MUSÉE ANTOINE LÉCUYER (SAINT-QUENTIN)
À Saint-Quentin dans l’Aisne, le musée Antoine Lécuyer conserve et présente notamment le fonds de l’atelier de Maurice-Quentin de La Tour1, une exceptionnelle collection composée de près d’une centaine de portraits réalisés au pastel, qui doivent être protégés contre les dommages dus à la lumière. Jérémy Le Bellégo, régisseur des collections, invité par Eurosep Instruments lors du dernier salon SITEM, a expliqué l’intérêt de l’éclairage dynamique, en réseau Bluetooth, pour leur conservation.
Le 15 novembre 2019, a été inaugurée la nouvelle muséographie des trois salons de pastels du musée Antoine Lécuyer2. « L’objectif du projet portait, notamment, sur l’installation d’un éclairage dynamique valorisant les œuvres. Il s’agissait d’allier confort de visite et respect des mesures de conservation préventive », explique Jérémy Le Bellégo. Ce projet a été réalisé, en collaboration entre le musée et la société Eurosep Instruments, de l’audit « Lumière » jusqu’à la fabrication et la programmation des projecteurs.
CONSERVATION PRÉVENTIVE
Avant sa rénovation, l’éclairage halogène des trois salons « n’était pas idéal pour la conservation préventive, même s’il n’était pas projeté directement sur les œuvres », poursuit le régisseur. À noter que ces trois salles d’exposition en enfilade sont des salles aveugles, « donc parfaites pour exposer les pastels particulièrement sensibles à la lumière artificielle ou naturelle ». Et de montrer une œuvre, masque préparatoire de Maurice-Quentin de La Tour, témoignant des méfaits de la lumière et de la chaleur qui accélèrent le processus de dégradation des arts graphiques, à la fois au niveau de la décoloration des pigments et, surtout, de la structure du papier et de ses fibres. Pourquoi une telle dégradation ? « Parce que les œuvres ont beaucoup voyagé aux XIXe et XXe siècles, et ont été exposées dans des conditions pas toujours idéales en termes de conservation préventive ». Les pastels ont reçu les rayons UV et le papier, en subissant une insolation, a jauni sous l’effet de la lumière et des rayons UV. « Aujourd’hui, l’ICOM (Conseil international des musées) recommande de ne pas exposer les arts graphiques à plus de 50 lux, et de ne pas les exposer en permanence », rappelle Jérémy Le Bellégo3.
SOLUTION SUR-MESURE
Le musée a été fermé deux mois, la collection de pastels a été décrochée, les équipements halogènes supprimés, les murs ont été repeints et un nouveau système d’éclairage a été installé comptant 40 projecteurs et 6 capteurs de présence fournis et programmés par la société Eurosep Instruments. Chaque projecteur est pilotable à distance par Bluetooth, via un réseau de communication Xicato, à partir d’un logiciel embarqué sur un PC. « Chaque projecteur permet d’éclairer, de façon indépendante, telle ou telle œuvre avec une valeur d’éclairement qu’il m’est possible de définir. Elle s’exprime en pourcentage. Il m’appartient ensuite, via des mesures au lux- mètre, de m’assurer que cette valeur respecte l’intensité lumineuse que je souhaite déployer sur l’œuvre en question », explique Jérémy Le Bellégo, pour qui cette solution offre une grande liberté concernant la mise en valeur des œuvres de différentes natures (pastels, clavecin du XVIIIe siècle, mobilier, peintures, sculptures…). « De plus, cette solution sur mesure offre un grand confort de travail : à aucun moment je n’ai à monter sur un escabeau pour régler les projecteurs. Je peux le faire seul, sans l’aide d’un éclairagiste », se félicite le régisseur.
Les trois salons de pastels en enfilade étaient auparavant éclairés par des halogènes néfastes pour la conservation préventive. Aujourd’hui, 40 projecteurs pilotables à distance par Bluetooth permettent d’éclairer de façon indépendante telle ou telle œuvre. Deux scénarios sont activés grâce à 6 détecteurs de présence selon que des mouvements sont détectés ou non. L’ambiance est alors « muséographique » avec un niveau entre 40 et 60 lux ou, en l’absence de visiteurs dans la salle, « économique» avec 20 lux
Les dessins et pastels comptent parmi les œuvres très sensibles aux effets de la lumière. Aussi, le Conseil international des musées conseille-t-il de ne pas les exposer à plus de 50 lux. Ici un des nombreux pastels signés par Maurice-Quentin de la Tour, connu pour ses portraits des figures emblématiques de la cour de Louis XV et du Siècle des lumières.
Ce système d’éclairage permet, également, de configurer deux scènes qui correspondent à différents états d’éclairement :
- une première scène « muséographique » intervient quand les capteurs de présence détectent des mouvements dans les salles. Les projecteurs éclairent alors les pastels entre 40 et 60 lux ;
- la deuxième scène « économique » intervient quand les capteurs ne repèrent aucun mouvement dans les salles. Est alors créée une atmosphère de pénombre (environ 10 à 20 lux) permettant de ne pas éclairer inutilement les pastels, le choix du noir complet ayant été écarté pour ne pas rebuter le visiteur pénétrant dans les salles.
IL EST MOINS RISQUÉ DE PRÊTER
Une dernière fonctionnalité, apportée par la nouvelle installation d’éclairage, porte sur l’historique d’éclairement des œuvres, tant en valeur qu’en temps d’exposition. Concrètement, un projecteur peut être sélectionné au niveau du PC logiciel et générer un graphique décrivant l’éclairement de chaque œuvre. « Cette solution permet, lors de prêts d’œuvres, de justifier précisément de l’éclairement d’une œuvre prêtée ou déposée, auprès du musée prêteur ou déposant », poursuit le régisseur. « À l’inverse, si je me positionne en tant que prêteur, je peux exiger que mon aquarelle ne subisse pas plus de 50 lux pendant la durée d’une exposition. » Dans ce contexte, le graphique énoncé ci-dessus, devient un document quasi contractuel entre le prêteur et une institution emprunteuse. « Ce nouvel éclairage est une première étape vers une refonte de la muséographie des autres salles du musée », conclut Jérémy Le Bellégo, satisfait des très bons retours des visiteurs portant sur le meilleur confort de visite.
1Maurice-Quentin de La Tour, né et mort à Saint-Quentin (1704-1788) est considéré comme « le prince des pastellistes ».
2 La première scénographie remontait à 2004, date du tricentenaire de la naissance de Maurice-Quentin de La Tour.
3 Ndlr : En respectant la dose totale d’exposition annuelle, d’où l’intérêt de limiter le temps d’exposition.
Retrouvez les vidéos de la présentation intégrale de Jérémy Le Bellégo sur eurosep-museum.com/eurosep-news./