En réponse à la question « Comment, dès à présent, servir les éclairages de demain ? » découvrons le point de vue de trois acteurs maîtres d’ouvrage, dont la parole émerge, notamment avec le CCFLed (Club des clients finaux de la LED) : Olivier de Miras, acheteur de la filière « Énergie » d’UniHA1, Nicolas Martin, Lighting manager chez LVMH et Aurélien Rodon, responsable MOE « Électricité Infra » Groupe Aéroport de Paris.
Le monde traverse une crise sanitaire et financière sans précédent. Aussi, au-delà des aspects budgétaires évidents en quoi cette crise modifie-t-elle vos stratégies de conception et d’achat ?
Olivier de Miras Je commencerais par une image : l’impression que nous vivons sous cloche, au rythme de l’épidémie et de la gestion des urgences. Convaincre nos interlocuteurs de l’intérêt d’avoir une politique d’éclairage ambitieuse n’était déjà pas une chose aisée avant la crise ! Les difficultés augmentent donc, et pourtant les atouts de la lumière ne sont plus à démontrer tant pour les patients que les soignants.
Nicolas Martin La crise a principalement été gérée en retardant les investissements, et non en les annulant. Nos modes de conception ne sont donc pas impactées. Cependant, à court terme, nous cherchons à être en communication étroite avec les fournisseurs partenaires : évaluer les risques de faillite ; avoir une politique de paiement les aidant à passer la crise. La notion de solidarité a pris une nouvelle dimension, et s’applique aussi à l’éclairage et aux relations entre acheteurs et fournisseurs.
Aurélien Rodon Le monde de l’aérien est l’un des secteurs les plus touchés. Au-delà de nos modes de conception, c’est l’essence même de nos projets qui est remise en cause. Il faudra concilier coût d’achat, maintenabilité et perspicacité des modes de gestion, acheter mieux pour éclairer mieux !
Interrogeons-nous justement à propos de maintenabilité et de consommation. Comment l’intégration croissante des impacts environnementaux dans vos projets se concrétisera-t-elle ?
NM Ces éléments deviennent des facteurs déterminants de nos choix2 c’est une aberration d’avoir à jeter un spot COB complet au bout de 5 ans !
AR La maintenabilité représente un enjeu majeur, qui doit devenir un critère différenciant dans nos appels d’offres.
Et en termes de gestion ?
OdeM La diversité des protocoles reste difficile à expliquer à nos interlocuteurs. Ils doivent d’abord s’interroger sur ce qu’ils veulent faire de leur éclairage pour que nous puissions leur proposer la meilleure réponse.
AR La manière d’exploiter les espaces doit en effet nous permettre de faire les meilleurs choix sur le mode de gestion… voire son absence !
NM Le spectre est assez large : pour les locaux peu occupés comme les bureaux ou les sites de productions, le pilotage fait gagner plus de 50 % d’énergie. Dans les applications retail, le pilotage se traduit plutôt comme une possibilité de réglage ultime.
Au niveau de vos installations, les appareils d’éclairage servent-ils de support à d’autres technologies ?
NM Pas de « gadget » de ce type côté LVMH, que ce soit e-Beacons ou LiFi !
OdeM Concernant notre dernier appel d’offres, l’appétence pour des « éclairages de demain » s’est avérée très faible puisque les dix hôpitaux concernés ont massivement opté pour des éclairages LED de bonne qualité, sans service additionnel. Nous revenons, ou restons, sur les fondamentaux de l’éclairage.
Justement, comment conserver l’éclairage au centre des projets, puisque vous ressentez le fait qu’ils deviennent plus un moyen qu’une finalité ?
AR Il faut d’abord que les appareils d’éclairage conservent leur rôle premier, à savoir éclairer ; les nouvelles possibilités doivent rester secondaires. Et puis, les métiers primaires de l’éclairage disparaissent et tendent vers l’informatique. Il est indispensable de conserver et développer des formations complètes, qui ne se limitent pas aux nouvelles technologies.
NM Oui, former les créatifs à la culture lumière, pour éviter la surenchère, dans le commerce ou ses nouveaux services.
OdeM Disons que c’est relativement simple si l’on reste focalisé sur l’efficience des équipements avec comme objectif principal des économies d’énergie rapides.
Finalement comment, en tant que MOA / utilisateurs / acheteurs, souhaitez-vous voir l’offre d’éclairage s’adapter à ces besoins ?
OdeM Je pense que nous pouvons résumer nos souhaits en trois points. Tout d’abord, plus de qualité et moins de quantité, ensuite, savoir contrôler ce qui est installé, ce qui rejoint le thème de la compétence et enfin, faire de l’écoconception pour les produits d’éclairage.
NM En effet, la quantité s’avère souvent inutile ! Par ailleurs, le monde de l’éclairage a besoin de formations solides.
1 UniHA : Union des hôpitaux pour les acheteurs.
2 Voir dossier consacré au programme Lighting for Good, LUX 303, septembre-octobre 2019.