ÉCLAIRAGE LED EXTÉRIEUR
Le passage de l’éclairage à la technologie LED est aujourd’hui une réalité, et c’est particulièrement vrai pour les installations d’éclairage public neuves : plus de 80 % d’entre elles sont réalisées avec des sources LED. Ce basculement technologique bouscule le secteur. « Il y a à la fois de nouveaux délivrables et de nouvelles obligations », comme l’a expliqué Philippe Gandon-Léger lors de son intervention aux Journées nationales de la lumière de Marseille.
Jusqu’à présent, gérer les installations d’éclairage public équipées de lampes à décharge était relativement simple. Avec la LED, tout change et contraint à de nouvelles obligations pour les professionnels à tous les niveaux d’intervention.
Maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, bureaux d’études, exploitants, fabricants… « tout le monde est affecté par le passage à l’éclairage LED », a posé d’entrée Philippe Gandon-Léger, expert AFE et président de la commission X90X de l’Afnor, lors de son intervention aux JNL de Marseille, en septembre dernier. Cette rupture technologique demande à chacun d’évoluer en compétences, de se familiariser avec l’électronique et de nouvelles fonctionnalités, d’adopter une approche de l’éclairage totalement nouvelle. Jusqu’à présent, gérer les installations d’éclairage public équipées de lampes à décharge – elles représentent aujourd’hui encore environ 98 % du parc – était relativement simple, a rappelé cet expert : « S’il y avait quelques différences technologiques, le format des lampes était standardisé (douilles, puissances…) avec des durées de vie économiques stabilisées et des automatismes limités par la technologie elle- même… Il y avait peu d’alternatives et peu de marge de progression. Quant à la maintenance, elle s’effectuait par un simple relamping, un changement de ballast… sans complexité particulière. »
LA MÉTHODE LM80 TM21
Pour déterminer la chute de flux d’un système d’éclairage LED dans le temps, les fabricants s’appuient sur deux méthodes de l’IESNA (Illuminating Engineering Society of North America) :
- la méthode LM80 qui mesure la dépréciation du flux lumineux d’une lampe LED en laboratoire, toutes les 1 000 heures et pendant au moins 6 000 heures et jusqu’à 10 000 heures de fonctionnement pour une température de jonction et une intensité du courant données : 55 et 85 °C, plus une troisième température fixée par le fabricant. Il est ainsi possible d’évaluer l’influence de la température sur la chute du flux lumineux.
- la méthode TM21, qui est une méthode fournie par les fabricants de composants électroniques d’extrapolation des données obtenues avec la méthode LM-80. Cette extrapolation va jusqu’à 6 fois la durée du test.
À noter que la défaillance d’une ou plusieurs LED, bien qu’elle participe à la chute du flux lumineux, n’est pas prise en considération dans cette modélisation.
CONNAÎTRE LES CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE LA LED
Avec la LED, tout change : cette technologie évolue en permanence, sous différents aspects et à un rythme rapide, particulièrement en termes de « bin », c’est-à-dire de caractéristiques chromatiques, photométriques, radiométriques et électriques. En outre, les sources sont composées de plusieurs LED, chacune pouvant avoir des caractéristiques et un comportement différents. Les drivers qui les pilotent sont paramétrables, dotés de fonctionnalités diverses qui permettent d’optimiser les performances des installations mais ajoutent de la complexité au système. Et tous ces composants sont interdépendants ; la défaillance d’un élément (le driver, une soudure…) compromet tout le système. Ces nouvelles logiques de l’éclairage électronique posent la question, entre autres, de la durée de vie des produits. Il y a des paramètres auxquels il faut être beaucoup plus attentif qu’avant comme, par exemple, le facteur de dépréciation du luminaire, qui définit la puissance initiale à mettre en œuvre ; la température d’ambiance maximale (Tq), qui permet de garantir les performances dans le temps… Si les lampes à décharge étaient peu sensibles aux variations de température, cette information est prépondérante pour les LED dont la durée de vie peut être drastiquement compromise par une température trop élevée. « D’une manière générale, on ne va pas chercher à savoir quelle est la durée de vie de la LED – elle est très robuste – mais dans quelles conditions elle fonctionne », a résumé Philippe Gandon-Léger.
Au-delà de l’entretien des installations (il y a toujours des vis, des câbles, de l’étanchéité… à vérifier, un luminaire à nettoyer), il faut assurer le maintien des performances, le respect des engagements pris et, très important désormais, le suivi du parc.
UN DEVOIR D’AFFICHAGE DES CRITÈRES DE QUALITÉ ET DE PERFORMANCES
À partir de là, ce sont de nouvelles obligations pour l’ensemble des intervenants, a-t-il poursuivi : « Les maîtres d’ouvrage doivent définir plus précisément qu’auparavant les conditions et les critères à prendre en compte dans leurs projets. Aux opérateurs économiques de trouver les solutions technologiques ad hoc pour que chacune des parties prenantes puisse s’engager contractuellement sur un protocole et des objectifs de résultats. »
L’affichage détaillé et étayé des critères de qualité et des performances initiales, établies et mesurées dans le respect des normes – on ne peut comparer que ce qui est comparable – est indispensable. Il permettra aux décideurs une analyse objective des solutions proposées. Sur ce point, la Commission électrotechnique internationale (CEI) préconise un devoir d’affichage des performances : flux nominal sortant, distribution photométrique… La Commission a édité une check-list téléchargeable en ligne1.
Au-delà du bin, les fabricants doivent fournir toutes les caractéristiques mécaniques et de mise en œuvre du luminaire, mais aussi, et c’est nouveau avec les systèmes d’éclairage LED, des préconisations d’entretien2. Et ce qui vaut pour le module LED vaut pour le driver, a rappelé l’expert de l’AFE. Il est essentiel de connaître :
- le courant qui traverse la LED (à mettre en rapport avec la température de jonction) ;
- la plage de tension à la sortie du driver ;
- le dimensionnement des réseaux avec les phénomènes transitoires de mise sous tension (cf. Norme UTE C 17205, sur les caractéristiques des installations d’éclairage public) ;
- les niveaux d’isolement aux chocs électriques ;
- le cosinus phi (φ) et les taux d’harmoniques ;
- le paramétrage du driver réalisé en usine (profils nocturnes, créneaux de fonctionnement, nœud de communication ou pas…) ;
- les engagements du fabricant : durée de vie économique de la LED, taux de mortalité du driver, chute de flux (voir encadré).
HISTORISER LES INFORMATIONS TECHNIQUES NÉCESSAIRES À LA MAINTENANCE
L’exploitant n’échappe pas aux nouvelles obligations qu’impose le basculement vers l’éclairage LED. Pour Philippe Gandon-Léger, « au-delà de l’entretien des installations (il y a toujours des vis, des câbles, de l’étanchéité… à vérifier, un luminaire à nettoyer), il faut assurer le maintien des performances, le respect des engagements pris et, très important désormais, le suivi du parc. Il faut identifier tout ce qui est installé pour que, dans dix ou quinze ans, on puisse avoir une vision précise de ce qui a été mis en œuvre, où, quand, avec quels équipements, quelle programmation… » Les luminaires à LED vont se multiplier, évoluer techniquement, s’enrichir de fonctionnalités. Seule une historisation rigoureuse permettra de s’y retrouver. Déjà, la maintenance de ces systèmes pose nombre de questions : comment dépanner un luminaire à LED ? Comment identifier le ou les éléments déficients et trouver les causes de dysfonctionnement ? Comment choisir les équipements de remplacement ? Bien sûr, il faut procéder à des vérifications au voltmètre entre l’alimentation et le driver, distinguer le défaut de composants de la cause extérieure (la foudre, par exemple)… Mais lorsqu’un élément défaillant est identifié, le remplacer suppose de connaître les caractéristiques techniques à prendre en compte, a pointé l’expert de l’AFE : « Si le module LED est défaillant il va falloir en trouver un qui soit compatible en termes de dimensions, de points de fixation puisqu’ils sont associés à la gestion thermique (contact du circuit sur le luminaire), en flux sortant, en courant, en tension, en gestion thermique… et bien sûr vérifier le marquage CE, la compatibilité électromagnétique, quels sont les paramétrages intégrés et s’ils sont en adéquation avec l’installation… » On comprend tout l’intérêt et la nécessité d’avoir une traçabilité des équipements installés. Cette historisation, qui peut aussi être à la base d’une harmonisation des installations, peut s’effectuer à partir d’une plate-forme de GMAO ou de télégestion enrichie de fonctionnalités dédiée à la gestion d’un historique. « Plusieurs groupes de travail, comme l’Association française de l’éclairage, le Cluster Lumière ou encore le CEN (Comité européen de normalisation) préparent actuellement ce j’appelle un “smart tag”, a conclu Philippe Gandon-Léger, à savoir : un système d’identification et de mémorisation des paramètres intégrés dans les luminaires et indispensables à connaître pour gérer un parc. » Face aux questions des auditeurs, il n’a pas manqué de rappeler que la formation existe, qui permet de bien appréhender ces nouvelles exigences de l’éclairage numérique.
Pascale Renou
1 Guide Importance de la normalisation des critères de performance des luminaires LED, Syndicat de l’éclairage – Celma, décembre 2011.
2 Maintenance en éclairage extérieur, Syndicat de l’éclairage – Association française de l’éclairage, août 2002.