Le futur de l’éclairage connecté s’appelle IP et DALI

Les bâtiments tertiaires deviennent des plateformes de services : services pour les occupants, services énergétiques, aides à l’exploitation et à la maintenance des équipements. La crise sanitaire a renforcé cette tendance, en y ajoutant les dimensions santé et sécurité numérique. « Alors que nous construisons des bâtiments pour une durée de 20 ans minimum, les technologies se doivent d’évoluer afin de limiter l’obsolescence et accroître le potentiel à services. » Y compris pour l’éclairage connecté, considèrent Stéphane Renouard et David Menga1, en anticipant le futur des standards et protocoles de communication.

Dans le domaine de l’éclairage connecté, de nombreux protocoles et standards émergent (filaires, sans-fil, voire hybrides) permettant d’étendre l’offre de services. Aussi, quelles sont les technologies actuelles d’éclairage connecté les mieux adaptées aux bâtiments tertiaires ?

BEAUCOUP PLUS QUE LA LUMIÈRE

En France, la surface des bâtiments tertiaires a dépassé le milliard de mètres carrés, dont le quart en bureaux (source : Ademe 2020). L’ensemble représente plus de 100 millions de sources lumineuses, le Code du travail et la NF EN 12464-1 imposant un éclairement moyen de 300 lux. Avec des objectifs énergétiques toujours plus ambitieux, les industriels de l’éclairage ont massivement adopté la LED et l’éclairage à gradation basé sur les apports extérieurs (lumière naturelle) et la détection de présence.

« Mais l’éclairage a beaucoup plus à apporter que la lumière », souligne David Menga. Dorénavant, les maîtres d’ouvrage, promoteurs, bailleurs et utilisateurs souhaitent toujours plus de services dans le bâtiment où l’éclairage connecté peut tirer son épingle du jeu. Éclairages pilotés et programmables, mesures fines des consommations, cycles circadiens, LiFi, capteurs, désinfection UV-C… la liste de services potentiels s’allonge tous les jours.

« Les industriels de l’éclairage ébauchent les protocoles et les technologies pour répondre à ces besoins présents et futurs », poursuit-il. Dans le domaine de l’éclairage connecté, les professionnels ont opté massivement pour la technologie DALI, solution associant, à la fois, un bus de communication dédié à la gestion de la lumière à un protocole de transport et un protocole applicatif ouverte (IEC 62386). « La grande qualité de DALI repose sur la facilité de câblage (topologie mixte bus/étoile, sens de câblage indifférent, longueur de ligne de 300 m max.) et une grande interopérabilité », considère Stéphane Renouard, en soulignant, toutefois, que sa faiblesse tient dans la limitation des actions à la gestion de l’éclairage. « D’où, en conséquence, la restriction du potentiel serviciel, le manque de sécurité et la dérive des fabricants sur l’interopérabilité. »

L’IP S’IMPOSE DANS LE BÂTIMENT

Consciente de l’arrivée d’offres concurrentes (et propriétaires) à fort potentiel de services, l’alliance DiiA (Digital Illumination Interface Alliance), qui promeut le DALI, a fait évoluer le standard avec DALI-2. Ce dernier impose une certification pour assurer l’interopérabilité et introduit la notion de contrôleurs d’applications, capables de remplacer les complexes contrôleurs de GTB (gestion technique du bâtiment) et de simplifier les installations. De plus, DALI-2 spécifie de nouvelles classes pour gérer les différents capteurs et actionneurs, et ainsi offrir une évolutivité plus grande des installations et l’accroissement du potentiel à services (Source : dali-alliance.org).

Par ailleurs, l’alliance DiiA et les acteurs du bâtiment, à travers l’initiative IP Building and Lighting Standards (IP-BLiS), promeuvent une infrastructure IP multistandards qualifiée de « dorsale sécurisée pour l’automatisation des bâtiments »2. Son objectif ? « Remplacer l’utilisation inefficace et encore répandue des solutions cloisonnées. » Ainsi, la couche de transport (IP) est séparée de la couche applicative, la gestion de la sécurité étant effectuée au niveau de la couche de transport (largement éprouvée). « Cette initiative consacre le triomphe d’IP dans le monde du bâtiment », se félicite Stéphane Renouard.

MONTÉE EN PUISSANCE DES SOLUTIONS SANS FIL

Depuis quelques années, le domaine de l’éclairage connecté a vu fleurir des offres technologiques sans fil offrant facilité de mise en œuvre, flexibilité et évolutivité. « L’installation est plus rapide et théoriquement moins chère, idéale pour le marché de la rénovation. » De plus, nombre d’entre elles offre une capacité de service bien au-delà du classique ballast DALI (ex : driver propriétaire Casambi avec pilotage Bluetooth depuis son smartphone). « Ces technologies sont cependant délicates à maîtriser car, derrière la simplicité de pose, se cache l’enfer des détails », poursuit David Menga. Ainsi, tous les paramètres tels que la distance entre les points réseau, le nombre de nœuds ou l’épaisseur des murs doivent être pris en compte, « la portée de la plupart des réseaux sans fil étant trop faible (30 m en moyenne) pour permettre des installations d’un seul tenant ».

De nombreux protocoles radio ont émergé ces dernières années dont ZWave, Zigbee, Thread, Sigfox, LoRa, Bluetooth, chacun d’eux présentant avantages et inconvénients, mélangeant allègrement couches de transports et applicatives, bricolages sécuritaires, et protocoles ouverts ou fermés. « Une des solutions à plus fort potentiel est celle basée sur Thread, soutenue par Google et choisie par Tridonic, filiale du groupe autrichien Zumtobel », considère David Menga. Baptisée net4more, cette solution hybride « filaire/sans fil » permet, à n’importe quel équipement Tridonic de communiquer directement, sans passerelle particulière. « Toutefois, dans le domaine de l’éclairage connecté, les solutions sans fil n’en ont que le nom », estime l’ingénieur- chercheur, en constatant qu’il est toujours nécessaire de tirer un câble pour l’alimentation minima. Cependant, le passage au sans fil a du sens en l’absence de solutions économiques mises en œuvre en rénovation, pour gérer le dernier mètre d’une installation ou communiquer avec le smartphone d’un utilisateur.

DALI-2 SUR IP/SPE/PODL : LE STANDARD À SUIVRE

L’alliance DiiA a clairement voté pour DALI-2 et IP. Reste à débattre de la question de l’installation et de sa topologie. À ce jour, les drivers DALI (1 ou 2) requièrent, d’une part, une alimentation en courant fort et, d’autre part, un bus de données, soit deux câbles. Si l’on substitue l’alimentation en courant fort par une alimentation en courant continu 48V délivré par un système de production décentralisé, on obtient une solution PoE (Power over Ethernet). Un même câble transporte ainsi la donnée (sur IP) et la puissance (jusqu’à 100 W selon la norme IEEE 802.3bt), répondant à toutes les exigences d’un standard universel de l’éclairage connecté pérenne dans le contexte d’une transition énergétique. On retrouve notamment cette offre chez Signify, Energie IP, Igor, Tridonic… « Le PoE représente donc une solution extrêmement intéressante pour l’éclairage connecté avec son protocole natif IP, son unique câble et son potentiel à services », appuie David Menga. Cependant, ajoute-t-il, c’est une solution informatique apportée à un problème industriel. En effet, le PoE disposant d’une topologie point à point (étoile) limitée à 100 m et 100 W, « nous sommes encore loin de la souplesse d’installation en bus de DALI ». D’autant plus que le prix est également en la défaveur du PoE. « Il s’agit encore d’une solution onéreuse, trop peu d’acteurs étant encore présents sur ce marché », regrette David Menga. La solution pourrait venir du monde de l’automobile électrique qui propose une nouvelle architecture réseau filaire pour gérer efficacement les transmissions de données et de puissance. Il s’agit de la nouvelle norme de communication de réseau Single Pair Ethernet (SPE) qui, publiée en 2015, est une technologie robuste dont les premières applications sont apparues cette année. « Là où un câble Ethernet est constitué de 4 paires, le SPE n’en compte qu’une seule. » La topologie de ce standard mondial (IEEE 802.3 bw/bp/cg), qui porte à 1 000 m et jusqu’à 1 GB/s, peut être réalisée en étoile (T1/T1L) ou en bus (T1S). Par ailleurs, une déclinaison avec courant, baptisée Power over Digital Line (PoDL), a également été publiée. Comme le PoE, Cette nouvelle technologie de réseau qui, comme le PoE, transporte sur le même câble données et courant, permet la communication IP et l’alimentation pour des usages industriels, y compris l’éclairage connecté. L’utilisation du courant continu (DC) permet l’utilisation de la production locale d’énergie, tout en garantissant le meilleur rendement. Les connecteurs ont été normalisés pour un câblage efficace et compact des installations, ou peuvent être libres (bornier à vis). Côté puissance, le PoDL définit des classes de transport de puissance à l’instar du PoE. Plusieurs versions coexistent, toutes en TBTS (<60VDC). La Fédération française des intégrateurs électriciens (FFIE) a publié, mi 2020, un guide professionnel donnant un cadre normatif conforme aux Codes du travail aux installations TBTS de type PoE/PoDL. Ce guide professionnel a été relayé au niveau européen par EuropeOn. Enfin, dernier argument de poids, le prix des composants SPE/PoDL est extrêmement compétitif, des industriels comme Wago ou Phoenix Contact travaillant à des solutions pour le bâtiment connecté, annoncées pour 2021. « C’est le standard à suivre, conclut David Menga, la combinaison Dali-2 sur IP/SPE/PoDL apparaissant comme le meilleur choix à venir dans le monde de l’éclairage connecté. »  

JD

1 Respectivement PDG d’Arkam et ingénieur-chercheur chez EDF Lab, à Saclay.

2 Créée le 25 juin 2020, l’initiative IP-BLIS réunit BACnet International, KNX Association, OCF (Open Connectivity Foundation), Thread et Zigbee Alliance.

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