Signify industrialise l’impression 3D de luminaires

VIRAGE TECHNOLOGIQUE

Signify pose une nouvelle fois un marqueur dans l’histoire de l’éclairage. Le 14 novembre dernier, à Eindhoven, berceau de l’entreprise, l’industriel organisait une journée d’échanges sur « l’innovation technologique au service d’un monde plus durable ». Points forts de ces rencontres : l’avancée du LiFi dans les transports, en particulier avec l’équipementier Latécoère (sujet à découvrir dans le prochain LUX), et la mise en place à une échelle industrielle de l’impression 3D de luminaires.

Une usine de la zone d’activité de Maarheeze, à quelques kilomètres d’Eindhoven (Pays-Bas). Derrière les murs blancs d’un bâtiment marqué du logo Signify, une armée de 450 imprimantes 3D est en ordre de marche. Chacune est équipée d’un caisson transparent qui permet de voir des luminaires « s’imprimer » dans un environnement protégé. Avec la régularité d’une tête de lecture sur un disque vinyle, une tête électronique dépose un filament de polycarbonate couche sur couche pour former le corps texturé et coloré d’un luminaire. Une fois imprimées, ces pièces seront équipées d’un système d’éclairage LED et prêtes à être conditionnées et livrées aux clients, particuliers et professionnels.

L’empreinte carbone des luminaires imprimés en 3D (hormis l’électronique et l’optique) est inférieure de 47 % à celle d’un luminaire métallique produit de manière conventionnelle.

La plateforme en ligne Philips MyCreation propose des luminaires décoratifs personnalisables (forme, texture, couleur…). Une fois la commande passée, elle est livrée dans un délai de deux semaines. Seulement 24 CD recyclés (la matière première) et 1 h 30 ont été nécessaires pour fabriquer cette lampe à poser.

DÉPLOIEMENT MONDIAL

Il aura fallu deux ans et demi pour faire aboutir ce projet industriel. « L’aventure ne fait que commencer », souligne-t-on chez Signify, mais il ne faut pas s’y tromper, le leader mondial de l’éclairage est déjà bien engagé dans la voie : le parc des 450 imprimantes de Maarheeze va accueillir 50 machines supplémentaires, capables d’imprimer des luminaires jusqu’à 60 cm de haut et de large. Un deuxième site a ouvert en janvier à Burlington (États-Unis) ; deux autres sont prévus à Noida (Inde) et Jakarta (Indonésie). Ce déploiement rapide est entrepris dans « une approche dynamique », a expliqué Olivia Qiu, directrice Innovation : chaque site sera adapté à la demande locale, en nombre et en taille d’imprimantes comme en offre catalogue.

RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

Ce changement radical de process industriel offre des possibilités que les techniques conventionnelles ne permettaient pas. L’impression 3D de luminaire est lancée à partir d’un « simple » fichier numérique du produit, sans étape de prototypage. « Cela permet de modifier, de personnaliser et d’adapter le design aux contraintes d’un projet très facilement, rapidement et sans investir lourdement », a souligné Olivia Qiu. Le sur-mesure, produire à l’unité ou en petite quantité devient financièrement abordable. « Les imprimantes fonctionnent 24/7 sans qu’il soit nécessaire d’atteindre un certain volume de commande pour lancer une fabrication, ajoute-t-elle. On ne parle plus de la production en mois mais en semaines. »

Pour les designers, qui vont tenir un rôle important dans le développement des catalogues sur les différents territoires grâce à leur connaissance de la culture locale, le « design digital » est une tout autre façon de concevoir : « On ne peut pas copier ce que l’on faisait de manière conventionnelle, a expliqué le directeur de l’usine de Maarheeze. Les imprimantes peuvent fabriquer plusieurs pièces en une seule, ce qui évite des soudures, simplifie et accélère le process, réduit aussi le coût d’assemblage. Il faut adapter la conception à l’impression 3D, tout en respectant le positionnement qui est le nôtre : une offre de luminaires fonctionnels pour un marché de masse, ce qui induit la réplicabilité du design et un prix abordable. »

ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Seul le polycarbonate est utilisé par les imprimantes à ce jour, mais « d’autres matériaux réutilisables et présentant un intérêt esthétique sont à l’étude », a reconnu Olivia Qiu. Ce choix du polycarbonate n’est pas un hasard : il répond à la politique d’économie circulaire menée depuis plusieurs années par Signify qui vise la neutralité carbone en 2020. Ce matériau provient – pour le  site de Maarheeze – de CD collectés partout en Europe par une entreprise allemande de recyclage. Très résistant, recyclable à 100 %, il est aussi beaucoup plus léger que le métal, ce qui permet de réduire de 35 % les émissions de carbone des livraisons par transport maritime. Il n’est utilisé qu’au juste nécessaire ; il n’y a pas de « chutes » dû à une découpe. Ce matériau associé à un process qui consomme moins d’énergie permet au leader mondial de l’éclairage d’annoncer une empreinte carbone des luminaires imprimés en 3D (hors électronique et optique) inférieure de 47 % à celle de luminaires métalliques produits de manière conventionnelle.


L’enseigne britannique Marks & Spencer est en train d’équiper ses magasins du Royaume-Uni de « milliers » de spots sur rail imprimés en 3D. Ils ont été conçus de manière à se positionner exactement en lieu et place des précédents, simplifiant la mise en œuvre et « préservant » le plafond technique. Une économie à l’installation qui rend l’impression 3D très compétitive malgré le prix un peu plus élevé des luminaires, selon Oliver Knowles, responsable R&D division Immobilier du groupe. L’enseigne pourra retourner les luminaires en fin de vie à Signify. Le polycarbonate sera fondu et réutilisé pour modifier et actualiser le design.


Le parc des 500 imprimantes 3D de Maarheeze, aux Pays-Bas, servira bientôt toute l’Europe, particuliers et professionnels. Ce site pilote a permis à Signify de préparer le déploiement des trois autres sites de production : aux États-Unis, en Inde et en Indonésie. Un investissement qui marque l’engagement de l’industriel dans l’économie circulaire.


STOCK DIGITAL

Moins visible mais également spectaculaire est le changement qui s’opère au niveau de la gestion des stocks : pourquoi entreposer des pièces fabriquées à l’avance quand on peut les imprimer en quelques heures sur commande. « L’impression 3D limite les risques liés à la production anticipée et au stockage de pièces qui pourraient devenir obsolètes, a résumé le directeur de l’usine de Maarheeze. Du stock physique nous passons à un stock digital disponible partout dans le monde. Si une de nos usines située à des milliers de kilomètres a besoin d’un luminaire qu’elle n’a pas dans son portfolio, il suffira de lui transférer le fichier électronique correspondant pour qu’elle puisse l’imprimer. » Conséquence : ce mode opératoire est devenu « entre 50 et 70 % digital », selon lui, et c’est « toute la chaîne d’approvisionnement qui doit être repensée », a complété Olivia Qiu… avec, on le devine, des économies financières à la clé.

VENTE EN LIGNE

Parallèlement à son offre professionnelle, Signify a mis en place la plateforme web mycreation.lighting.philips.com  destinée au grand public mais aussi aux petits commerces, hôtels-restaurants… avec une offre de luminaires décoratifs personnalisables. Une fois commandés, ils sont livrés sous deux semaines. Une nouvelle concurrence pour les magasins de luminaires ? Signify, qui envisage des partenariats avec des distributeurs français, comme Rexel et Sonepar, mais également d’autres revendeurs, s’en défend : « Face à la concurrence d’Internet, les commerces physiques doivent se réinventer et s’interroger sur ce qui est pertinent et va faire venir les clients dans les magasins. À partir d’un espace dédié dans un magasin, on peut imaginer un nouveau service visant à conseiller et à accompagner les clients dans le choix de leur luminaire grâce à la plateforme en ligne. » Précisons que les livraisons ne sont actuellement effectuées qu’aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne. Pour les autres marchés européens, elles seront « ouvertes » dans le courant de ce premier trimestre 2020.

Pascale Renou

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