Ne plus considérer les drivers comme de simples accessoires

Dans l’édition de la revue Lux de novembre-décembre 2024, le concepteur lumière Patrick Rimoux et Shantidas Riedacker, chef de projet, ont présenté la « symphonie de lumières » qu’ils ont imaginée à l’intérieur de Notre-Dame de Paris. Leur objectif ? « Proposer une alternative, modulable à l’infini en intensité et en température de lumière, à l’approche fonctionnaliste commune, infiniment respectueuse de la structure et du mystère de la vieille cathédrale. » Pour gérer environ 1 200 luminaires, 610 drivers ont été répartis dans l’édifice, pilotés par un système de gestion développé par l’intégrateur Elie Bouskela1. Il nous le présente en apportant son expertise à propos de l’utilisation des drivers.

Incontestablement, le driver acquiert de plus en plus d’importance au niveau du bon fonctionnement des luminaires, du contrôle de la qualité de la lumière diffusée et, globalement, au niveau de l’efficacité des installations d’éclairage. Dans ce contexte, Elie Bouskela privilégie les paramètres essentiels en fonction de trois cas d’exploitation.

© Édouard Élias

Châsse-reliquaire de Notre-Dame de Paris
100 « bougies » Led intégrées dans le couvercle de l’autel ont été réalisées sur mesure par le sculpteur lumière Patrick Rimoux qui a assuré également la mise en lumière de la Couronne et de son écrin, sorte de voûte céleste d’un bleu nuit très profond. Quatre fibres optiques éclairent la Couronne et quatre autres la voûte. Cette option présente l’avantage de ne générer aucun échauffement de l’espace éclairé et de garantir ainsi la parfaite conservation de la Couronne d’épines.

1 Il n’existe pas de pilotage

Il s’agit ici d’un luminaire s’allume et s’éteint quand on applique ou non le 230 V. En 10 ans, la Led a définitivement remplacé le filament ou le fluorescent dans nos usages quotidiens. Elle permet une grande variété de design et d’intégration, mais l’esthétique et la nouveauté nous font oublier la qualité d’un éclairage à filament en termes de spectre lumineux, sujet important non traité dans cet article, et du confort d’utilisation. Les ampoules halogène basse tension étaient la meilleure solution pour avoir un allumage doux même sans variation, car il y avait un petit temps d’allumage induit par l’alimentation et le temps de chauffe du filament, petit temps qui permettait à nos pupilles de s’adapter. L’inconvénient était la nécessité d’avoir une alimentation 24 V, ainsi qu’un surcoût. La LED s’allume instantanément, pas de temps de chauffe. Une LED fonctionne
à basse tension en courant constant, tout luminaire LED a une alimentation (driver). La conception et la qualité du driver feront que l’allumage peut être instantané et très violent avec des flux intenses, surtout en blanc froid, bien loin du confort passé.
Le driver est bien souvent l’accessoire sur lequel on tire les prix mais c’est le cœur du luminaire. Un driver qualitatif aura un petit temps à l’allumage (fade), programmable sur certains drivers et avec un démarrage à 0,1 % pour les drivers eldoLED. Ce qui permet d’obtenir un allumage beaucoup plus qualitatif même en ON/OFF. Il y a bien entendu un surcoût mais un luminaire LED ne se change pas comme on devait le faire avec des ampoules. Le surcoût initial est un investissement pour 10 ou 20 ans de confort et d’yeux mieux protégés !

2 En cas pilotage par coupure de phase

Cette technique appréciée pour du rétrofit et pour sa simplicité de mise en œuvre a beaucoup déçu les utilisateurs car, à la différence d’un filament qui peu chauffe très progressivement, la variation de la Led est gérée par l’électronique du driver. Cette électronique a besoin de s’alimenter avant de pouvoir interpréter le 230 V « coupé » et piloter la Led au bon niveau. Les premiers drivers à coupure de phase démarraient vers 25-30 %, même si la plage d’utilisation est de 70 %, le rendu visuel était très limité et décevant. Le standard est maintenant avec des niveaux d’allumage autour de 10 %, qui reste un niveau important visuellement. Les dernières générations de drivers proposent des allumages à 1 % ou moins qui permettent de retrouver le confort et la qualité des ampoules. Il faut aussi considérer tous les critères de qualité de variation qui sont évoqués ci-dessous.

Figure 1. Représentation graphique de la norme IEEE 1789
La majorité des points de mesures doivent être dans la zone verte pour assurer un confort et une sécurité visuelle.

3 En cas de pilotage 0-10V, DALI, DMX ou sans fil

Quatre critères sont à prendre en considération :

  • Consommation du driver luminaire éteint. Quand la commande est à 0 %, le driver est toujours alimenté en 230 V. L’électronique doit se mettre en veille pour avoir une consommation minimale.
  • Qualité de la lumière lors de la variation (respect de la norme IEEE 1789) (figure 1). Dès que le niveau d’éclairage est inférieur à 100 %, selon la façon dont le driver pilote la Led, il peut se produire un clignotement invisible appelé flickering. La norme IEEE 1789 permet de s’assurer que le driver ne crée pas de problème de santé visuelle lié au flickering. Dans le pire des cas, il peut même se produire un clignotement visible à bas niveau… malheureusement fréquent avec des drivers bas coût, de mauvaise qualité.
  • Précision de la variation. Cas concernant surtout des applications nécessitant un allumage progressif à partir du noir (salle de spectacle, cinéma, bâtiment religieux, chambre, salon…). L’œil étant très sensible à un faible niveau d’éclairement, des pas de variation de 1 % sont visibles et particulièrement non-qualitatifs lors d’allumages lents. Un bon driver devra être précis à 0.1 % et avoir des fonctions interne d’interpolation (figure 2) et de choix de courbe de variation (figure 3). Certains drivers bas coût démarrent, quant à eux, à 10 % !
  • Mélanges de blancs ou de couleurs. Quand on mélange du blanc ou de la couleur, on réalise, en permanence, de la variation, l’absence de flickering étant primordiale. Pour pouvoir mélanger on utilise des courbes de variation linéaire. Avec des courbes logarithmiques, précises à bas niveau et souvent utilisées en monochrome, on ne peut pas faire de mélange. De fait, on perd de la précision à bas niveaux. Pour la compenser, il est possible de travailler en 16 bits si on est en DMX2, en variation relative si on est en DALI. En blanc, on peut aussi utiliser l’intelligence de certains drivers prenant en compte les températures des blancs chaud et froid des Led pour assurer le mélange voulu à tous les niveaux d’éclairement.
Figure 2. Interpolation
Quand l’électronique interne au driver permet de piloter la LED très précisément, le driver peut améliorer le rendu selon les applications.
Pas d’interpolation : on suit instantanément la commande. Variation très rapide mais pas visibles selon les niveaux de commande. Vidéo, stroboscope…
Interpolation Color : variations rapides mais adoucies. Mélange de couleurs.
Interpolation Glow : Variations très douces
Figure 3. Types de variations
Logarithmique : très bonne précision à bas niveau.
Square : précision à pas niveau et progressivité.
Linéaire : indispensable pour mélange et blancs et couleur.

Les paramètres impactant les performances du driver

Un luminaire Led peut être considéré comme un système électronique de puissance auquel est ajouté de l’optique et bien sûr du design. Il faut donc prendre en compte l’électronique, la thermique et la Led. Bien souvent, on promeut telle ou telle Led de marque pour vanter un luminaire, la thermique étant calculée pour la Led et contrainte par le design. Quant au driver, il est vu comme un accessoire.
Or, comme tout système électronique, la qualité de la conception, le choix des composants, la qualité du circuit imprimé, les tests en fabrication vont impacter les performances du driver, sa durabilité, la qualité du courant fourni aux Led et, plus globalement, la qualité de l’éclairage. « Qui installerait un gadget électronique de Noël pour piloter son moteur de voiture pendant des milliers de kilomètres ? », plaisante Elie Bouskela.

Comment choisir un driver ?

« Il faut être cohérent dans le choix du driver par rapport au luminaire proposé et au besoin d’éclairage », conseille Elie Bouskela. Un luminaire ne coûtant que quelques euros sera bien évidemment équipé d’un driver bas coût, offrant des performances équivalentes à son prix. Il pourra être considéré comme un consommable et représente souvent le maillon faible du système d’éclairage. Il cessera rapidement de fonctionner ou, pire, il peut détruire ou « user » la Led. Il est évident que de la variation avec ces produits est à proscrire pour obtenir de bons résultats. En général c’est acceptable pour des applications ON/OFF. Une première façon d’obtenir un éclairage de qualité, avec des luminaires bas coût, est de changer le driver pour un driver plus qualitatif qui assurera un allumage progressif sans flickering et pourra être piloté. C’est un concept un peu complexe à appliquer car il est difficile de convaincre un fabricant ou un utilisateur que le driver, composant caché et mal compris, puisse être plus cher que la Led et son habillage. « Pourtant c’est le moyen le plus économique de bénéficier d’un éclairage de qualité à faible coût », souligne l’intégrateur. En revanche, pour les luminaires plus qualitatifs par leur design, les matériaux, l’optique et la finition, le driver reste bien souvent en deçà des performances qu’on peut attendre de tels luminaires. Soit le fabricant n’a pas les compétences en interne pour bien comprendre et appréhender l’impact de l’électronique sur leurs produits ; soit ils n’ont pas pris en compte la façon dont leurs clients veulent utiliser le luminaire (type de pilotage, faibles niveaux). Certains fabricants sont bien évidemment au fait des caractéristiques à prendre en compte dans un driver et font les bons choix. Mais la plupart n’ont pas conscience de la technologie implémentée dans un driver. Le meilleur moyen de faire les bons choix est de s’adresser à un fournisseur de drivers qui a une large gamme de produits optimisés pour chaque besoin et proposant un support technique à même de l’aider dans ces choix. JD

  1. Elie Bouskela est cofondateur et directeur de la société Soliled qui développe, outre son activité d’intégrateur, celle de distributeur, notamment de deux marques du groupe américain Acuity Brands Lighting: les drivers de eldoLED et les produits réseaux de Pathway Connectivity.
  2. Utilisation du DMX : DMX 8 bits, 512 adresses disponibles sur un bus, 255 niveaux de commande. DMX 16 bits, 256 adresses disponibles sur un bus, 65 535 niveaux de commande.

Laisser un commentaire