« Se trompent ceux qui croient que la technologie LED a rendu l’éclairage intelligent »

ALAIN MAUGARD

Lors des JNL2018, organisées à Marseille en septembre dernier, Alain Maugard s’est dit prêt à « mettre sa casquette d’amoureux de l’architecture et de l’urbanisme en parlant sur un champ presque artistique représenté par la complémentarité finement jouée entre lumière naturelle et artificielle ». La filière éclairage y a un rôle essentiel à tenir… à condition de décloisonner les métiers de la construction.

PERTINENTE VISION

Depuis 1967, date de son entrée au ministère de l’Équipement, Alain Maugard s’est largement investi dans le monde du bâtiment auquel il apporte sa pertinente vision. Notamment de 1984 à 1990, en tant que directeur de la construction du ministère du logement et, ensuite, en tant que directeur de l’EPAD (Établissement public pour l’aménagement de la Défense) jusqu’en 1993, date à laquelle il prend la direction du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment). À ce titre, il préside l’AFE de 1996 à 1998. Aujourd’hui, il préside Qualibat et co-anime le plan Rénovation énergétique des bâtiments.

Le XXIe siècle sera celui de l’immatériel. » Telle a été l’anticipation exprimée, en 19981, par Alain Maugard, alors président de l’AFE (Association française de l’éclairage). Selon lui, contrôler le développement de l’immatériel représentera le nouveau pouvoir et donnera lieu aux nouvelles formes d’impérialisme économique. « La lumière est, sans conteste, le symbole même de cette immatérialité. »

Alain Maugard se disait déjà frappé, à l’époque, par l’absence de culture générale dans ce domaine : « Beaucoup trop nombreux sont ceux qui ne savent pas pourquoi ils voient. » Et encore moins, par exemple, pourquoi ils perçoivent les couleurs. « On nous fait rêver avec les conquêtes spatiales, mais à un phénomène aussi naturel que la lumière, on ne nous intéresse pas! », regrettait-il. Ce constat n’a malheureusement guère changé… 20 ans plus tard.

Mais revenons à l’intervention d’Alain Maugard dans le cadre des JNL2018, au cours de laquelle, en soulignant que « les modes d’usage changent vite, y compris pour le tertiaire », il s’est montré plus préoccupé par l’utilisation du stock de bâtiments existants plutôt que de conserver des constructions inoccupées. « Quant au neuf, il doit davantage montrer son utilité. » Il se doit de développer les concepts d’évolutivité, modularité, réversibilité, coworking, travail à distance qui « modifient la conception des bâtiments ».

AVENIR IMMÉDIAT

Au niveau des éclairages, « c’était assez simple avant ! » Il y avait des murs opaques et des fenêtres. À présent, se multiplient, dans les bâtiments, des parois tantôt opaques, tantôt plus ou moins translucides, ces dernières présentant des facteurs solaires différents.

« Les bâtiments du futur disposeront de murs variables du point de vue de l’apport de lumière naturelle, la lumière artificielle devant atteindre le même degré de variabilité. » Les solutions les plus simples et les moins coûteuses possible ont un avenir immédiat la plupart des promoteurs souhaitant faire des économies… à condition de décloisonner les métiers tant du côté des concepteurs et des architectes qu’à celui des industriels.

Le monde du bâtiment bascule dans le monde numérique. Demain, on travaillera de façon collaborative, entre le maître d’ouvrage, l’entrepreneur et les fabricants. Par ailleurs, émerge ce que l’on peut appeler la peur de l’intelligence artificielle. « J’ai été frappé par le développement de multiples formes d’intelligence et d’automatisation arrivant désormais dans le bâtiment », poursuit Alain Maugard. En se référant à une enquête récente portant sur la maison intelligente et les rêves des occupants, il s’avère que l’éclairage intelligent se hisse dans le top 3. « Médaille de bronze, certes, mais il est quand même intéressant de constater que l’on compte sur les professionnels de l’éclairage. » Aussi, estime Alain Maugard, « ceux qui croient que l’éclairage est intelligent depuis la découverte de la technologie LED se trompent. Se dessinent de nombreuses perspectives, les créatifs ayant toutes leurs chances ».

APPRENDRE ENSEMBLE

Il est particulièrement nécessaire que l’AFE continue à se positionner comme une « société savante », écrivait Alain Maugard dans l’édito de LUX 192, de février 1997. À l’heure où nous entrons dans un univers où la connaissance devient une denrée économique, il faut que l’AFE ait l’éthique d’une association diffusant des informations vérifiées. « Nous devons être remarqués par la qualité et le sérieux de nos informations. » Dans cet état d’esprit, l’AFE doit devenir un lieu d’échanges portant sur les innovations et les progrès. « Un lieu où l’on apprend ensemble. Par ailleurs, les marchés se mondialisant, je ne souhaite pas que l’AFE s’enferme dans des débats franco-français. Le savoir n’a pas de frontières ». C’est rendre service à l’AFE que de poursuivre l’ouverture sur le monde. Ces lignes, écrites il y a déjà plus de 20 ans, n’ont pas pris une ride.

1 LUX 196, février 1998.

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