Si rien n’avait été fait, la facture aurait été fâcheuse

Depuis quelques années, la rédaction de Lux suit le déroulement du plan d’action « rénovation de l’éclairage public » développé par Jean Bidegaray, chef de service « Lumières de ville », à Pau. En avril 2021, une édition spéciale de la revue LUX a témoigné de l’exemplarité de cette démarche qui associe sécurisation, efficience énergétique, innovation, rayonnement et attractivité. Par ailleurs, dans l’édition 314 de la revue de mai-août 2022, Jean Bidegaray estimait que « Pau est armée pour absorber l’électrochoc dû à la hausse brutale du coût du kWh ». C’est aujourd’hui confirmé !

« Nos priorités d’investissement1 privilégient le traitement de l’intégralité du réseau d’éclairage public fonctionnel de la ville via un plan d’action volontariste de migration en technologie LED, asservie à un pilotage combinant télégestion et détection », rappelle Jean Bidegaray, qui porte ce plan en régie. Dans ce contexte, ont été spécialisés des cadres et agents de maintenance dédiés à cette mission, parallèlement à des projets d’aménagements particulièrement structurants. « Notre objectif vise à fournir un éclairage d’ambiance fonctionnel et architectural de qualité », poursuit le chef du service « Lumières de ville » soucieux de la sécurité de toutes les mobilités et de la mise en valeur nocturne de l’espace public palois et de l’agglomération. « Car, la nuit, la ville n’est pas si vide que cela ! »

Ainsi, rappelle Jean Bidegaray, a été développé le principe d’une gestion différenciée centre-ville et hors centre-ville. Pour quel objectif ? « Créer une identité nocturne valorisante, respectueuse de la grande histoire de la ville. » Sans pour autant minorer les identités propres aux autres quartiers et tout en militant également à ce que l’innovation soit mise au service du développement durable, sans austérité perceptible pour les usagers de la nuit.

Photos © Adrien Basse Cathalinat / Ville de Pau

Ci-dessus.
Dans le cadre de la requalification de la place de la Monnaie et ses abords, le glacis situé au pied du château sert de support à une fresque lumineuse s’inspirant de références historiques allant du Moyen Âge à nos jours.

Ci-contre.
Vue depuis la ville haute, la place de la Monnaie est dorénavant réinventée autour d’un parvis dégagé. Sa mise en lumière assurée par Quartiers Lumières s’inscrit dans la charte développée par la Ville.

PAR ICI LA MONNAIE

Ce parti pris stratégique et ces encourageants premiers résultats financiers motivent encore plus la poursuite des projets définis par le plan d’action et nourrissent plus facilement les réflexions portant sur l’éclairage des aménagements des espaces publics. C’est notamment le cas du quartier de la Monnaie2, inauguré le 4 octobre dernier après plus de deux années de travaux. Le concepteur Lionel Bessières de l’agence Quartiers Lumières3, auquel nous devons l’aménagement lumière, nous présente cette réalisation.
En s’inscrivant dans un contexte global de réaménagement des espaces publics de la ville, ce projet vise à restaurer la valeur patrimoniale et touristique des grands éléments du quartier : le château, la tour de la Monnaie, les canaux, le Gave et certains petits patrimoines délaissés. Il implique la requalification de la place de la Monnaie en mettant en valeur la Ville Haute, la création d’un jardin d’inspiration médiévale et le réaménagement du pont du 14 juillet avec l’élargissement des trottoirs, la création de pistes cyclables et l’aménagement d’un nouveau giratoire en remplacement d’un carrefour à feu. « La place est ainsi réinventée autour d’un parvis noble et dégagé qui voit son panorama accentué et mis en valeur par la vue d’ensemble des prairies ouvertes », explique Lionel Bessières en rappelant que le projet de réaménagement de la place de la Monnaie et de ces abords devait s’inscrire dans un large périmètre et dans la charte lumière développée par la ville. « Pour le mobilier d’éclairage fonctionnel, il s’agissait d’allier cohérence et identité », poursuit-il. De plus, tous les points lumineux 2 700 K sont contrôlables via le système de télégestion de la ville, « cette technologie permettant d’adapter les niveaux théoriques souhaités aux réels besoins identifiés et nécessaires ».

CONSOMMATION EN ÉLECTRICITÉ DE L’ÉCLAIRAGE PUBLIC (MWh)


FACTURE D’ÉLECTRICITÉ ÉCLAIRAGE PUBLIC (k€) COMPARÉE AU SCÉNARIO SANS AUCUNE RÉNOVATION


Si rien n’avait été fait… +109 %
À mi-parcours, deux graphiques témoignent que, côté facture électrique, son montant aurait été funeste. Au niveau de la consommation d’électricité (Fig 1), celle-ci a diminué de 6 134,61 MWh, en 2019, à 4 183,87 MWh, en 2023 (-31,8 %). Côté facture d’électricité, celle-ci a augmenté de 881,03 k€, en 2019, à 1 048,15 k€, en 2023 (+19 %). Déjà non négligeable, cette hausse, comparée au « scénario noir » qui correspond à aucune rénovation de l’éclairage public, aurait « explosé » en passant de 1 321,55 k€, en 2019, à 2 760,90 k€, en 2023… soit une hausse de 109 %.

Bruno Pellure, ville de Pau
« EN INVESTISSANT SUR L’ESPACE PUBLIC, ON REND LA VILLE PLUS ATTRACTIVE »

Bruno Pellure, en tant que directeur « Mobilités – Espaces publics » de la ville de Pau et de l’agglomération Pau Béarn Pyrénées, anime 230 agents dont 22 dédiés à « Lumières de ville », le service placé sous la responsabilité de Jean Bidegaray.
Au regard du plan d’action mené depuis cinq ans, sur une Autorisation de Programme à hauteur de 1,7 M€/an, « j’ai appris à apprécier l’éclairage », confie-t-il, en se félicitant que « l’investissement consacré à la rénovation de l’éclairage public a magnifié le centre-ville ». Investissement qui, comme au niveau de la voirie, se concrétise par un retour sur investissement positif, que ce soit en termes d’économie de fonctionnement ou de perception des espaces publics.
Autre retombée positive ! Cette rénovation des éclairages urbains participe à l’attractivité de la ville qui, depuis les dernières années, voit sa population croître avec, notamment, un afflux de nouveaux habitants palois. « Pour preuve qu’en investissant sur l’espace public, on attire de nouveaux habitants », conclut Bruno Pellure. Pour preuve, en 2023, 1 401 personnes se sont installées dans la capitale béarnaise.

LE CONCEPT VISUEL

« Par ailleurs, il importait de trouver un concept visuel afin de témoigner, raconter, interroger et faire rêver les visiteurs », poursuit-il, en ajoutant que le glacis, situé au pied du château, a été choisi pour la création d’une fresque lumineuse. Deux questions se sont alors posées. D’une part, « comment réaliser cette fresque à partir de références historiques et de récits allant du Moyen-Âge à nos jours ? » D’autre part, « dans ce parcours nocturne de la ville, comment créer une invitation au voyage et à la poésie ? » En réponse, l’évidence a consisté à s’inspirer de l’art de la tapisserie médiévale et de la renaissance, car on y retrouve tous les codes de la narration et de la fantasmagorie. « Cette approche nous a invités à créer des tableaux à la fois historiques et oniriques. »

La solution ! Tous les points lumineux 2 700 K mis en œuvre sont contrôlables via un système de télégestion Tegis, cette technologie permettant d’adapter les niveaux théoriques souhaités aux réels besoins identifiés et nécessaires. Les images sont projetées par projecteurs de gobos fournis par Derksen, installés sur des mâts spécifiquement créés par TMC Innovation pour cette installation. De plus, un subtil travail de graphisme et de calcul de déformation d’images, géré par l’agence Quartiers Lumières, a permis de composer cette fresque géante qui fourmille de détails à découvrir.


Bruno Charlier

« REPENSER LES TERRITOIRES EN FONCTION DE LEUR NOCTURNITÉ »

Dans un monde de plus en plus urbanisé, au sein duquel la pollution lumineuse prive une grande partie des habitants de la planète de la vision de la Voie Lactée, « il faut repenser les territoires en fonction de leur nocturnité en introduisant le temps comme complément de l’espace et la vision du ciel étoilé comme un élément paysager ». Telle est la démarche de Bruno Charlier, docteur en géographie, maître de conférence à l’UPPA (Université de Pau et des Pays de l’Adour), qui fut, de 2011 à 2013, responsable scientifique du projet de la Réserve internationale du Ciel Étoilé (RICE) du Pic du Midi et de l’ensemble des villages des Vallées des Hautes-Pyrénées. Ce géographe développe ses recherches, portant sur l’environnement et des paysages nocturnes. Partant du constat que, jusqu’à présent, les territoires ont surtout été gérés en fonction de considérations diurnes, ses travaux s’articulent autour de l’idée que « l’obscurité naturelle représente une nouvelle ressource environnementale ».
Dans une double logique de gestion des enjeux de transitions énergétique et écologique, les territoires doivent se saisir de cette problématique pour repenser leur rapport à la nuit étoilée. Ce qui implique de les organiser non seulement à partir de l’espace, mais aussi à partir du temps. Cette approche chronotopique nécessite de connaître et de prendre en compte les usages temporisés des lieux fréquentés par des publics et d’en adapter la gestion, notamment en éclairage. Dans ce contexte, la ville de Pau représente un bon exemple d’approche globale et intégrée vers une transition à la fois énergétique (solutions smart-éclairage/smart-écoéclairage), environnementale (cadre de vie urbain) et écologique (biodiversité, du méta au microsite).

1 Bruno Charlier est Maître de conférences au sein du département « Géographie et Aménagement » et de l’UMR 6031 TREE (Transitions énergétiques et environnementales) de l’UPPA (Université de Pau et des Pays de l’Adour).

À LIRE
Bruno Charlier conseille la lecture de l’ouvrage de son confrère Luc Gwiazdzinski, intitulé La Nuit, dernière frontière de la ville, paru
en 2005 aux Éditions de l’Aube.
L’auteur y invite à une exploration de l’archipel nocturne. Car, peu étudiée, la nuit urbaine est pourtant
riche de multiples activités
économiques, sociales et culturelles.

La requalification de la
place du Foirail est l’un
des projets phare du
renouvellement urbain
en cours à Pau. Livré en
2023, ce nouveau pôle
culturel fait l’objet d’un
éclairage public mêlant
consoles murales et
éclairage sur mâts.

  1. 1,70 M€ par an depuis 2020, jusqu’en 2028.
  2. Deux autres projets ont également été récemment réalisés : le pôle d’échange multimodal dans le quartier de la gare livré en septembre 2023 ; la requalification
    de la place du Foirail et du passage Carnot, livré en juillet 2023.
  3. À noter que seul le plan d’action est en régie. Pour les autres projets, il est fait appel
    à des équipes extérieures (BE et installateurs). Ce qui est le cas pour Lionel Bessières.

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