mondial mis au point par le consortium TALQ, destiné à permettre à un logiciel de gestion centralisée de communiquer avec des périphériques extérieurs de différentes marques, dans le cadre d’un projet smart city. uCIFI : modèle de données et interface unifiés sur plusieurs technologies de réseaux (y compris LoRa), proposés par l’alliance uCIFI afin de faciliter le développement de projets smart city.