REGARDS CROISÉS AUTOUR DE L’ÉCLAIRAGE
Le 21 septembre dernier, en ouverture des Journées Nationales de la Lumière (JNL 2023) de l’AFE (Association française de la lumière), Gaël Obein, président de l’association, et Julien Arnal, président du Syndicat de l’éclairage, se sont livrés à un échange autour de « la lumière pour voir et vivre ensemble », et tendre vers un avenir gagnant.
À partir des événements ayant marqué l’année 2022 (guerre, crise énergétique, flambée des prix, exigences de sobriété…), d’indigentes réponses ont été hâtivement apportées. « Un véritable sauve-qui-peut, associé à un début de panique, s’est manifesté », souligne Gaël Obein. Au sein du secteur, l’éclairage public a principalement été concerné, de brutales actions « on/off », sans consultation des administrés et des élus, s’y étant multipliées. « Pour autant, afin de voir le bon côté des choses, nous avons choisi de vivre cette période comme une expérimentation », positive le président de l’AFE.
Le secteur de l’éclairage a ainsi pris conscience que la lumière intrusive et excessive créait du mécontentement. Par ailleurs, la quiétude de la ville a été appréciée, la prise en compte de la biodiversité s’est développée et, en résumé, « nous pouvons mesurer le retour d’un certain bon sens paysan collectif », se félicite Gaël Obein. En revanche, « la multiplication des extinctions a aussi favorisé le retour du sentiment d’insécurité, surtout pour les personnes vulnérables », tempère Julien Arnal. De plus, les déplacements nocturnes des professionnels ainsi que les interventions de services de police et d’urgence se sont avérés moins pratiques. Finalement, ces mesures ont-elles réellement créé des économies globales ?
« Ce n’est pas certain », estime Gaël Obein, tout dépendant de la performance des installations. « Mais cette période a permis de confirmer leur niveau de vétusté et, par ailleurs, que nous n’étions pas prêts à faire face à de telles crises. »
Lors des JNL qui se sont tenues à Orléans, Julien Arnal, président du Syndicat de l’éclairage et à droite Gaël Obein, président de l’Association française de l’éclairage.
DES NORMES INADAPTÉES
Pour Julien Arnal, il convient, sereinement, de « repartir du besoin » sans tabou ni dogme au niveau de l’allumage, de l’extinction, des niveaux d’éclairement, des horaires… « L’essentiel est d’éclairer juste au bon niveau, au bon endroit et au bon moment. » D’autant plus que la perception des usagers a évolué, la notion d’être bien éclairé étant de plus accentuée par un ressenti individuel. « Le mieux étant de rechercher un compromis par la concertation, arbitré par la normalisation », considère Gaël Obein.
Cependant, constate Julien Arnal, « les normes ne sont généralement plus adaptées et manquent d’agilité, les technologies et les professionnels s’adaptant plus rapidement qu’elles, notamment au niveau de la sobriété énergétique ». Et de regretter que, dans ce monde normatif, nous pâtissions d’une « arrière-garde » considérant que « c’était mieux avant ». On apprécie les sachants ! Mais on aime également l’agilité et le pragmatisme des professionnels. Par ailleurs, concernant l’important marché portant sur la rénovation des parcs d’éclairage (90 % en tertiaire ; 70 % en éclairage public), la vitesse de rénovation annuelle reste trop faible (entre 1,5 % et 3 %). « Il faudrait la tripler », plaide Julien Arnal.
LES SOLUTIONS EXISTENT
Les solutions technologiques existent pour rendre les installations performantes, durables, confortables, pilotables et diffusant une lumière de qualité. « On a tout à gagner », poursuit Gaël Obein (de 50 à 80 % d’économies d’énergie ; mise en conformité avec les différentes réglementations). « Et surtout grâce au pilotage des installations, l’adaptation temporelle et spatiale », cette dernière permettant de hiérarchiser les espaces, appréhender les volumes et sécuriser les zones dangereuses… tout en mettant en valeur le patrimoine de façon scénographique. Qui plus est, la technologie LED permet de mieux maîtriser la lumière intrusive par le travail au niveau des faisceaux lumineux.
FINANCEMENTS ET RECHERCHES
Pour développer les opérations de rénovation, les soutiens de l’État se multiplient (fonds vert, crédit d’impôt…). « Mais cela ne suffit pas », estime Julien Arnal. « Il faut également bénéficier du soutien de l’État et de l’Europe pour financer la recherche en amont et actualiser nos connaissances », poursuit Gaël Obein. Ce à deux niveaux : en extérieur, en étudiant l’impact de la lumière sur la biodiversité (spectres, niveaux et bonnes pratiques) ; en intérieur, en privilégiant l’uniformité, l’IRC, l’indice de confort et de bien-être (importance des effets non visuels de la lumière), tout en continuant à développer les critères de sécurité. « De plus, l’ensemble de ces travaux serait vain si les concepts développés n’étaient pas prolongés par une recherche appliquée conduite par la filière éclairage », souligne le président de l’AFE, en considérant, par ailleurs, que « cette recherche opérationnelle nécessite un cercle vertueux ». En effet, un réinvestissement de la chaîne de valeur est indispensable afin de « viser une double amélioration : d’une part, celle des performances des sources ; d’autre part, celle de l’efficacité des luminaires et des optiques ».
ÉDUQUER POUR EN FINIR AVEC LA DISTORSION
« Aujourd’hui, en France persiste une distorsionentre ce qui est préconisé et installé », regrette le président du Syndicat de l’éclairage, à condition que « le maître d’ouvrage puisse avoir accès à une belle lumière, au bon prix ». Malheureusement, dans notre pays, trop souvent l’éclairage représente la variable d’ajustement au détriment de la qualité. « À l’inverse, chez nos voisins, le contrôle, la culture de la qualité et l’état d’esprit sont différents », constate Gaël Obein. Afin de faire évoluer les mentalités dans notre pays, « il convient d’éduquer, à la fois, les maîtres d’ouvrage et le public ». Avec quels objectifs ? D’une part, privilégier les approvisionnements vers des fabricants vertueux. D’autre part, « apprendre à acheter une lumière appréciée des usagers, au niveau de sa qualité, des exploitants, au niveau de sa consommation électrique, et durable », résume Julien Arnal, en conseillant, qui plus est, de favoriser les entreprises locales pouvant maintenir ou créer des emplois et investir en R&D.
VERS UN AVENIR GAGNANT
« Il faut être positifs, opportunistes et sérieux », plaident les deux présidents pour tendre vers un avenir quadruplement gagnant au profit de l’éclairage et l’énergie, de la biodiversité et du développement durable, de l’industrie et de l’emploi et de l’indispensable recherche. « Car, concluent-ils, une recherche forte génère une industrie forte. »
Jacques Darmon