Sur l’île de Porquerolles, au large d’Hyères, la Fondation Carmignac vient d’ouvrir ses portes. Une collection privée d’art contemporain révélée au public par une mise en lumière signée Les Éclaireurs qui ont déjoué la situation en sous-sol des salles d’exposition en y faisant pénétrer la lumière naturelle ou en l’imitant. Intégration, discrétion et souplesse d’évolution ont été les maîtres-mots de ce projet à bien des égards hors-norme.
MISE EN LUMIÈRE ARTIFICIELLE ET NATURELLE DE LA FONDATION CARMIGNAC |
MAÎTRISE D’OUVRAGE Fondation Carmignac CONCEPTION LUMIÈRE Les Éclaireurs – Lucas Goy et Aurélien bourg SCÉNOGRAPHIE Ducks Scéno ARCHITECTES Marc Barani et GMAA LOCALISATION Île de Proquerolles, Var LIVRAISON Juin 2018 MATÉRIEL Erco, Iguzzini, KKDC, Pharos Control, SPX Lighting, XAL, Zumtobel |
L’île de Porquerolles est un écrin de nature au milieu de la Méditerranée où il est aujourd’hui impossible de construire, Parc Natura 2000 oblige. Lorsque Édouard Carmignac envisage la création d’un musée pour présenter sa collection de Pop Art et plus largement d’art du XXe siècle, l’unique solution qui s’offre à lui est de construire sous la villa de son domaine viticole, creuser le sol. Qu’à cela ne tienne, cette dernière est le temps des travaux soulevée et maintenue sur pilotis. À l’issue de ce chantier insolite, les stratégies mises en œuvre par l’équipe de Ducks Scéno et des Éclaireurs pour éclairer « naturellement » les salles d’exposition en sous-sol brillent par leur ingéniosité.
CAPTER LA LUMIÈRE NATURELLE
Le musée se déploie sur deux niveaux : un rez-de-chaussée et un sous-sol. Les visiteurs sont tout d’abord invités à une « plongée dans la collection » via un escalier à la main courante éclairée, à parcourir la partie inférieure avant de remonter dans les pièces voûtées d’origine, qui supportent la villa. Le parcours est pensé pour varier les expériences de visite, les ambiances, la perception de l’architecture et des œuvres. Sur chacun des niveaux, les salles d’exposition s’organisent selon un plan formant une croix dont le centre est un puits de lumière naturelle sous la forme d’un bassin de 12 mètres par 12 au fond translucide, une lame d’eau de seulement 5 centimètres d’épaisseur. La luminosité qu’il capte se diffuse dans les salles. À l’origine avait été envisagé un miroir sans tain, mais pour l’heure, le fond constitué de plaques de PPMA transparentes soudées entre elles. Mais il devrait bientôt être remplacé par un matériau grisé pouvant diminuer la quantité de lumière de 50 % car l’apport est trop important. Ailleurs, l’éclairage naturel est réduit par des jeux de couleurs (murs peints en bleu notamment), des cimaises, des vitrages spécifiques adaptés aux œuvres ou encore des stores. Pour des raisons de conservation, les 300 lux moyens sont requis et maintenus.
TROMPER L’ŒIL, ÉVEILLER LE REGARD
Les salles de la partie supérieure font l’objet d’une mise en lumière contrainte par la petite hauteur sous plafond et la faible épaisseur du staff qui le recouvre ; ce qui a commandé le recours à des mini projecteurs de vitrines fixés sur rails. Le sous-sol a quant à lui fait l’objet d’un traitement qui joue avec la profondeur des salles, la lumière réelle et l’illusion d’un apport zénithal. « Nous avons voulu créer un jeu de rapport de densité de lumière au centre et à chaque extrémité de cette croix », décrit Lucas Goy des Éclaireurs. Au centre le bassin translucide et au bout de trois des branches, des Barisol rétroéclairés « miment et s’adaptent à la lumière du jour pour s’accorder avec l’espace central du bassin », expliquent Les Éclaireurs. Ils sont équipés de plaques à LED à la température de couleur variant de 2 700 à 6 500 K pilotés en DMX par des contrôleurs Pharos. La gestion de la lumière s’effectue grâce à un système de pilotage Litecom de Zumtobel. En regard de la lumière naturelle, les scénarios reproduisent un lever du jour, le jour puis le coucher de soleil. Sortant de l’ombre dans laquelle elles étaient plongées, ces zones deviennent perceptibles, invitent à les rejoindre. Pour cela, reste à parcourir les longues salles où la qualité de l’éclairage procure une respiration, crée une transition. Ici, l’éclairage général est assuré par des wall washers, tandis que des projecteurs à découpe compensent délicatement cette lumière pour faire ressortir les tableaux des murs.
Par contraste, un équilibre s’instaure. Ces variations lumineuses répondent au souhait du collectionneur d’offrir une expérience qui met le visiteur dans une posture particulière d’écoute et de fragilité. En témoigne l’obligation de parcourir le sous-sol pieds nus.
Lucie Cluzan
En haut à gauche. Pour éclairer la salle voûtée en rez- de-chaussée, des mini-projecteurs sont intégrés au plafond en staff.
En bas à gauche. Le musée s’organise selon un plan en croix. Dans la longueur des branches, l’éclairage assure une transition entre la lumière naturelle du bassin au cœur et les extrémités.
À droite. Le musée en sous- sol est partiellement éclairé naturellement par un bassin central, quelques centimètres d’eau sur des plaques de PPMA.