Les quatre domaines de l’éclairage en muséographie

© François Lacour
© François Lacour

Si la muséologie est l’étude du musée sur le plan théorique (histoire, sociologie, politique, éthique, etc.), c’est-à-dire le pour qui et le pourquoi, la muséographie, ou la muséologie pratique, répond à la question du comment. La lumière y joue un rôle essentiel décliné en quatre usages.


Ci-dessus

La caverne du Pont d’Arc (Grotte Chauvet 2). Ardèche

La visite de ce joyau de la préhistoire découvert en 1994, se fait aujourd’hui par le biais d’une réplique inaugurée en 2015, fruit du long travail des scientifiques, historiens, architectes, mouleurs, peintres et des concepteurs lumière de l’agence Ponctuelle. Les produits Loupi installés permettent de communiquer par la lumière la sensibilité contenues dans les peintures et ponctuent le parcours par l’accentuation de certains éléments muséographiques.

Se donnant comme mission d’être au service de la société et de son développement [ICOM, 2007], le musée collecte, étudie, conserve et communique les témoins matériels et immatériels de l’activité de l’homme et de la nature, la maîtrise de la lumière y contribuant pleinement. Elle se compose de quatre secteurs (bien que celle relative à la communication par l’exposition en représente la principale) qui se déclinent comme suit :

LUMIÈRE ET ACQUISITION

« Acquérir c’est acheter, recevoir en dation ou en donation, des objets qui nous font sens, c’est aussi rechercher, découvrir, comme en archéologie. » Mais, même dans ce secteur, déterrer des objets « sous la lumière du jour » n’est pas sans risque. Par exemple, le cinabre (couleur rouge de sulfure de mercure), ornant des fresques gallo-romaines,  va  très  rapidement  noircir à la lumière du jour. C’est pourquoi, sur certains chantiers de fouilles, sont tendues des bâches, non claires ni transparentes, mais orangées. Sous celles-ci, n’est ainsi plus ainsi diffusée une lumière blanche mais une lumière dont la bâche a absorbé les radiations ultra- violettes, violettes, bleues et vertes pour en réduire les effets. Aussi, avant d’acquérir tout objet, un musée se doit d’en connaître la provenance et sa constitution, pour être sûr de son authenticité et en apprécier tous les détails. En conséquence, une vision sous une excellente lumière blanche, voir sous des radiations visibles ou non visibles, représente déjà une forme d’étude et un début de recherche de l’éclairage approprié.

LUMIÈRE ET RECHERCHE

L’étude de tout objet commence par l’observer sous « toutes ses coutures » et sous une excellente lumière comme celle du jour. Toutefois, cette dernière n’étant pas toujours disponible, la lumière artificielle s’impose. D’un niveau d’éclairement compris entre 1 000 et 1 500 lux, la composition spectrale de la lumière diffusée, proche de la lumière du jour septentrionale, se réfère souvent à l’illuminant D65, lumière correspondant à une température de couleur de 6 500 K. De plus, différentes prises de vues complètent la connaissance de l’objet. Par exemple, pour une peinture, elles sont effectuées sous un ensemble d’angles et de compositions spectrales : sous lumière directe blanche (vue d’ensemble) ; sous un éclairage latéral (texture) ; sous infrarouge (vision du dessin sous-jacent) ; sous ultraviolet (détection des repeints, suite à des restaurations antérieures). Ensuite, afin de réaliser des investigations plus poussées, seront utilisées d’autres radiations en dehors des rayonnements optiques, comme les rayons X, voire gamma. Enfin, en utilisant la spectrocolorimétrie, la lumière permet aussi l’étude de la couleur, des pigments et des colorants. Peut être ainsi identifiée la palette des couleurs de l’artiste et, souvent, est assurée l’authentification de l’œuvre.

LUMIÈRE ET CONSERVATION

La conservation est un terme polysémique permettant de définir, à la fois, le travail du conservateur (acquisition, études, gestion, etc.), et la matérialité des objets. Toutefois, il convient de distinguer la conservation préventive, prenant en charge l’environnement et la sécurité de l’ensemble des objets présentés, et la conservation curative portant sur la restauration d’un objet en particulier.

La restauration de tout objet commence par une phase de documentation portant, notamment, sur les résultats de recherches et d’études de nombreuses photographies et radiographies. La lumière peut aussi intervenir, d’une manière détournée, en utilisant les lois de l’optique, telle l’aberration chromatique axiale permettant la mesure d’une couche de matière transparente tels les vernis. En mesurer l’épaisseur peut contribuer à les alléger comme il a été réalisé, ces dernières années, au niveau de chefs-d’œuvre de la peinture. Ce travail est effectué sous une lumière blanche de qualité, semblable à celle utilisée pour l’examen visuel, en partie maniable pour valoriser les détails des œuvres.

Typologie des éclairages localisés : dirigé, focalisé et cadré.
Exemple de déclinaison de la variable lumineuse forme du faisceau, qui va, de gauche à droite, de l’intégration de l’œuvre à son environnement jusqu’à l’isoler totalement de celui-ci.

LUMIÈRE ET COMMUNICATION

La communication portant sur les études effectuées recouvre les publications écrites et digitales consultées soit dans des centres de documentation ou dans tous autres lieux, ainsi que dans le cadre de séminaires et conférences organisés dans les auditoriums ou salles de conférences présentes dans tous les musées. C’est pourquoi, l’éclairage d’une bibliothèque ou d’une salle de conférences, doit aussi faire appel à des compétences spécifiques. Toutefois, quand on parle de communication dans l’univers muséographique, le média principal utilisé est celui de l’exposition en distinguant, d’une manière simpliste, l’exposition permanente et l’exposition temporaire.

PERMANENTE OU TEMPORAIRE ?

Ce qui différencie l’exposition permanente de l’exposition temporaire c’est, justement la temporalité ; la première dure quelques dizaines d’années, voire plus, contre quelques mois pour la seconde. Se renouvelant, au minimum, tous les ans, l’exposition temporaire impose un lieu dédié qu’il faudra aménager en conséquence, notamment au niveau de ses éclairages. Dans ce contexte, l’architecture d’une salle d’exposition temporaire doit être, la plus neutre possible afin d’y recevoir des thématiques variées. En fait, elle doit être aménagée comme une scène de théâtre, équipée de toutes les fonctionnalités techniques et logistiques exigées par le montage d’une exposition. On y distingue, d’une part, l’éclairage général diffusé dans la totalité de l’espace et dont les fonctions sont généralement multiples (lumières de service pour le montage et démontage, maintenance, etc.), et d’autre part l’éclairage scénographique valorisant les objets, l’un n’allant pas sans l’autre.  

J-JE

Photos © Jean-Jacques Ezrati
Photos © Jean-Jacques Ezrati

Mesure de l’épaisseur du vernis par microscopie confocale à champ étendu mettant en jeu l’aberration chromatique axiale ; à savoir, la diffraction d’un faisceau de lumière en une multitude de faisceaux colorés sur un même axe.

Photos © Jean-Jacques Ezrati

Mesure colorimétrique, pour le suivi de l’état de conservation, s’effectuant avant la mise en place de l’objet et après son retour d’exposition.

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