Colmar pérennise le vidéo-mapping sur l’espace urbain

APRÈS 20 ANS DE PLAN LUMIÈRE

Dans l’édition 300 de LUX1, a été présentée la solution Concept Light mise en œuvre à Colmar. À savoir une application clés en main « lumière / son / vidéo » permettant de réaliser des projections vidéo-mapping. Revenons sur la genèse de la mise en lumière de la ville alsacienne qui, à l’initiative de son maire, Gilbert Meyer, remonte à plus de 20 ans. Après deux décennies d’évolution du Plan Lumière, conçu à l’époque par Jean-François Arnaud et Duilio Passariello, Gilbert Meyer souhaite, à présent, proposer « d’autres créations » aux habitants et nombreux touristes. D’où le recours à la technique du vidéo-mapping.

© Vialis

Noël 1997 : sur proposition de l’Office du tourisme, alors présidé par Richard Riehm et toujours dirigé par Hubert Niess, en partenariat avec RMC (Régie municipale de Colmar)2, Gilbert Meyer, maire de la ville alsacienne, inaugure une première en France : l’utilisation du réseau câblé au niveau de la valorisation nocturne et touristique du patrimoine architectural et culturel par les illuminations. Déjà, Concept Light, en collaboration avec Egide Concept, avait conçu les systèmes de gestion dynamique de la lumière.

À présent, six marchés de Noël constituent autant d’étapes lumineuses pour cheminer, le soir, au cœur de la ville en y découvrant ses richesses patrimoniales. « Le patrimoine reste vivant quand il nous enseigne comment s’enrichir de notre passé pour préparer l’avenir », anticipait déjà Gilbert Meyer3, décidé à présent de renouveler, le printemps venu, l’attractivité des marchés… de Pâques. Mais pas seulement. Car les retombées économiques sont probantes : depuis 2000, décembre enregistre le plus grand nombre de nuitées hôtelières.

Le marché couvert de Colmar et ci-dessus le pittoresque quai de la Poissonnerie. La valorisation du patrimoine de la Ville de Colmar passe par une mise en lumière événementielle initiée dès 1997. Aujourd’hui, la technologie permet d’utiliser le mapping de façon pérenne sur des bâtiments historiques.



Deux exemples de vidéo- mapping événementiels mis en place en 2018, notamment à l’occasion de Noël.

Pour le concepteur lumière, le vidéo- mapping nécessite la connaissance des technologies digitales et multimédia ainsi que la maîtrise des logiciels de création et de montage vidéo.

Emmanuel Breysse, Vialis

DE RETOUR DE CÔME

C’est à Côme, en Italie, que, fin 2017, Gilbert Meyer a découvert une nouvelle inspiration. En complément de la valorisation du patrimoine par la lumière, développé dès 19974, il décida la conception d’un plan d’animations lumière. Sa volonté ? « Remettre Colmar en référence au niveau de mises en lumière et dynamiser encore plus son attractivité. » Associant éclairage connecté et créations vidéo, son inauguration a été programmée pour Noël 2018. Ce qui a représenté un véritable défi pour Marie-Laure Vonderscher, chef de service « Éclairage » de Colmar, ainsi que pour Gabriel Mertz, directeur « Éclairage et signalisation » chez Vialis, chargé de la maîtrise d’œuvre, et pour Emmanuel Bresse, concepteur lumière, en charge du bureau d’études chez Vialis… sans oublier l’ensemble des intervenants (voir Qui a fait quoi ?). Ce projet, étendu à l’ensemble du centre-ville et à certains quartiers périphériques, a bénéficié d’un financement de 1,98 M€, réparti sur 2 ans. Réalisé avec la participation de l’État dans le cadre du plan « Action cœur de ville », il a également bénéficié de mécénat.

DE NOMBREUSES QUESTIONS

« La maturité technologique des vidéoprojecteurs à laser LED et leur durée de vie, dépassant les 20 000 heures, permettent, aujourd’hui, d’imaginer des applications architecturales et pérennes adaptées aux techniques du vidéo-mapping. » Pour Emmanuel Breysse, le vidéo- mapping, jusqu’alors réservé aux spectacles majestueux de son et lumière, « peut se transposer aux installations pérennes et remplacer l’approche traditionnelle de l’éclairage architectural ». Toutefois, ajoute-t-il, « la pérennisation dans l’espace public de ce type d’intervention pose de nombreuses questions ». En premier lieu, celles relatives à l’image dans l’espace public. Quelle est sa légitimité sur les monuments ? Comment contrôler cette nouvelle destination imposée aux surfaces de la ville ? Comment appréhender la rencontre entre une image moderne et un bâtiment déjà chargé d’histoire ? Comment donner du sens à la confrontation de ces temporalités ? Quelle identité donner à la ville sur des images de bâtiment détournée par la projection ? « Se pose également la question du rapport au temps », poursuit Emmanuel Breysse. En effet, le rythme, le partage d’une expérience collective unique et temporaire, la vitesse des animations, la répétition des séquences, leur durée, l’excès d’images représentent autant de problématiques nouvelles introduites par ce média.

En s’inspirant des réalisations spectaculaires de vidéo-mapping événementiels, de leurs technologies et de leur processus de fabrication ainsi que des ressorts créatifs, Vialis s’interroge à propos des nouvelles opportunités offertes par ces techniques.

« En complément de notre plan d’animation lumière, nous avons imaginé un dispositif accompagnant les événements de la ville sans que le vidéo-mapping constitue à lui seul le spectacle, les attentes du public n’étant pas les mêmes. » Et d’expliquer que les projections créent l’ambiance et le décor en accompagnement d’animations touristiques ou d’événements culturels existants : en fin d’année, par exemple, l’illumination par vidéo-mapping de près de 14 bâtiments répartis dans la ville renforce la féerie de Noël et de ses marchés traditionnels. « Le vidéo-mapping devient alors un média d’art décoratif, un art appliqué à la ville, à son échelle, avec la dimension majestueuse des images panoramiques. »

Dès 1997, la maison Pfister, bâtie en 1537, a bénéficié d’une valorisation par la lumière.


QUI A FAIT QUOI ?
MAÎTRE D’OUVRAGE
Ville de Colmar
MAÎTRE D’ŒUVRE
Vialis
CRÉATEUR D’ANIMATION VIDÉO
Vialis
FOURNISSEUR PROJECTEURS
Concept Light (Panasonic – SGM –
PR Concept Light)
FOURNISSEUR ENVELOPPES
Concept Light
FOURNISSEUR AUTOMATES
Concept Light (Crestron)
ENTREPRISE GÉNIE CIVIL
Toregrossa
ENTREPRISE ÉLECTRICITÉ ET INSTALLATION
90 % Eiffage ;
10 % Vigelec SAG
SERRURERIE, LUMINAIRE
Chrysalis, VHM

UN CHAMP CRÉATIF INFINI

À Colmar, les projections illustrent plusieurs thèmes tout au long de l’année. Citons notamment : Noël, le printemps, la fête de la musique et, le 10 juillet… l’arrivée du Tour de France. Selon l’événement, les animations projetées décorent les bâtiments suivant des motifs tantôt figuratifs et ludiques, tantôt suggestifs et poétiques. « Au travers de lentes transitions, chaque bâtiment se transforme tour à tour en écran support d’illustrations ou en joyau d’architecture avec ses singularités soulignées par des effets d’éclairage. » Le champ créatif s’ouvrant au concepteur lumière est infini, mais les oblige à des compétences plurielles telles que les arts graphiques, l’animation 2D et 3D, la captation vidéo, la mise en scène et l’invention de scénarii. De plus, « la forme, la qualité de la composition au sens pictural, les contrastes de couleur, la vitesse des animations et le style graphique deviennent des préoccupations nouvelles », estime Emmanuel Breysse, pour qui le message et l’intention artistique deviennent essentiels, notamment au niveau de la relation entre le bâtiment « support » et l’image.

Le développement du vidéo-mapping, au niveau des applications pérennes en éclairage architectural, offre donc de nombreuses opportunités en apportant une modernité indéniable. Opportunités qui ne sont toutefois pas dépourvues de limites et de risques, comme énoncé ci-dessus, « que le concepteur doit avoir à l’esprit », conclut Emmanuel Breysse.

1 LUX 300, janvier-février 2019, p. 92 et 93.

2 Le 1er janvier 2000, la RMC adopte le nom commercial de Vialis : « VI », la vie de ses clients particuliers et industriels ; « AL », les deux premières lettres d’Alsace ; « IS », comme concept de service.

3 En 2004, date de l’ouverture des marchés de l’énergie, la régie municipale prend le statut de SAEM. Depuis le 1er janvier 2017, date de la fusion de Vialis avec l’UEM de Neuf-Brisach, l’entité compte deux agences : Colmar et Neuf-Brisach.

4 Voir LUX 196, février 1998, p. 36 à 38.

5 Depuis lors, les installations « traditionnelles » ont été régulièrement maintenues et progressivement rénovées avec des équipements LED… ce qui a obligé à en revoir le pilotage.

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