Défis spécifiques liés au montage d’un CPE dans un réseau vétuste

Lorsqu’il s’agit d’envisager un contrat de performance énergétique (CPE) dans un contexte où le réseau d’éclairage public est marqué par une vétusté importante, plusieurs interrogations complexes émergent. Peut-on raisonnablement concevoir un tel contrat en prenant pour mesure principale le changement des luminaires à lampe à décharge par des luminaires LED performants, tout en laissant subsister des supports dégradés et une alimentation électrique hors norme ? Cette approche pourrait-elle assurer un retour sur investissement suffisant ?

La simulation technico-économique en prenant en considération les résultats du diagnostic, a fait ressortir un CAPEX pour la suppression totale de la vétusté hors moyens de la ville et surtout hors business model du CPE.

À un certain moment de réflexion, nous nous sommes même interrogés sur l’opportunité de maintenir le projet sous la forme d’un CPE ou de le basculer vers un modèle de gestion simple. L’enjeu principal résidait dans le fait que le business model initial ne permettait pas d’amortir l’investissement global par les seules économies d’énergie. Il devenait nécessaire d’analyser en profondeur les éléments constitutifs du réseau et d’envisager une solution hybride.

Exemple pratique : l’impact des câbles souterrains

Lors du diagnostic, le taux de vétusté des câbles souterrains était particulièrement préoccupant dans la ville en question. Le coût estimé pour remplacer ces câbles, incluant le génie civil (tranchées, fourreaux, câbles électriques, et remise en état des revêtements), s’élevait à environ 500 MAD/ml sur plus de 400 km à rénover. Ce montant astronomique a imposé une révision des priorités.

Trouver un équilibre entre efficacité énergétique et rénovation des équipements vétustes

Face à ces dilemmes, l’abandon du projet aurait pu apparaître comme une solution de facilité. Cependant, la démarche adoptée a consisté à rechercher un équilibre réaliste entre :

  1. Les mesures d’efficacité énergétique, telles que le remplacement des luminaires par des modèles LED performants.
  2. Le renouvellement des équipements vétustes, en identifiant et en priorisant les éléments les plus critiques.

Ce processus nous a conduits à reconsidérer les bases mêmes du projet. Nous avons établi une approche progressive, visant à répartir l’investissement global tout en assurant une modernisation suffisante pour garantir la sécurité, la qualité du service et les économies d’énergie attendues. Mais cela a soulevé une autre question fondamentale : Comment définir la vétusté d’un équipement d’éclairage public ? sachant qu’on n’a pas trouvé une définition normalisée de chacune des composantes d’un réseau d’éclairage public.

Définir la vétusté : une approche adaptée

La vétusté peut être liée à l’âge ou à l’usage des équipements, mais son évaluation doit tenir compte de facteurs techniques, environnementaux et financiers. Voici la définition que nous avons adoptée :

La vétusté désigne l’état d’usure ou de détérioration d’un équipement résultant de l’âge ou de l’usage.

Catégories de vétusté

  1. Vétusté liée à l’usage : Détériorations dues à des facteurs environnementaux (humidité, oxydation), Chocs mécaniques, actes de vandalisme, Maintenance insuffisante ou mal conçue.
  2. Vétusté liée à l’âge : Équipements ayant dépassé les durées de fonctionnement suivantes est considéré comme étant vétuste (*) :
  • Candélabres en tôle noire: ≥ 20 ans
  • Candélabres en fonte d’aluminium: ≥ 30 ans
  • Candélabres en acier galvanisé: ≥ 30 ans
  • Luminaires: ≥ 20 ans
  • Armoires de commande: ≥ 20 ans
  • Câbles souterrains: ≥ 25 ans
  • Câbles aériens: ≥ 20 ans

(*) valeurs spécifiques aux conditions techniques et environnementales de la ville en question

Une approche contractuelle : limiter le taux de vétusté

Pour réduire l’impact de la vétusté, nous avons fixé un objectif : le taux de vétusté ne devrait pas dépasser 8 % à la fin de la phase de remise à niveau et jusqu’à la fin du contrat, de telle sorte qu’on supprime une partie de la vétusté dans délais réduits et on continue de maintenir ce taux sur toute la durée du contrat à travers un plan de renouvellement programmé. Ce chiffre était établi sur la base de :

  • La capacité de financement de la ville,
  • Les besoins techniques et les simulations technico-économiques.

Afin de faire face à la vétusté, nous avons adopté une stratégie progressive, en nous concentrant d’abord sur les éléments ayant un impact direct sur la sécurité et l’efficacité énergétique. Pour y parvenir, nous avons conçu une formule de pondération pour calculer le taux de vétusté global. Cette priorisation de la sécurité et l’efficacité énergétique, est reflétée dans la pondération intégrée à la formule.

Variables de la formule :

  • T.Vg : Taux de vétusté global du parc d’éclairage public,
  • T.V arm : Taux de vétusté des armoires de commande,
  • T.V raér : Taux de vétusté du réseau aérien,
  • T.V rstr : Taux de vétusté du réseau souterrain,
  • T.V lum : Taux de vétusté des luminaires,
  • T.V cad : Taux de vétusté des candélabres.

La formule :

  T.V g=0,02 T.Varm+0,08 T.Vraér+0,15 T.Vrstr+0.55 T.Vlum+0,20 T.Vcad

Cette formule doit impérativement être adaptée en fonction des spécificités techniques et économiques de chaque ville. Les valeurs utilisées ici sont issues d’une expérience particulière et ne sauraient être généralisées sans un ajustement approfondi tenant compte des réalités locales.

Conclusion : Faire face à l’enjeu principal

Cette expérience met en évidence une réalité incontestable : la vétusté est le principal enjeu de la gestion des réseaux d’éclairage public au Maroc. Les aspects énergétiques, environnementaux, esthétiques ou même de la maintenance sont souvent plus faciles à traiter. Mais sans un plan solide pour gérer et réduire la vétusté, ces avancées risquent de rester inaccessibles.

AME – HADAF BENNIS

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