En début d’année, le STAC1 a publié une note technique (référence STAC/SE/E/EBA/19-5021) portant sur les particularités des feux à technologie LED à prendre en compte lors du « passage aux LED » du balisage lumineux d’un aérodrome. Évolution qui ne se fait pas sans problème, dont un risque de gêne visuelle des pilotes.
Certaines problématiques ont été soulevées par les exploitants d’aérodromes lors du remplacement de feux de balisage de type halogène par des feux de type LED sur une piste, une rampe d’approche et, dans une moindre mesure, sur les voies de circulation. Plusieurs dysfonctionnements sont à prendre en considération et peuvent, pour certains, nécessiter des essais complémentaires afin de s’assurer de la conformité réglementaire des installations2.
AUGMENTATION DU TEMPS DE COMMUTATION
Pour certains feux LED, lors des transferts d’alimentation électrique (par exemple, basculement de la charge sur un groupe électrogène suite à une coupure secteur), des lenteurs, dues à leur conception, peuvent apparaître lors de leur rallumage. En conséquence, des installations conformes en matière de temps de commutation avec des feux halogènes peuvent ne plus être conformes avec des feux à LED. En cas de non-conformité, une solution pourrait reposer sur la mise en place d’un onduleur alimentant des régulateurs à courant constant.
NÉCESSITÉ D’ADAPTATION DE LA CHARGE DES RÉGULATEURS
Lors du seul remplacement des feux de balisage, une adaptation de la charge des régulateurs à courant constant (CCR) doit être réalisée afin de limiter les rejets harmoniques dans les installations, lesquels pourraient conduire à des dysfonctionnements de tout ou partie de celles-ci. Toutefois, ce réglage n’est pas à assurer pour les CCR à technologie IGBT (transistor bipolaire à grille isolée), ou si la puissance du CCR est inférieure ou égale à 2,5 kVA. Plusieurs phénomènes (liste non exhaustive) ont été observés par des exploitants d’aérodromes :
- clignotement de feux avec 3,5 kVA de charge sur un CCR de 10 kVA (fonctionnement instable). Le régulateur voyait disparaître la charge en brillance 4. L’action corrective à apporter ? La mise en place d’un CCR de 20 kVA ;
- scintillement des feux suite à une mauvaise régulation du CCR. L’action corrective à apporter ? La mise en place d’une inductance en série sur la boucle ;
- mesure de continuité sur la boucle primaire tendant vers l’infini, équivalent à un circuit ouvert. Cependant, aucun dysfonctionnement n’a été relevé au niveau du CCR ;
- arrêt de CCR perturbés par un signal harmonique de fréquence 10 kHz venant parasiter le fonctionnement des thyristors (composants de régulation de la valeur de courant dans la boucle).
Diagramme photométrique / courbe isocandela d’un feu d’axe de piste
(Source : Agence européenne pour la sécurité aéronautique. www.easa.europa.eu).
NÉCESSITÉ D’ADAPTATION DU COURANT D’ALIMENTATION (BRILLANCE)
Les feux à LED sont parfois perçus par le pilote comme éblouissants, notamment de nuit par conditions de bonne visibilité et donc aux faibles brillances de fonctionnement. Ce phénomène peut être limité en utilisant la brillance associée à la valeur de courant de 2,8 A des CCR conformes à la norme NF EN 61822 (Installations électriques pour l’éclairage des aéroports – Régulation du courant constant), lesquels comportent 5 niveaux de brillance standard (2,8 A / 3,4 A / 4,1 A / 5,2 A et 6,6 A). Toutefois, ce niveau de brillance à 2,8 A est non disponible sur les CCR comportant seulement 4 niveaux de brillance, CCR majoritairement installés en France. Il convient de noter que, suite à des besoins d’exploitation et après la réalisation d’une étude de sécurité, la brillance à 2,3 A, inférieure à celle la plus basse autorisée par la norme NF EN 61822, a toutefois été utilisée sur certaines pistes. La brillance nominale à 6,6 A ne doit cependant en aucun cas être modifiée, c’est à cette valeur de courant que les performances requises par mauvaises conditions météorologiques sont obtenues. En cas de modification de la valeur du courant dans la boucle (2,8 A, 2,3 A ou moindre), l’exploitant devrait s’assurer auprès du fournisseur du matériel (CCR et feux) que cette valeur de courant n’aura pas d’impact sur le fonctionnement des équipements (décrochage de l’électronique de régulation, passage en mode de fonctionnement avec commande via courant porteur des feux…).
PERTE DE L’OMNI-DIRECTIONNALITÉ DU SIGNAL LUMINEUX
Certains feux à LED hors sol de bord de piste, de par leur conception, peuvent ne pas être visibles dans tous les azimuts et aux différents sites au-dessus de l’horizon dans certaines conditions d’utilisation. En effet, aux faibles brillances (B1 et B2), du fait d’une intensité lumineuse insuffisante, il se peut que les feux ne soient pas bien perçus par le pilote souhaitant par exemple les utiliser comme moyen de guidage vers la piste. À ce propos, rappelons la réglementation OACI (Organisation de l’aviation civile internationale). « Les feux de bord de piste seront visibles dans tous les azimuts spécifiés jusqu’à 15° ou moins au-dessus de l’horizon et leur intensité sera suffisante pour les conditions de visibilité et de luminosité ambiante pour lesquelles la piste est destinée à être utilisée pour le décollage ou l’atterrissage. Dans tous les cas, cette intensité sera d’au moins 50 cd ; toutefois, sur les aérodromes au voisinage desquels ne se trouve aucune lumière étrangère, leur intensité peut être ramenée à 25 cd au minimum pour éviter d’éblouir les pilotes. »
INCOMPATIBILITÉ D’UTILISATION AVEC LES EFVS
De par leur conception (absence d’émission dans le spectre de l’infrarouge), les feux à LED ne permettent pas l’usage de systèmes EFVS (Enhanced Flight Vision System), basés sur l’émission infrarouge des feux de balisage lumineux halogène. Rappelons que cette technologie est actuellement embarquée sur certains aéronefs d’affaire ou dédiés au transport de fret. Elle est en passe d’être également mise en œuvre sur les aéronefs de transport public.
Les systèmes embarqués EFVS permettent notamment la réalisation d’approche de précision de catégorie 13 par RVR (Portée visuelle de piste) et HD (Hauteur de décision) inférieures à celles requises pour une approche standard de catégorie 1. Dans le cas où l’exploitant d’aérodrome envisage de remplacer les feux à technologie halogène par des feux à technologie LED, et plus particulièrement ceux de la rampe d’approche, il devra prendre en compte l’impact possible sur les minima d’exploitation (augmentation des HD et RVR) pour les usagers (pilotes) qui utilisent des systèmes EFVS.
Le phare de la Tour Eiffel visible depuis Orly et notamment depuis les aires de stationnement Novembre, éclairées en LED.
ÉTUDES EN COURS
Le STAC a lancé une étude comportementale des feux de balisage aéroportuaires, dotés de technologie LED, comportant deux phases et se déroulant sur deux aérodromes dont les pistes sont équipées de cette technologie (Brest et CDG).
La première phase, relative à la perception visuelle des feux à LED par les équipages, consiste à recueillir le ressenti des usagers aériens. Ce recueil de perception visuelle durera un an et sera exploité en collaboration avec le laboratoire de recherche de l’Université de Rangueil.
La seconde phase de l’étude porte sur l’observation et l’analyse comportementale de ces feux LED dans le temps.
1 STAC, Service technique de l’aviation civile, dont la compétence nationale est placée sous la responsabilité de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile).
2 Les dysfonctionnements observés pour un feu d’une même fonction de balisage peuvent être différents d’un constructeur à l’autre ; il n’y a pas de règle établie.
3 L’approche ILS (Instrument Landing System) compte 5 catégories définies par l’OACI en fonction de la météo. La catégorie 1 définit une hauteur de décision (HD) de plus de 60 m (200 ft) et une limite de portée visuelle de piste visibilité horizontale, ou RVR, de 550 m (1 800 ft).