Lumière à la demande : comment l’éclairage répond aux mutations sociétales

LA VISION DU SCIENTIFIQUE

La lumière joue, sans doute, un rôle aussi vaste que celui de l’eau. Elle rythme le vivant et intervient dans la croissance des végétaux et dans les équilibres des organismes de tous ordres. S’agissant des sociétés humaines, les arts lui doivent une part essentielle, de même que toutes nos activités en général, sociales, économiques, etc. Quelles innovations fournissent les acteurs de l’éclairage pour cibler des usages aussi diversifiés et en transition ? Luc Delattre, vice-président « Innovation » du Cluster Lumière1 apporte sa vision scientifique.

Sur le plan scientifique, les découvertes à l’œuvre dans le champ de la lumière et de l’éclairage représentent un fait majeur par leurs très larges répercussions », considère Luc Delattre. En effet, elles irriguent un vaste ensemble de disciplines : physique, chimie, sciences des matériaux, ingénierie, biologie, art et culture, urbanisme, agronomie, écologie… « Rebonds et multiples répercussions résultent des avancées de ces savoirs. »

© Maximalfocus / Unsplash
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Les nouvelles mobilités urbaines induisent des modifications dans l’emploi de la ville et la distribution des activités.

LUMIÈRE À LA DEMANDE

Ainsi, le trio photonique / interaction lumière-matière / numérique a permis de mettre à disposition la lumière à la demande : émission de photons ; contrôle de leur couleur par les interactions lumière- matière ; dosages en intensité ; et, au final, maîtrise de l’éclairage. À l’inverse, les avancées sur les sciences du vivant étant également très nombreuses, « nous savons décoder les effets positifs ou délétères de la lumière, à l’échelle de nos organismes, des sociétés humaines ou, encore, des autres populations ou communautés du vivant (au sens de l’écologie). » Par ailleurs, il convient de souligner le fait que cette nouvelle lumière consomme remarquablement moins d’énergie que son aînée, notamment son aïeule : le filament d’Edison. « Elle répond, ainsi, à LA préoccupation majeure du XXIe siècle ; celle de la sobriété dans l’emploi des ressources et des réductions des émissions », poursuit Luc Delattre. Dès lors qu’ils font sens au niveau économique, mais aussi à celui de ce qui nous est commun à tous (santé, éducation, patrimoine culturel…), les usages de cette lumière à la demande peuvent être saisis par un nombre très important d’acteurs de la société, de métiers, de secteurs économiques, culturels. L’abaissement des coûts, l’appropriation des bonnes pratiques au niveau de la santé humaine et de l’écologie, ou encore les opportunités pour la création vont poursuivre le développement de la production de la lumière à la demande adaptée aux usages. « Sur le plan scientifique, cela suppose de continuer à travailler sur les effets de la lumière : en architecture, dans nos espaces de vie, sur l’humain, sur le vivant », estime le vice-président « Innovation » du Cluster Lumière.

LA VILLE, LIEU D’OPPORTUNITÉS

Pour les humains dans les sociétés contemporaines, cette recherche d’opportunités, économiques et sociales principalement, représente « un facteur majeur de l’accroissement de l’urbanisation observé sur l’ensemble de la planète ». Aussi, la démarche consistant à faciliter les activités et les interactions au sein des villes, répond à une volonté politique urbaine majeure. « Durant les années 70, cette volonté a motivé le tout automobile. À présent, elle motive également les investissements consentis par les collectivités dans les réseaux de transport en commun. »

Les nouvelles mobilités urbaines, et la façon dont elles seront déployées, vont refaçonner l’emploi fait de l’espace public mais, aussi, la distribution des activités dans la ville. Ce mouvement est déjà à l’œuvre sans que l’on sache ce qui va l’emporter entre les véhicules à la demande, les véhicules partagés, les véhicules motorisés ultra- légers ou la robomobilité. Un autre mouvement fort à l’œuvre est celui de la place plus forte donnée au vivant en ville : faune et flore reconquièrent les espaces urbains (et symétriquement les espaces urbanisés s’étendent au sein des espaces ruraux) ; cette intrication des milieux nous rend les villes plus vivable (en prenant l’exemple de la réduction des îlots de chaleur), mais nous oblige en contrepartie dans la gestion des espaces : gestion de l’éclairage des espaces, gestion de l’eau, etc.).

« Toujours dans le champ des interactions, l’année 2020 nous a significativement projetés dans l’univers numérique. Au-delà des conférences Zoom, nous sommes aujourd’hui plongés dans un monde hybridé, virtuel/ réel, dans lequel le virtuel prend toujours plus de place », confirme Luc Delattre, en considérant que « ces dynamiques vont déplacer l’usage qui est fait de l’espace et celui qui est fait du temps ».

Ces différents registres conditionnent notre qualité de vie en ville. La qualité de la vision politique de ces enjeux est déterminante, puisque l’on aménage pour des périodes longues durant lesquelles « on commet réussite ou bêtise ». Les principaux écueils ou, a contrario, facteurs de réussite, ne sont pas que techniques. Ils restent traditionnels : la vision politique, la contrainte des ressources des collectivités (aggravée sous l’effet de la crise), la difficulté à faire société autour de ces questions.

Ces évolutions fortes constituent néanmoins sur le moyen terme de formidables opportunités pour le monde de l’éclairage : la demande évolue et se complexifie, mais du coup crée un appel aux solutions innovantes.

© Jan Huber / Unsplash
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Il faudrait mieux associer, aussi souvent que possible, frugalité et nouvelles technologies. En effet, compter les consommations et les émissions, devient nécessaire pour les limiter

ALLIANCE ENTRE FRUGALITÉ ET TECHNOLOGIES

Maquette numérique et process de fabrication des objets, depuis les plus simples aux plus complexes sont désormais toujours plus associés : avions (précurseurs), automobile, bâtiment, objets du quotidien. Cette association permet d’aller vers des biens aux caractéristiques à la demande, spécifiés dans le cadre virtuel et fabriqués pour assurer un rendu particulier. En miroir, l’intérêt de la lumière à la demande est renforcé, puisqu’elle active les rendus recherchés. Cette boucle est bien susceptible de reconditionner nos espaces de vie, mobilier.

« Innover est aussi devenu un impératif afin d’accélérer, l’indispensable transition écologique », poursuit Luc Delattre. La pandémie, générée par la Covid-19, a montré comment les crises peuvent nous forcer à la frugalité en arrêtant la consommation. Il nous faut être volontariste pour ne pas se laisser imposer l’agenda par des crises. « Toutefois, c’est difficile tant notre économie du XXe siècle est carbonée dans chacun de ses compartiments et que nous considérons cela comme étant normal. » Cependant, les nouvelles mobilités illustrent l’alliance possible entre la frugalité et les technologies : par exemple, via une appli, débloquer l’usage d’une trottinette qui nous fait circuler en ville à 15 ou 20 km/h, ce qui correspond à la vitesse moyenne de circulation automobile en ville, pour une puissance électrique de seulement quelques centaines de watt de puissance. « L’éclairage représente un autre exemple puisque les nouvelles solutions permettent de disposer d’un éclairage équivalent aux anciennes pour une puissance électrique divisée par 10. » Et Luc Delattre de souligner que, « personnellement, je pense qu’il faudrait mieux associer, aussi souvent que possible, frugalité et nouvelles technologies. En effet, compter les consommations et les émissions, devient nécessaire pour les limiter ».

LA TRANSITION PAR LES JEUNES

L’usager reçoit continûment des injonctions parfaitement contradictoires. Il est invité, tout à la fois, à faire attention à sa santé et à consommer des milliers de kilocalories au quotidien… Les économistes, les psychologues, les ergonomes nous apportent des conseils à ce propos, mais nous ne les écoutons pas vraiment ! Pour nous motiver, il convient, certainement, de réunir un ensemble d’autres facteurs : le prix, la facilité de mise en œuvre, une conformité à des valeurs, un caractère désirable. Un des grands facteurs de transition est générationnel, et il nous appartient de l’écouter. « Dans une large proportion, les jeunes générations ont, quant à elles, vraiment envie de bouger. Leur confier des leviers permettrait d’accélérer les transitions. »

JD

1 Luc Delattre dirige, par ailleurs, la Recherche à l’ENTPE (École nationale des travaux publics de l’État)

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