Éclairage solaire : le début du décollage ?

© Fonroche
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Les routes et autoroutes peuvent aussi être éclairées avec des lampadaires solaires, comme
le démontre Fonroche sur une bretelle d’autoroute à Calais.

Jusqu’à présent réservé aux territoires bien ensoleillés et aux applications de petite envergure, l’éclairage solaire semble en train de franchir une étape. En effet, le bond technologique réalisé ces dernières années par les industriels permet d’envisager aujourd’hui d’installer du solaire dans de nombreux endroits. De plus, de grands fabricants se positionnent désormais sur ce segment et devraient aider à son développement. Mais de nombreux obstacles subsistent. Tour d’horizon.

Le solaire représente actuellement environ 1 % de l’infrastructure d’éclairage public en France, estime Julien Rapin, directeur commercial de Novéa Energies, mais on ressent un dynamisme croissant, entre 3 000 et 5 000 mâts solaires sont posés chaque année. » S’il est pour l’instant difficile de pouvoir s’appuyer sur des chiffres de ventes cumulées précis pour quantifier ce marché, une évolution semble en effet se fait jour depuis 2 ans. Alors que le recours au solaire ne concernait historiquement que de très petits projets, des applications plus conséquentes sont désormais envisagées. Et ce n’est pas très surprenant car des avancées technologiques très importantes ont été réalisées ces dernières années. En effet, grâce aux LED, l’efficacité lumineuse a été nettement améliorée pour atteindre 175 lumen/watt en solaire. Cela a permis de réduire la surface des panneaux solaires (dont le rendement s’est accru dans le même temps) et l’encombrement des batteries (dont la capacité a néanmoins été multipliée par quatre pour les modèles LiFePO4 et NiMH). Enfin, l’intelligence embarquée (avec les contrôleurs de charge) a fait de nets progrès dans l’optimisation des installations.

LES LAMPADAIRES HYBRIDES VONT-ILS CHANGER LA DONNE ?

Bien sûr, il reste de nombreux freins au développement de l’éclairage solaire, au premier rang desquels figure la densité du réseau électrique français. En d’autres termes, partout où des points lumineux raccordés sont en place, il n’est pas forcément avantageux d’installer un luminaire solaire. Ainsi, actuellement, le recours au solaire ne fait véritablement sens que dans les zones où l’éclairage n’est pas présent et dans les endroits où le raccordement au réseau est vétuste. Pourtant, cette logique pourrait bien être remise en cause dans les prochains mois par l’ambition d’un nouvel entrant, et non des moindres : Signify. En effet, l’industriel néerlandais (déjà présent dans le solaire en Afrique et en Asie) a décidé de lancer en cette fin d’année un produit hybride (intégrant une batterie mais pouvant faire appel au réseau électrique en cas de besoin). Ce n’est pas le premier grand fabricant à s’intéresser au solaire (Thorn, Comatelec Schréder et le groupe Ragni, notamment, l’ont précédé), ni à concevoir une solution hybride, mais Signify pourrait donner une impulsion nouvelle et décisive en tant que leader du secteur. « Une solution hybride permet d’assurer la continuité du fonctionnement du luminaire même si l’ensoleillement n’est pas présent toute la journée », explique Bertrand Aveline, chef de produits smart city. Ce type de solutions constituent donc une réponse à l’une des grandes craintes des responsables d’éclairage public, notamment dans les régions situées au-dessus de la Loire. En revanche, l’investissement initial à consentir est plus important puisqu’il faut financer le mât solaire et le raccordement au réseau. « Nous croyons beaucoup au marché du solaire et nous l’abordons avec de fortes ambitions, souligne Bertrand Aveline, d’autant plus que, grâce à la miniaturisation des systèmes, les luminaires solaires peuvent maintenant intégrer tous les composants, à savoir le panneau solaire, la batterie, le module LED et le contrôleur de charge. » Cette intégration rend les mâts solaires plus esthétiques et devrait ainsi permettre de lever quelques objections sur ce point. Mais l’optimisme de Signify repose aussi sur des considérations macro-économiques. En effet, à terme, le développement du solaire pourrait permettre d’alléger sensiblement l’usage du réseau électrique en début de nuit, au moment où il est le plus sollicité. Une belle perspective.

La possibilité d’installer de l’éclairage sans avoir à engager de frais de génie civil motive la plupart des projets.


LAGAZEL SE LANCE EN FRANCE

Œuvrant depuis longtemps en Afrique, la société ligérienne Lagazel a décidé de s’attaquer au marché français, en adressant notamment les campings, les zones de loisirs et les aménagements paysagistes, avec de petits lampadaires solaires. « Le contexte est aujourd’hui favorable, les gens sont l’écoute du solaire, mais il ne faut pas brûler les étapes », estime Arnaud Chabanne, fondateur. « Le solaire est adapté aux endroits où les câbles de raccordement au réseau électrique ne sont pas tirés, c’est le cœur de ce marché. » Lagazel est en train de travailler au développement de sa gamme et recherche des distributeurs dans l’Hexagone.

© Nowatt Lighting
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Les pistes cyclables, de plus en plus utilisées, font également partie des lieux où l’éclairage solaire est très adapté. Nowatt Lighting a déployé 600 plots autour de l’étang de Thau.

DE PLUS EN PLUS D’APPLICATIONS

Toutefois, pour l’heure, c’est surtout la possibilité d’installer de l’éclairage sans avoir à engager de frais de génie civil qui motive la plupart des projets. Et les applications possibles sont de plus en plus nombreuses : arrêts de bus, pistes cyclables, parkings, voies vertes, allées de parcs et jardins, voies d’accès aux espaces sportifs, chemins piétonniers, aires de covoiturage, ronds-points, voies secondaires, zones industrielles ou zones artisanales. Même certaines zones résidentielles commencent à être équipées de lampadaires solaires (notamment pour les voies de circulation dans les lotissements).

« Pour l’heure, le marché français représente à peine 20 millions d’euros, indique Laurent Lubrano, directeur général de Fonroche, mais le potentiel est très important car désormais, d’un point de vue technologique, tout ce qui est du domaine de d’éclairage public pourrait être réalisé en solaire.»

Fonroche, qui est devenue en un peu plus de 10 ans le leader de l’éclairage solaire en France, et l’un des principaux acteurs au niveau mondial (90 millions d’euros de CA), fait figure de pionnier. Comme pour donner l’exemple des possibilités du solaire, la société lot-et-garonnaise éclaire depuis trois ans une bretelle d’autoroute à Calais, dans un département les moins ensoleillés de l’Hexagone. Et elle annonce être en discussion actuellement avec des villes (petites et moyennes) désireuse de passer 30 à 40 % de leur éclairage public en solaire. « Bien sûr, tout cela est possible grâce à l’amélioration de l’efficience des panneaux solaires, des LED et des batteries, poursuit Laurent Lubrano, mais aussi parce que les prix ont progressivement baissé, les panneaux solaires valaient 1,8 € le watt-crête à nos débuts, ils coûtent aujourd’hui moins de 0,20 € tout en étant plus efficaces ».

ENCORE QUELQUES FREINS

Néanmoins, malgré ce contexte favorable, plusieurs paramètres freinent encore le développement de l’éclairage solaire. Outre la densité et la bonne qualité du réseau élec- trique évoquées plus haut,  ce  sont  aussi les relations professionnelles historiques tissées entre les collectivités et les industriels de l’éclairage qui rendent difficile la migration. Par ailleurs, le retour sur investissement n’est pas encore très lisible en matière d’éclairage solaire, notamment parce que le niveau d’investissement initial dépend beaucoup de la puissance désirée et du type de lampadaires déployés (les modèles hybrides sont nettement plus chers). Ce point semble faire hésiter bon nombre d’élus qui pourraient laisser des plumes (électorales) dans ce type d’opérations. « Enfin, s’il est difficile de convaincre les grandes agglomérations de passer au solaire, les collectivités de taille moyenne sont plus réactives, mais ce sont parfois des syndicats d’électrification qui y gèrent l’éclairage public, indique Jacques Gouteyron, PDG de Nowatt Lighting et président du groupe de travail dédié au solaire au sein du syndicat de l’éclairage, or ces derniers n’ont pas véritablement intérêt à se passer du réseau électrique ». Malgré ces obstacles, Nowatt Lighting croit aussi fermement au développement du solaire, y  compris  sur le segment de l’éclairage architectural qu’il adresse plus particulièrement, s’employant à convaincre les concepteurs lumière. « En fait, je pense que le solaire pourrait atteindre les 20 % du marché global de l’éclairage public en 2030, poursuit Jacques Gouteyron, car, progressivement, l’électricité devrait être allouée prioritairement à d’autres usages que l’éclairage ». À suivre.

HR

SEPT ANS DÉJÀ !
Si 2021 confirme être l’année du « décollage » En effet, déjà en 2013, LUX présentait, dans du marché de l’éclairage public solaire, il son édition 270 de janvier-février (p. 53-55), aura fallu attendre plusieurs évolutions huit solutions proposées par Abel, Simon technologiques, permettant l’amélioration  Lighting, Ragni, Eco Innov, Thorn, Eclatec des performances des produits. et HEI Solar. JD

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