« La lumière est au cœur des préoccupations des architectes »

GILLES GOIX

Aéroport Paris-Orly

Se référant à Le Corbusier, pour qui « l’architecture représente le jeu magnifique et savant des volumes assemblés sous la lumière », Gilles Goix, architecte principal au sein du Groupe ADP, considère que l’association lumière artificielle/lumière naturelle apporte une réponse optimale tant au niveau des économies d’énergie que du confort et de l’expérience des différents usagers de l’aéroport. En créant des « standards ADP », en partenariat avec vogtpartner, a été définie « une signature lumineuse cohérente entre les différents espaces ».

Dans tous nos projets, nous nous efforçons de travailler le plus en amont possible les espaces et leur mise en lumière. » Cette démarche, explique Gilles Goix, permet de détailler les documents de consultation des entreprises et de nos sous-traitants afin de mettre en place un processus le plus efficace possible durant la phase de réalisation des ouvrages.« Au niveau de certains points sensibles ou suite à l’apparition de modifications sur un projet, il est parfois nécessaire de faire des essais d’éclairage in situ. » Ce- la a été le cas pour la mise en valeur du mur d’eau installé derrière les contrôles de sûreté de l’aérogare Orly 3. Suite à des simulations numériques effectuées par les éclairagistes de l’agence ON, il a été nécessaire de réaliser un prototype à l’échelle 1. « Ce n’est que sur site que les derniers ajustements ont été réalisés. » L’ingénierie du Groupe ADP dispose également de nombreux outils numériques, permettant de faire des simulations avec des visions réalistes de chaque séquence afin d’explorer les différents champs du possible.

Aéroport Paris-Orly

À L’ORIGINE, UN SDAL

Une efficace collaboration est aussi établie avec des éclairagistes et des experts tel le professeur Marc Fontoynont1 qui possèdent, à la fois, une connaissance scientifique et une approche sensible de la lumière. Par exemple, depuis une dizaine d’années, le Groupe ADP s’est doté d’un schéma directeur des ambiances lumineuses (Sdal). Conçu avec les éclairagistes de vogtpartner et ses partenaires (voir p. 21), ce schéma a per- mis de définir différentes séquences de mise en lumière sur les espaces des aérogares. « En créant des standards ADP, nous avons pu définir une signature lumineuse cohérente entre les différentes installations », poursuit Gilles Goix, en ajoutant que les guides constituant le Sdal sont remis à jour en fonction de l’arrivée de nouvelles technologies. « Comme cela a été le cas avec le déploiement des LED et leurs possibilités de gradation. »

ASSURER LA COHÉRENCE ENTRE LUMIÈRES NATURELLES ET ARTIFICIELLES

« Architecturalement, nous travaillons la lumière pour la rendre la plus confortable possible pour nos passagers et personnel d’aéroport, mais aussi pour marquer des lieux et proposer des expériences singulières comme cela peut exister en centre-ville, poursuit Gilles Goix. De par sa taille, le futur Terminal 4 qui devrait être construit à Paris-Charles de Gaulle s’y prêtera puisqu’il aura des dimensions comparables à celles d’un véritable quartier urbain. » Le développement et l’aménagement à long terme de l’aéroport doivent permettre de répondre à la croissance du trafic aérien, attendue au cours des 20 prochaines années.

« Avec le projet du Terminal 4, notre ambition environnementale est extrêmement forte, poursuit-il. Les lumières naturelles et artificielles y seront traitées comme l’un de ses éléments fondateurs. » À partir de ce concept de base, sont recherchées :

  • d’une part, une grande autonomie lumineuse permettant de diminuer les puissances électriques consommées, tout en bénéficiant d’une conception bioclimatique des enveloppes dans laquelle les apports solaires seront maîtrisés et filtrés. En effet, à chaque fois que l’on fait rentrer de la lumière, il faut contrôler la pénétration de l’énergie associée. « Dans nos installations, nous avons beaucoup d’apports internes, la demande de froid étant bien supérieure à celle du chaud », précise Gilles Goix ;
  • d’autre part, la juste quantité de lumière diffusée dans chaque zone du terminal selon ses caractéristiques fonctionnelles. « Nous prenons soin de ne pas créer de conflit entre l’éclairage artificiel et l’éclairage naturel, en particulier dans les zones commerciales afin d’éviter la création d’un effet cocktail. » En effet, trop de lumière naturelle portée sur une devanture commerciale conduit les commerçants à intensifier l’éclairage de leurs vitrines de façon à disposer d’une meilleure visibilité sur leurs produits, avec le risque de créer « des appels de climatisation créant une boucle non vertueuse… »
Aéroport Paris-Orly

Inauguré en avril 2019, le bâtiment de jonction, aujourd’hui appelé Paris-Orly 3, reliant les « anciens » terminaux Sud (Paris-Orly 4) et Ouest (Paris-Orly 1 et 2), est notamment singularisé par un «mur d’eau» de 63 mètres de long et 9,5 de haut, mis en lumière par Vincent Thiesson (Agence ON).

ADP AIME… LES LUMIÈRES DE PARIS

« La lumière, qu’elle soit naturelle ou artificielle, est le révélateur de l’architecture. » Pour Gilles Goix la lumière est attachée à des lieux, des moments, des paysages, des villes… Elle met en scène les ambiances particulières et révèle leurs caractères. À Paris, la lumière est souvent changeante, comme le sont les ciels d’Île-de-France. Elle se réfléchit sur les matériaux et sur tout ce qui a trait à l’architecture. Elle souligne les différentes nuances de pierre, de zinc des toitures, de la végétation, des cuivres oxydés des coupoles, etc. Mais aussi les lieux, les formes, les perspectives. La nuit, c’est une lumière plus dorée, plus romantique et plus mystérieuse qui luit. « C’est donc bien l’un des éléments qui concourt fortement à signer les bâtiments, les espaces et les villes, à leur donner une identité ».

1 Marc Fontoynont est directeur de recherche à l’ENTPE (École nationale des travaux publics de l’État), à Lyon. Il intervient, également, au LASH (Laboratoire des sciences de l’habitat) à Vaulx-en-Velin.

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