Les trois règles d’art des éclairagistes

© Marc Domage
© Marc Domage

L’éclairage c’est l’art de maîtriser la lumière pour répondre à une demande d’ordre social, culturel, historique, fonctionnel, etc. Acte réfléchi, cette composante du design fait aussi appel à un concept technique nécessitant un réel savoir-faire approprié à la technologie mise en œuvre. C’est particulièrement le cas en muséographie qui associe scénographie et expographie.

L’éclairage d’exposition repose sur trois composantes de base : tout d’abord,  sur  un  concept intégré à la thématique, l’éclairage représentant un important vecteur d’expression et d’interprétation ; ensuite, sur une prise en compte des besoins des visiteurs relatifs à leur confort et à leur bien-être; enfin, dans le cadre de l’institution muséale, sur la limitation des effets de dégradation créés par la lumière au niveau d’un grand nombre de matériaux.

ÉLÉMENT DE LA SCÉNOGRAPHIE

La scénographie, définie comme la mise en espace d’éléments et d’objets, dépend de la subjectivité du concepteur qui transmet, traduit et interprète la thématique de l’exposition. L’éclairage y est considéré comme un élément de la scénographie au même titre que la partition de l’espace, la couleur, le son, etc.

« Comme eux, il est signe ! » en représentant une réalité et, même, en suscitant un sentiment particulier à certains. Par exemple, imaginons un éclairage très froid fournissant un faible éclairement de manière diffuse. Cette ambiance, similaire à l’atmosphère d’une journée grise, nous plongera dans un état de tristesse plus que de bonheur. Ainsi, toute ambiance lumineuse dépend de trois variables (la température de couleur ; l’éclairement ; la diffusion de la lumière), la conjugaison de leurs différentes valeurs permettant de suggérer le sentiment souhaité.

La dizaine de variables possibles, représente, pour ainsi dire, « l’alphabet de l’éclairagiste ». Mises en synergie ensemble, sous une valeur propre, elles formeront d’autres unités porteuses de sens.


Ci-dessus

Fondation Carmignac, île de Porquerolles.

Cette collection privée d’art du XXe siècle, se déploie sur deux niveaux, dont un en sous-sol. L’ambiance lumineuse conçue imaginée par Lucas Goy et Aurélien Bourg, de l’agence Les Éclaireurs, cherche à se rapprocher d’un éclairement naturel, avec d’une part un apport via des baies vitrées et un puits de lumière, d’autre part des plafonds en Barrisol rétroéclairés équipés de plaques à LED. Des projecteurs complètent le dispositif.

ÉLÉMENT DE L’EXPOGRAPHIE

L’expographie, définie comme une scénographie créée dans le cadre d’un espace d’exposition, prend en compte, quant à elle, les données spatiales du lieu et le positionnement du visiteur, ces facteurs étant totalement différents par rapport à ceux du  théâtre par exemple. Au niveau de la conception des éclairages, ces facteurs sont à considérer pour assurer une visite sereine, évitant :

  • l’éblouissement dû à des sources mal positionnées le long du parcours du visiteur ;
  • les reflets, tant des sources de lumière elles-mêmes que celui du visage du visiteur ou de son environnement ;
  • des ombres portées.

Il ne s’agit plus là de la subjectivité du concepteur, mais de son savoir-faire pour respecter les besoins de l’ergonomie visuelle du visiteur.


Feuerle Collection, Berlin.

Occupant l’intérieur d’un ancien bunker, cette exposition permanente s’appuie sur l’absence de lumière naturelle inhérente à l’architecture du lieu. L’ambiance sombre, créée par le propriétaire accompagné par Erco, dans laquelle les visiteurs sont plongés est rompue par l’utilisation de projecteurs classiques ou cadreurs.


ÉLÉMENT DE LA MUSÉOGRAPHIE

Dans le cadre spécifique de l’exposition, la muséographie se définit, comme une expographie prenant en compte la sensibilité des objets présentés aux radiations optiques (ultraviolet visible et infrarouge). Chaque matériau dont est constitué l’objet exposé, est représenté par une classe de sensibilité pour laquelle des recommandations déterminent une dose totale d’exposition lumineuse annuelle à respecter (voir tableau ci-contre). À  ce  niveau,  également,  cette  notion  de« dose totale d’exposition annuelle » demande à l’éclairagiste un véritable savoir-faire dans la maîtrise des ambiances et des moyens techniques à mettre en œuvre. Pour y parvenir, il dispose d’un choix de sources, par l’élimination des rayonnements de fortes énergies (de l’ultraviolet au rayonnement visible de courte longueur d’onde), de films et de filtres à utiliser. Importe, également, la gestion du temps d’éclairage des œuvres, qui résulte, enfin, d’un savoir-faire éloigné de la subjectivité du concepteur.

© ERCO GmbH / www.erco.com / photographie : Sebastian Mayer
Emplacement d’un projecteur pour l’éclairage d’une vitrine
Éclairage sous un angle correct d’une peinture.

Classes de sensibilitéDescription des matériauxDose totale d’exposition*
InsensibleMétaux, pierres, verres, céramiques, émail, minéraux…
SensiblePeintures à l’huile, cuir, bois, corne, ivoire, laques…600 Klx.h/an**
Très sensibleAquarelles, pastels, textiles, papiers peints, fourrures…150 Klx.h/an**
Extrêmement sensibleLa soie, la plupart des documents graphiques et photos…15 Klx.h/an

* DTE = Dose totale d’exposition : Éclairement en lux par le nombre d’heures de fonctionnement sur un an, soit 3 000 heures.

** Ces valeurs sont indiquées sous des lumières d’une température de couleur proche de 3 000 K pour des lumières de températures de couleurs supérieures, ces valeurs devront être revues à la baisse. Suivant les tableaux de la CIE 157/2004 et AFNOR XP CEN/TS 16163.

Jean-Jacques Ezrati

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