Les réserves d’EDF R & D

LAMPES LED « RÉTROFIT » EN ÉCLAIRAGE PUBLIC

Depuis l’arrivée des LED comme sources lumineuses sur le marché de l’éclairage, de nombreux luminaires, conçus pour cette technologie, sont disponibles dans les catalogues des fabricants et distributeurs. Des solutions dites « rétrofit » ont également vu le jour, avec, en premier lieu, le développement des tubes LED en remplacement des tubes fluorescents puis, plus récemment de lampes LED destinées à se substituer aux lampes à décharge. La diversité des solutions proposées, particulièrement dans les luminaires existants utilisés en éclairage public, a conduit le laboratoire « Éclairage » d’EDF R & D à vérifier, tests à l’appui, la pertinence de ces solutions.

Les solutions de lampes LED, installées en rétrofit de lampes à décharge équipant les luminaires existants, sont souvent présentées comme avantageuses pour le client final car peu coûteuses, par rapport au remplacement des luminaires, et permettant de réaliser des économies d’énergie. À ce jour, la technologie LED s’implante lentement en éclairage public et il serait dommageable que ce déploiement soit impacté par des produits qui ne présenteraient pas toutes les garanties de durabilité annoncées par les LED.

MÉTHODOLOGIE ADOPTÉE

« Afin de disposer d’un avis technique concernant les lampes rétrofit LED, une étude a été réalisée sur échantillon représentatif des modèles existant sur le marché. Elle visait à comparer dans un même luminaire d’éclairage public, des lampes à décharge et des lampes rétrofit destinées à les remplacer selon les préconisations des fabricants.

« Nous avons choisi des lampes d’architectures très différentes », explique Christine Arzano- Daurelle, ingénieur chercheur et chef de projet éclairage à EDF R & D. À savoir  des  lampes de forme :

  • « épi de maïs », comportant des barrettes LED implantées sur 360° ;
  • « dissymétrique », caractérisée par une seule face avec des LED implantées sur 180° ;
    • « symétrique à 4 faces » ;
    • « symétrique à foyer concentré ».

Par ailleurs, plusieurs types d’alimentation électriques sont disponibles, le driver se trouvant soit dans le culot de la lampe, soit déporté, avec obligation ou pas de shunter le ballast existant. « Pour toutes ces lampes, nous avons choisi de comparer les performances électriques et photométriques, ainsi que les conditions thermiques et de mise en œuvre » ajoute Frédéric Tuvache, chargé d’exploitation du laboratoire éclairage d’EDF R & D.

LES RÉSULTATS

Les  résultats  publiés  par  le  laboratoire « Éclairage » d’EDF R & D ont été répartis en 5 chapitres :

  • Qualité électrique. Dans l’ensemble, elle est conforme aux exigences de la norme CEI 61000, avec des taux de distorsion harmonique du courant inférieurs aux valeurs seuils du paragraphe CEI 61000-3-2. En revanche, les mesures montrent que seul le cas avec la lampe sur ballast existant présente un facteur de puissance faible par rapport aux autres.
    • Qualité photométrique. Elles ont été mesurées avec les lampes rétrofit dans un luminaire utilisé en éclairage public et en comparant l’éclairement avec des ampoules classiques. À noter que, dans les mêmes conditions d’utilisation, ont été mesurées, dans la majorité des cas, une baisse de flux lumineux (jusqu’à 40 % pour l’un des systèmes) ainsi qu’une distribution photométrique différente (voir photos ci-contre).
  • Diffusion thermique et perte de flux. Il s’agit probablement du point faible commun à toutes les lampes  testées.  Les  mesures de température ont été réalisées au plus proche des LED, mais sans intrusion, même si cette solution ne permet pas toujours de mesurer la valeur maximale. Les températures mesurées sur les lampes rétrofit (de 70 à 130 °C selon les modèles) sont toujours supérieures aux températures généralement mesurées sur les luminaires LED dans des conditions identiques. « Les pertes de flux lumineux entre lampe “froide” et après 2 heures de fonctionnement à puissance nominale ont également été mesurées », poursuit Frédéric Tuvache. Les lampes rétrofit testées ont présenté une perte de flux allant de 12 % à 16 %, ce qui est relativement important. « Pour information, nous estimons grâce au retour d’expérience du laboratoire, que les pertes de flux des luminaires LED de qualité se situent généralement entre 2 et 5 % », précise-t-il.
  • Poids des lampes. Toutes les lampes testées sont de 2 à 8 fois plus lourdes que celles qu’elles sont destinées à remplacer. Même s’il n’existe aucune exigence réglementaire en la matière, les luminaires ont été certifiés pour fonctionner avec des lampes de poids classiques. Non seulement, il faut donc prendre garde à la vétusté des luminaires et de la douille, mais, également, il convient de ne pas oublier les conditions de fonctionnement soumises aux vibrations dues, entre autres, au vent ou à la circulation routière.
  • Mise en place. À cause de leur forme, certaines de ces lampes ne peuvent pas être installées dans tous types de luminaires d’éclairage public. Ce qui en diminue le choix pour un projet de rétrofit. Par ailleurs, pour la plupart d’entre elles, les conditions d’installation peuvent influencer la photométrie (cas des lampes à faces et à barrettes LED).
  • Approche énergétique. Les lampes testées présentent des efficacités lumineuses équivalentes ou supérieures aux lampes à décharge mercure ou iodure. Néanmoins, en suivant les préconisations de la plupart des fabricants relatives aux puissances des lampes rétrofit, le flux lumineux émis par le luminaire équipé de la lampe rétrofit est bien inférieur au flux émis avec lampe à décharge remplacée. Donc, les économies d’énergie annoncées pour ces lampes ne sont, dans la majorité des cas, pas à éclairement équivalent à l’installation d’origine.

Exemple de comparaison des éclairements obtenus via un même luminaire avec une lampe à décharge (en haut) et une lampe rétrofit LED (en bas).

PLUSIEURS RÉSERVES

La comparaison entre des lampes à décharge classiques et des lampes LED rétrofit impose quelques réserves :

  • les températures mesurées au plus près des LED sont supérieures, voire nettement supérieures aux températures généralement mesurées sur les luminaires LED. Ce constat est confirmé par les fortes pertes de flux lumineux entre lampes froides et chaudes. Il en résulte que les performances initiales, ainsi que les durées de vie de ces lampes, risquent d’être fortement réduites ;
  • les performances lumineuses annoncées par les fournisseurs de ces produits sont souvent loin d’être atteintes, de ce fait les niveaux d’éclairement obtenus avec les lampes rétrofit sont, dans la très grande majorité, très inférieurs aux niveaux d’éclairement obtenus avec les lampes à décharges. De même, les répartitions de l’éclairement au sol ne sont pas équivalentes ;
  • les conditions de mise en œuvre ne sont pas toujours aussi simples qu’annoncés, tandis que le poids de ces lampes pose question sur la durée de vie et donc la maintenance.

« Sur la base de notre étude, il apparaît que cette solution impose des réserves et que ces lampes ne sont pas toujours Plug and Play ». Car si l’économie peut parfois être au rendez- vous, le service rendu est rarement identique au montage original. « Nous recommandons donc de tenir compte de ces éléments lors d’études technico-économiques pour lesquelles ces lampes sont envisagées », conclut Christine Arzano-Daurelle.   Jacques Darmon

Laisser un commentaire