La coopération entre acteurs de l’éclairage et de la biodiversité est fondamentale

Il ne s’agit plus aujourd’hui d’opposer les professionnels de l’éclairage et les biologistes ou d’opposer les intérêts humains et les enjeux environnementaux. Il s’agit de mieux comprendre et mieux anticiper les effets de l’éclairage sur la biodiversité afin de proposer des solutions adaptées aux besoins de toutes les espèces vivantes. Une équipe conduite par Florian Greffier, responsable de l’unité « Éclairage et lumière » du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), l’explique.


Travaux en cours sur Nantes Métropole où le Cerema a mis en place un classifieur automatique de luminance zénithale (lumière émise directement vers le ciel) à partir d’une orthophoto aérienne nocturne.

Les technologies d’éclairage évoluent très vite, offrant une myriade de nouvelles possibilités, de perspectives d’économies, de nouveaux usages, etc. Si vite que l’évaluation de leurs effets sur la biodiversité ne peut suivre en temps réel, celle-ci étant contrainte aux rythmes biologiques des espèces, sur une, voire plusieurs années, et au temps d’une évaluation scientifique rigoureuse (trop peu nombreuses). « Dans ce contexte, une coopération plus étroite entre les acteurs de l’éclairage et de la biodiversité apparaît donc comme fondamentale », considère Florian Greffier, en soulignant que plusieurs projets portés par exemple par des métropoles (Nantes, Lille…), et dont certains sont accompagnés par le Cerema, montrent qu’elle s’initie. « Elle devra devenir incontournable dans les années à venir. »

Photos © Cerema
Photos © Cerema

UN ÉCLAIRAGE UTILE, MAÎTRISÉ ET RESPONSABLE

Partant du principe simple que l’éclairage artificiel n’est par essence pas « naturel » et de fait induit une modification de l’environnement nocturne, un certain nombre de règles basiques peuvent s’appliquer. Ceci quelle que soit la technologie considérée, pour réduire les effets négatifs et permettre une cohabitation nocturne plus harmonieuse entre l’Homme et les autres êtres vivants, dans une période où la biodiversité est particulièrement menacée. « Ces règles, qui répondent aussi à d’autres enjeux comme la sobriété énergétique, se fédèrent autour de la notion d’éclairage utile, maîtrisé et responsable », poursuit Florian Greffier. Définissons ces trois qualités :

  • utile pour éclairer où c’est nécessaire et quand c’est nécessaire, avec une qualité et une quantité de lumière ajustées. L’éclairage utile est un consensus entre des besoins réels (sécurité, déplacement, économie, artistique, etc.) et la réduction de l’impact des activités humaines sur la faune et la flore. « L’acceptabilité sociale d’un éclairage sobre sera un levier primordial pour défendre ce consensus. » maîtrisé en se basant sur la connaissance du parc d’éclairage existant et de ses performances effectives, des besoins actuels et futurs en équipements ainsi que des enjeux énergétiques et structurels. Il convient aussi de disposer d’une vision élargie des enjeux de biodiversité sur le territoire, et au-delà de son périmètre (notamment les corridors de déplacement des espèces nocturnes). Ce diagnostic « global » offre ainsi une sectorisation de l’éclairage et une hiérarchisation des investissements ad hoc. Il permet de tenir compte ici d’une zone à enjeux forts pour une espèce patrimoniale, et là d’une zone piétonne particulièrement fréquentée, afin de proposer par secteur des typologies d’éclairage, des spectres de source, des puissances, des plages horaires adaptées, etc., « permettant de répondre aux enjeux d’usage » ;
  • responsable quant aux actions menées aujourd’hui et leur impact sur les années à venir. Le besoin de compétences et de formation des acteurs autour de l’éclairage reste un enjeu d’actualité, notamment devant le nombre encore trop important de projets aberrants bien que très récents.

EXPERTS EN ÉCLAIRAGE ET BIODIVERSITÉ

Remerciements à l’équipe constituée autour de Florian Greffier (Cerema Ouest/Angers) pour la rédaction de cet article. À savoir : Paul Verny, responsable de la mission « Éclairage, maîtrise de l’énergie et des nuisances » (Cerema Méditerranée/ Aix en Provence) ; Samuel Busson, chargé d’études « Biodiversité et foncier » (Cerema Méditerranée). Deux contributeurs du Cerema Ouest/Nantes se sont joints à eux : Jean-François Bretaud et Christophe Pineau, respectivement chef de projet « Biodiversité » (référent TVB) et chef de groupe « Ingénierie écologique ».


PROCHE DU BESOIN DES TERRITOIRES

La prise de conscience de l’incidence de l’éclairage artificiel sur les organismes vivants, qu’ils soient animaux ou végétaux, est assez ancienne, mais n’est entrée réellement dans le débat public que récemment.

Pour répondre à cet enjeu, l’État se dote progressivement d’outils législatifs (loi biodiversité de 2016) et réglementaires (arrêté sur les nuisances lumineuses de 2018) afin de veiller à la sauvegarde et à la protection de l’environnement nocturne.

Sans attendre ces prescriptions, et par sa volonté d’être au plus près des besoins réels des territoires, le Cerema œuvre depuis plusieurs années à promouvoir un éclairage raisonné. Cette volonté se traduit, au quotidien, par l’alliance des compétences des experts éclairage et biodiversité du Centre dans le cadre de ses partenariats avec les collectivités territoriales.


NE PAS REGRETTER DEMAIN CE QUI EST FAIT AUJOURD’HUI

« On assiste à une très vive accélération des rénovations des éclairages qui va ensuite figer la situation pendant 20 ans », conclut Florian Greffier. Selon lui, il existe un risque fort de regretter certains choix faits aujourd’hui, soit par mauvaise habitude et des pratiques hors d’âge, soit par manque de compétences, ou encore par des technologies dont on ne maîtrise pas les impacts sur le milieu vivant par manque de connaissances scientifiques.

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