Colorimétrie : De XYZ à LMS, vers plus de personnalisation

La colorimétrie, considérée comme la science de la couleur, a pour objectif de spécifier les couleurs de manière universelle en s’appuyant sur un ensemble de données et de procédures. Fondée sur des évaluations visuelles, la CIE (Commission internationale de l’éclairage) travaille, à présent, au lien entre colorimétrie et physiologie expliquant, comme le précise Sophie Jost1, certains désaccords.

Dès  1931,  la  CIE  a  normalisé  le  système  colorimétrique  XYZ largement utilisé depuis lors. Dans ce système, obtenu par transformation linéaire du système colorimétrique RGB (rouge, vert, bleu), les primaires théoriques ont été choisies pour que toutes les couleurs aient des composantes trichromatiques X, Y et Z positives, et pour que Y représente la luminance.

Rappelons que ce système CIE 1931 est valable pour un observateur de référence avec un champ visuel de 2° (pour lequel la vision des couleurs est due uniquement aux cônes). Pour des champs visuels plus large (pour lesquels les bâtonnets sont présents), la CIE a normalisé, en 1964, un autre système colorimétrique appelé X10Y10Z10, correspondant à un champ visuel de 10°.

Fonctions colorimétriques CIE-XYZ et CIE-LMS.

NOUVEL ENSEMBLE

Depuis ces dates, des améliorations considérables ont été réalisées au niveau de la mesure et du contrôle de la couleur qui se sont traduites par d’immenses progrès portant sur la connaissance de la vision des couleurs. « En particulier, souligne Sophie Jost, en ce qui concerne la détermination d’un système dont les fonctions colorimétriques seraient directement liées à la sensibilité des cônes et ayant une signification physiologique. »

En effet, si l’on en revient aux fondamentaux, la vision des couleurs commence, avec l’absorption des photons, par les pigments visuels contenus dans les cônes de la rétine dans laquelle existent trois familles de cônes :

  • les cônes L (Long), sensibles aux grandes longueurs d’ondes ;
    • les cônes M (Medium), sensibles aux longueurs d’ondes moyennes ;
    • les cônes S (Short), sensibles aux courtes longueurs d’onde.

Ainsi, la lumière, en tant que stimulus déclenche une sensation de couleur qui peut être définie par les trois signaux L, M, S correspondant à trois types de cônes. « Malgré la difficulté de la tâche, poursuit Sophie Jost, la CIE a récemment déterminé les sensibilités spectrales fondamentales des cônes (correspondant à un rayonnement externe, incident sur la cornée), solution qio a permis de déduire un nouvel ensemble de fonctions colorimétriques fondamentales nommé LMS. »

ASSURER LES INDUSTRIELS

Cette colorimétrie, basée sur la physiologie, pourrait expliquer le désaccord parfois constaté entre des couleurs visuellement différentes alors que les valeurs colorimétriques sont identiques. En effet, certaines études ont démontré que des erreurs importantes peuvent exister, dans la spécification actuelle des couleurs, en utilisant l’observateur colorimétrique standard CIE 1931 « en particulier lors de l’utilisation de sources de lumière à spectre étroit comme les LED », précise la responsable de la division-1 de CIE-France. Et d’ajouter qu’« en prenant en compte le champ de vision, l’âge de l’observateur, tout en considérant les variabilités interindividuelles, la colorimétrie LMS pourrait expliquer les désaccords entre individus et permettre la mise en place d’une colorimétrie plus individualisée ». Aussi, par le biais du Comité Technique TC1.98, la CIE travaille à évaluer l’opportunité de la colorimétrie LMS afin que les industriels de la couleur, de l’imagerie et de l’éclairage soient assurés qu’elle est adaptée à leur utilisation.

NOUVELLES OPPORTUNITÉS

Ce lien entre colorimétrie et physiologie, pourrait, en outre, être plus simple à utiliser et plus facile à comprendre, tout en offrant de nouvelles opportunités pour résoudre les problèmes de mesure et de perception des couleurs. « Aussi bien dans l’industrie que dans la vie quotidienne en prenant en compte les variations dues à l’âge, au champ de vision et à la diversité des observateurs », commente Sophie Jost. Les travaux du comité technique consisteront, d’une part, à définir une feuille de route, répertoriant les mesures colorimétriques de la CIE actuellement basées sur les fonctions XYZ, et, d’autre part, à envisager de créer de nouvelles mesures basées sur les fonctions fondamentales du cône LMS.

Pour certaines mesures existantes, tels les modèles d’apparence colorée, la feuille de route pourrait recommander une simple transition vers le système LMS conservant des valeurs très similaires pour ces mesures. « Dans d’autres cas, plus complexes, la feuille de route pourrait suggérer l’ouverture d’un nouveau comité technique », conclut Sophie Jost.

JD

1 Sophie Jost est responsable de la division-1 Vision et couleur de la CIE-France et chercheuse au sein du laboratoire Génie civil et bâtiments de l’ENTPE (École nationale des travaux publics de l’État).

PUBLICATIONS CIE DE RÉFÉRENCE (EN ANGLAIS)
– CIE170-1:2006Fundamental chromaticity diagram with physiological axes. Part1
– CIE 170-2:2015 Fundamental Chromaticity Diagram with Physiological Axes. Part 2: Spectral Luminous Efficiency Functions and Chromaticity Diagrams
– CIE 015:2018 Colorimetry, 4th Edition

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