Vers des bâtiments « DC ready »

Le courant continu va-t-il supplanter le courant alternatif et tout révolutionner dans le bâtiment ? C’est ce qu’annonce Emmanuel François, président de la Smart Buildings Alliance (SBA), convaincu par ce qu’il considère être une transition inéluctable qu’il est urgent d’anticiper pour que la France en soit le fer de lance.

Conséquence de la puissance du numérique et du développement de l’intelligence des systèmes, les équipements du bâtiment ont basculé en mode numérique et fonctionnent, pour la plupart, en courant continu : éclairage LED, systèmes de traitement d’air, volets roulants, vidéoprotection, audio… S’ajoute aujourd’hui le développement du stockage de l’énergie sur batterie, notamment pour alimenter les véhicules électriques ; stockage effectué nativement en courant continu, principalement à partir des énergies renouvelables. Face à cet environnement numérique qui appelle des petites puissances, le courant alternatif 220-230 V ne se justifie plus, selon le président de la SBA. « Alimenter tous ces équipements nécessite en outre l’ajout de transformateurs ac/dc qui consomment de l’énergie et coûtent cher à l’investisseur. C’est un non-sens », affirme-t-il.

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET NUMÉRIQUE, TOUT EST LIÉ

Fort de ce constat, le président de la SBA veut encourager un basculement technologique rapide (dans les trois ou cinq ans) pour « constituer, en France, une expertise industrielle nouvelle dans le domaine du courant continu ». Dans le bâtiment existant, cette mutation peut s’appuyer sur la rénovation de l’éclairage, explique-t-il : « Le remplacement des sources lumineuses actuelles s’effectue en moyenne tous les 7 ans. Ce relamping doit être mis à profit pour faire évoluer le réseau d’éclairage vers un réseau PoE1 qui deviendra la colonne vertébrale du bâtiment, fournissant l’alimentation et la communication via un seul câble Ethernet. À l’heure où l’on parle de rénovation énergétique, de protection de l’environnement et de responsabilité sociétale, on ne peut pas accepter la transition énergétique sans transition numérique. Tout est lié. »

UNE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE DÉJÀ EN MARCHE

C’est un changement énorme qui s’annonce et bouscule, de la même manière que la technologie LED a bousculé les acteurs historiques de l’éclairage conventionnel. Mais l’histoire a montré que le numérique a toujours gagné face aux résistances. Raison pour laquelle « la France doit prendre ce virage si elle ne veut pas se faire dépasser par ceux qui se préparent déjà au changement, un peu partout dans le monde », insiste Emmanuel François. Au CES2, qui s’est tenu début janvier à Las Vegas, il a pu mesurer l’intérêt d’acteurs internationaux sur le sujet, comme Xicato, première entreprise américaine à adhérer à la SBA et à rejoindre le groupe de travail Courant continu de l’Alliance. L’industriel lance une offre complète de production et de stockage d’énergie locale en complément de ses sources d’éclairage. Même conviction forte chez Lancey Energy Storage, start-up française qui vient de recevoir le très convoité « Best Innovation Award » au CES pour son radiateur intelligent équipé d’une batterie de stockage qui se recharge la nuit, en heures creuses. Ou encore Illuma-Drive, société canadienne qui révolutionne la manière dont les luminaires LED sont alimentés et contrôlés en centralisant la conversion de puissance ac/dc avec de substantielles économies à la clé.

Sur un autre plan, « pour les zones géographiques dépourvues de tout ou partie d’un réseau électrique, le courant continu représente l’accès à l’électricité à moindre coût, à Internet, à l’information, à la formation… Et tout va aller très vite », conclut le président de la SBA.

L’Alliance travaille à la rédaction d’une charte pour l’introduction progressive du courant continu dans le bâtiment, afin de faire évoluer le secteur vers le concept « DC Ready ». Elle a déjà montré son esprit visionnaire et sa capacité à anticiper les évolutions sectorielles, en particulier avec le bâtiment « Ready to Services ». Elle pourrait légitimement porter cette nouvelle ambition et réussir à mobiliser industriels et institutionnels.

Pascale Renou

1 Le principe du PoE (Power over Ethernet) consiste à faire passer sur un même câble numérique Ethernet un courant électrique continu 48 V et jusqu’à 1 Gbits/s de données numériques selon les configurations.

2 Consumer Electronic Show.

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