DRIVERS LED
En février dernier, La Lettre Lux1 portait sur les drivers et plus particulièrement sur l’évolution électrique de cet équipement considéré par certains comme « le maillon faible » d’un système d’éclairage LED. Si des progrès ont été faits par les industriels pour améliorer sa robustesse et sa fiabilité, c’est au niveau de ses capacités fonctionnelles que son évolution est la plus spectaculaire, grâce en particulier à la connectivité.
En dehors de quelques rares points techniques (effet flicker, capacité de gradation, compatibilité avec l’installation), il semble que la technologie des drivers ne suscite guère d’intérêt, surtout en éclairage intérieur tertiaire, où l’enjeu de sécurité lié aux contraintes de l’environnement de fonctionnement est moindre comparé à l’éclairage extérieur. Pourtant, des avancées ont particulièrement favorisé l’évolution de cet appareillage qui mérite une meilleure attention car elles en font bien plus qu’un simple « gestionnaire » de courant. Sa technologie avancée lui confère aujourd’hui une intelligence qui ouvre de nouvelles perspectives dans l’approche d’un projet d’éclairage.
De nouvelles interfaces comme Dexal, d’Osram; Sensor Ready (« SR »), de Signify, ou encore po4a, de Tridonic, reposent sur une technologie de communication sans fil comme Zigbee ou Bluetooth mesh et le protocole Dali. Les drivers, luminaires et capteurs intégrés disposant de ce type de technologie peuvent être tous interconnectés pour former un réseau « indépendant ». Très pratique en rénovation pour faire évoluer une installation on/off vers du smart lighting sans câble de communication ou de passerelles supplémentaires. Paramétrage et contrôle commande s’effectuent généralement via une appli mobile.
L’AVIS DU CLUSTER LUMIÈRE Les évolutions technologiques des drivers, sujet de La Lettre Lux de février 2020 (voir lien dans l’encadré page de droite), ont fait réagir les membres du Cluster Lumière, en particulier son président, Philippe Badaroux qui nous a transmis son point de vue que voici : Le driver est un maillon essentiel de l’éclairage LED. C’est lui qui fixe le point de fonctionnement du composant lumineux et en développe les fonctionnalités d’usage, en matière de pilotage vers la smart city ou le smart building notamment. Sans driver, pas de LED, et même les « ampoules à LED » que l’on trouve en grande surface ont leur driver intégré. La technologie électronique du driver est mature maintenant, et des progrès indéniables ont été réalisés en termes de fiabilité. Mais qu’en est-il de la robustesse, et de la durée de vie opérationnelle, en conditions réelles d’utilisation ? N’oublions pas qu’une installation d’éclairage est généralement conçue pour plusieurs dizaines d’années. La concurrence féroce sur les prix amène les fabricants à faire des compromis sur le luminaire, mais aussi sur le driver. On sait très bien concevoir et fabriquer des produits très robustes, mais pour cela il faut intégrer les conditions de fonctionnement sur le terrain, en prenant en compte toutes les sollicitations du monde réel, température, surtensions, impact de foudre ; et les mauvais usages également car cet appareillage à fort contenu technologique a ses exigences. En transformant la tension d’alimentation (généralement 230 V) en courant continu stabilisé, il est fortement exposé à tout ce qui se passe dans le réseau d’alimentation. Il peut aussi interférer avec celui-ci, avec des courants d’allumage très élevés, ou en générant des parasites ou des courants harmoniques, lesquels perturbent les autres usagers de la ligne électrique. Le driver reste un composant majeur du luminaire, et doit être mis en œuvre correctement pour créer un produit d’éclairage performant. Mais au-delà du luminaire qui a passé tous les tests normatifs, c’est un système d’éclairage que l’on construit, qui inclut les réseaux et les armoires électriques, et peu s’en soucient. L’innovation de la LED est là, indéniable, et très porteuse d’avenir. Elle va révolutionner les usages, mais pour bien l’exploiter, il importe d’en comprendre l’impact, et d’intégrer les limites de la technologie dans tous les aspects d’un projet. Le Cluster Lumière, en se positionnant sur les usages de l’innovation s’intéresse de près au fonctionnement sur le terrain et aux changements d’habitudes, de stratégies de maintenance, à l’impact sur les réseaux et les tableaux électriques que cette innovation apporte. Le Cluster Lumière, et son groupe de travail éclairage public vont lancer une étude d’impact des nouvelles technologies sur le fonctionnement des installations d’éclairage. Si vous voulez participer avec des retours d’expérience à partager, contactez-nous. Toute médaille a un revers, les drivers ont les leurs, cherchons à bien les comprendre pour exploiter au mieux la technologie LED qui, sans aucun doute maintenant, est la base de l’éclairage de demain. |
L’EFFET BOOSTER DU DALI-2 ET D4I
Le Dali est un élément clé de cette progression. Ce protocole dédié à l’éclairage permet depuis plus de 20 ans de collecter des informations et d’envoyer des consignes de pilotage au driver qui se charge de les appliquer. En 2015, l’arrivée du Dali-2 a apporté deux changements significatifs :
- la certification tierce partie des composants : jusqu’à présent, la conformité d’un driver Dali reposait sur une auto déclaration du fabricant. Désormais, tous les produits marqués du logo Dali-2 sont certifiés conformes ;
- l’interopérabilité de tous les produits Dali-2 : luminaires, drivers, capteurs, interrupteurs… Dès lors que le logo Dali-2 est apposé, l’interopérabilité de ces équipements au niveau du Dali est garantie.
Petite subtilité tout de même, le Dali-2 peut être enrichi d’options (également certifiées), par exemple : la mesure des consommations pour pouvoir faire un suivi énergétique précis de l’installation (avec le Dali, l’absence de normalisation amenait à des résultats variables ; la consommation était estimée par rapport au niveau de gradation). Bien que normalisés, tous les drivers Dali-2 ne disposent donc pas des mêmes capacités.
Cette fonction de mesure n’est plus une option avec le D4i qui l’intègre par défaut. Le driver D4i enregistre aussi, et de manière bien plus précise encore qu’avec le Dali-2, des informations sur les dysfonctionnements : combien de pics d’intensité et à quel niveau, combien de périodes de surchauffe et de quel ordre… apportant des données qui permettent aux professionnels d’être mieux à même de juger l’installation et de la corriger. Les données pourront remonter vers un système externe pour des sociétés de data processing pour une exploitation tournée vers le déploiement de services aux usagers.
Mais le gros changement avec un driver D4i comparé à un autre driver est sa capacité à alimenter un bus Dali grâce à une alimentation Dali intégrée. « Jusqu’à présent, il fallait un équipement auxiliaire Dali pour obtenir les 16 V nécessaires au fonctionnement du Dali, précise Thierry Bechtel, de Tridonic. Aujourd’hui, tout driver D4i est capable de les fournir avec, en sortie, 55 mA a minima. Un driver LED consommant 2 mA, il peut alimenter le luminaire LED dans lequel il est placé, et un ou plusieurs éléments externes (capteur, sonde, nœud de communication…) également installés dans le luminaire et avec lesquels il sera câblé. »
Au-delà du luminaire qui a passé tous les tests normatifs, c’est un système d’éclairage que l’on construit, qui inclut les réseaux et les armoires électriques, et peu s’en soucient.
L’EXTENSION DES POSSIBLES GRÂCE AU SANS-FIL
Ces nouveaux drivers (Dali-2 et D4i) fournissant à la fois une alimentation et un mode de communication bidirectionnel (avec Zigbee ou Bluetooth en éclairage intérieur, par exemple), permettent de concevoir un réseau de luminaires intelligent, soit autonome soit associé à un réseau Dali, voire à une GTB, avec une connexion intra-luminaire (avec les détecteurs de présence, des sondes de température du luminaire), inter-luminaires (pilotage de luminaires en groupe) ou avec des équipements externes (panneau de commande, interrupteur…) tous équipés, bien sûr, du même protocole de communication utilisé.
Actuellement, la plupart des drivers du marché requièrent l’ajout d’un boîtier externe (antenne et protocole) pour établir ces échanges et dialoguer. Mais depuis peu, des drivers « Bluetooth intégré », « Zigbee intégré » ou « Thread intégré » sont proposés qui s’affranchissent de cet équipement supplémentaire et simplifient l’infrastructure. La connectivité sans fil a aussi permis d’enrichir les drivers de nouvelles capacités, comme le système NFC2. Cette technologie n’est plus une option en éclairage public, tant elle facilite le paramétrage des installations et les interventions de maintenance. Certains drivers NFC intègrent une sorte de boîte noire (comme en ont les avions) qui mémorise de nombreux incidents ; même si le driver a été complètement détruit par un court-circuit, un impact de foudre…, le système NFC peut permettre d’accéder à l’historique complet des défauts. Ce système devrait bientôt s’imposer en éclairage intérieur où il n’est pas encore très utilisé, selon Thierry Bechtel : « Dans 90 % des cas, le paramétrage des drivers LED se limite à la valeur du courant de sortie. Pour paramétrer des fonctions, il faut brancher un PC, se mettre sous tension 220/230 V et faire la programmation. Non seulement cette opération prend un peu de temps (environ 2 minutes par driver), mais elle ne peut être conduite que par un professionnel habilité électriquement. Avec le NFC, la mise sous tension n’est plus nécessaire. Il est possible de paramétrer un driver et même un carton entier de drivers sans même les déballer. En 5 secondes, l’affaire est conclue et vous n’avez pas besoin de faire intervenir un électricien. Même s’il ne s’agit que de paramétrer le courant, on gagne beaucoup de temps. » Ces drivers aux capacités augmentées sont encore assez rares. Les premiers modèles de drivers D4i sont sortis fin 2019, ceux intégrant Bluetooth viennent d’être commercialisés, et les drivers « Zigbee intégré » devraient sortir dans les semaines à venir. D’autres évolutions viendront vraisemblablement enrichir encore le driver LED, devenu le poumon de l’installation. Selon Signify, « en 2030, moins de 50 % de la valeur d’un luminaire proviendra de la lumière ». Tout prête à y croire si l’on considère les services que la connectivité et cette nouvelle génération de drivers LED sont capables d’apporter.
Pascale Renou
1 Lien vers La Lettre Lux sur les drivers
2 Le NFC (Near Field Communication) repose sur l’utilisation d’une antenne qui se connecte sur un port USB et d’un logiciel téléchargeable gratuitement sur le site du fabricant d’éclairage. Actuellement, ces logiciels ne sont pas interopérables : l’interface d’Osram ne permet pas, par exemple, de paramétrer un driver Philips en NFC. Pour Stephen Sybilensky, de Signify, les interfaces sont similaires et il serait relativement simple de s’accorder entre industriels pour qu’elles deviennent interopérables. On peut raisonnablement penser, selon lui, que cette interopérabilité va devenir une réalité.
RECOMMANDATIONS EN PRESCRIPTION Tridonic a établi une liste de 12 critères techniques pour aider les prescripteurs et acheteurs à choisir leurs drivers. Cette liste non exhaustive est téléchargeable à partir de La Lettre Lux n° 15. |