Échappée ornithologique

© James Medcraft
© James Medcraft
© Adam Mørk
© Adam Mørk

Sous un épais toit de chaume, réinterprétation contemporaine de l’architecture locale, le Centre de la mer des Wadden à Ribe au Danemark déploie une scénographie baignée d’une lumière naturelle et artificielle. Totalement imaginé avant même que les espaces intérieurs soient définis, l’éclairage accompagne le visiteur suivant des nuances colorées inspirées par la nature environnante. Une signature à plusieurs mains pour une expérience immersive, visuelle et sonore, qui rend compte de l’écosystème de cette zone côtière.

Le parc naturel de la mer des Wadden s’étend des  Pays-Bas  au  Danemark  en une longue zone côtière, au gré des marées tantôt mer, tantôt terre. Cette Jungle plate filmée en 1978 par le documentariste néerlandais Johan van der Keuken a subi maintes modifications du fait des développements économiques et techniques. Inscrite depuis 2014 sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité, elle fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière qui passe par une meilleure connaissance du grand public de la complexité de sa faune et de sa flore. Vocation première du Centre ouvert à Ribe en 1995 : la découverte du site et la pédagogie. Vieillissant, il a rouvert ses portes en 2017 après avoir été totalement remanié et agrandi par l’agence danoise d’architecture Dorte Mandrup. Sous l’épais manteau de chaume se déroulent des salles d’exposition dont les volumes ont été totalement dessinés en regard de la muséographie et, une fois n’est pas coutume, de l’éclairage. « Nous avons travaillé en tant que sous-traitant des muséographes de JAC Studios, dès la phase concours, de la définition du budget et de la faisabilité », se souvient Nikolaj Birkelund de Fortheloveoflight qui signe la mise en lumière. Toute cette liberté n’a pas forcément simplifié la tâche, reconnaît Birkelund : « La conception lumière a été un peu spéciale dans la mesure où elle n’avait aucun espace défini sur lequel s’appuyer. » Exemple s’il en est de l’interaction possible et anticipée entre lumière naturelle et artificielle, la muséographie compte beaucoup sur l’imaginaire des visiteurs et leur capacité à se projeter un instant dans le paysage qui l’entoure. Pour cela, des vues sur l’extérieur sont ménagées, vers le ciel ou au ras du sol, ou par des baies plus classiques, pour laisser pénétrer la lumière naturelle mais aussi la nature environnante. Pas d’enjeux de conservation des œuvres ici, aussi, « l’éclairage naturel a été profondément intégré à la muséographie et du fait du processus de conception, nous avons même pu influer sur le placement des ouvertures en toiture et des vues vers le ciel, poursuit-il. Lors de chacune des réunions de chantier hebdomadaire, toute modification constructive prenait en compte la question de l’éclairage. »

© Steven Dupont
© Steven Dupont

Le projecteur Bird Beamer ou BBX.70 conçu spécialement par les muséographes et le concepteur lumière a été imaginé comme un oiseau posé sur une branche, plutôt que

suspendu. Équipé d’un module Xicato, choisi par le fabricant écossais Mike Stoane Lighting pour la qualité du rendu de couleur et l’absence d’ombre.


Dans la salle dite Le Cabinet de curiosités, l’ensemble des projecteurs est intégré à un système sur-mesure qui évoque la colonne vertébrale d’un oiseau.

Ici, l’accentuation et un rendu de couleurs élevé priment afin de hiérarchiser et faire ressortir les objets présentés.

© James Medcraft
© James Medcraft

Photo d’en-tête et ci-contre.

La nature des œuvres et objets exposés ne demande pas de mesure de conservation particulière. Aussi la lumière naturelle est- elle bienvenue dans ces espaces, se mêlant à l’éclairage artificiel qui, évoluant d’une salle à l’autre, emprunte à ses teintes variées par le biais de filtres de couleur en verre.


© Adam Mørk
© Adam Mørk

La dernière séquence du musée est l’installation visuelle et sonore signée par le britannique Jason Bruges Studio évoque la migration des oiseaux dans un envol prenant la forme de 562 écrans LCD suspendus au plafond. Une lumière d’un blanc froid diffusée depuis une corniche ménagée rase le plafond, ne perturbe pas la vision de l’installation The Digital Ornitology, au contraire, elle fait ressortir l’effet combiné de la projection en mapping de séquences filmées et la modulation lumineuse des écrans.

RACONTER PAR LA LUMIÈRE

La principale demande des clients en termes d’éclairage était que celui-ci vienne « soutenir le récit de l’exposition et donner un rendu le meilleur possible des surfaces, textures, artefacts », se souvient le concepteur. Sans se départir de ce principe général, chaque salle profite d’une mise en lumière spécifique, essentiellement servie par un projecteur créé sur-mesure par Fortheloveoflight et les muséographes de JAC Studios : le Bird Beamer ou BBX.70. Certains sont équipés de filtres en verre colorés, diffusant ces teintes pastel propres aux cieux maritimes extérieurs. Des filtres ont été préférés à des LED RGB+W qui au moment de la conception en 2016 n’offraient pas encore les performances attendues. Souligner la narration, guider le visiteur et diriger son attention vers certains objets, permettre la concentration, tels sont ici les fonctions de l’éclairage. «L’ensemble est contrôlé via le Bluetooth (BLE) et chaque luminaire ajusté individuellement afin de focaliser sur des points précis et créer des hiérarchies à l’intérieur de l’expo. Cela n’a pas influé sur le flux lumineux puisque tout fonctionne sur des intensités très basses », précise Nikolaj Birkelund. Portés à lever la tête du fait du thème, les visiteurs ne perçoivent pas les installations d’éclairage comme une obstruction mais comme des oiseaux perchés sur des fils, qui à l’issue de l’exposition se font migrateurs et prennent leur envol avec l’installation de l’artiste britannique Jason Bruges, sous la forme de 562 écrans LCD.    

Lucie Cluzan

CENTRE DE LA MER DES WADDEN À RIBE, DANEMARK
 
CLIENT
Ville d’Esbjerg
MAÎTRISE D’ŒUVRE
Dorte Mandrup (DK)
CONCEPTION LUMIÈRE
Fortheloveoflight –
Nikolaj Birkelund (DK)
MUSÉOGRAPHIE
JAC Studios –
Johan Carlsson (DK)
DESIGN INTERACTIF
No Parking Production
(DK)
 
INSTALLATION
ÉCRAN LCD
Jason Bruges (R-U)
LIVRAISON
Février 2017
SURFACE
2 800 m2
MATÉRIEL
Artistic License,
Buschfeld, Erco,
iGuzzini, Ljusdesign,
Mike Stoane Lighting,
Reggiani, Soraa,
Spektraled, Xicato

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