TRANSITION NUMÉRIQUE DU BÂTIMENT
Le prochain salon BIM World se déroulera les 31 mars et 1er avril 2020, à Paris Expo, porte de Versailles. Si l’intérêt de la maquette numérique et de la modélisation en 3D n’est plus à démontrer lorsqu’il s’agit de concevoir les éléments constructifs et structurels des bâtiments, il en va encore autrement avec la prise en compte du lot l’éclairage.
Chez f3df, centre de formation professionnelle spécialisé dans la 3D, Pierre Alexis constate que « l’éclairage n’est pas encore ancré dans le processus BIM1 comme les autres corps de métier tels que l’électricité et le CVC. Il n’y a pas de formation dédiée ni même de demande. » Selon lui, l’éclairage est un peu le laissé-pour-compte du BIM « parce qu’il est plus considéré comme un élément de décoration que de second œuvre ».
« Aborder l’éclairage, c’est toucher aux éléments d’architecture intérieure. Le niveau de détails devient très important, les fichiers numériques sont alors très lourds et le temps de modélisation en 3D très long, explique Christophe Luquet, de l’agence Dynalighting-Ombrages France. Or, en matière de projets et d’études, le temps est compressé pour éviter d’alourdir la facture. Gérer l’éclairage dans le BIM est d’abord une problématique économique. »
La modélisation 3D avec un rendu hyperréaliste demande d’entrer une quantité très importante de données. Ce « poids numérique » alourdit le process comme la facture et n’est pas sans conséquence sur la prise en compte de l’éclairage dans le BIM.
PROBLÈME D’IMPORT/EXPORT
En théorie, Revit, le logiciel phare d’Auto- desk pour la modélisation 3D, peut intégrer des fichiers .ies fournis par les fabricants de luminaires. Ces fichiers, qui décrivent l’intensité de la source d’éclairage en divers points du quadrillage sphérique, permettent d’obtenir un « rendu » photométrique, mais Revit ne permet pas de faire les « calculs » photométriques. Ceux-ci doivent être exécutés avec des logiciels comme Dialux ou Relux. Et c’est là où tout se complique : avant d’exporter cette maquette Revit vers un de ces logiciels de calcul d’éclairage, il faut alléger la maquette en supprimant bon nombre de détails sans quoi le fichier sera trop lourd et quasi inexploitable. Mais cette suppression d’informations génère des bugs au moment de réintégrer la partie Dialux/Relux dans le BIM du fait du très grand nombre de paramètres et de leur imbrication. Sans compter le risque d’oublier des informations supprimées… Raison pour laquelle il faut s’interroger en amont de chaque projet sur le niveau d’exigence souhaité, conclut Christophe Luquet : « Soit un rendu ultraréaliste en 3D est nécessaire, auquel cas il faudra aller dans un niveau de détails important, soit il ne l’est pas. Par exemple, dans le cadre d’un projet d’éclairage industriel où l’on va s’intéresser au nombre et à la dimension des luminaires pour juger l’occupation d’espace. Le projet sera alors réalisé avec des formes simplifiées. Cette maquette légère et fonctionnelle permettra de vérifier l’interaction de l’éclairage avec les autres éléments constructifs. »
ÉVOLUTION À ATTENDRE
Si certaines fonctions font encore défaut dans Revit – il n’y a pas, par exemple, de liaison logique avec les interrupteurs et/ ou détecteurs car Revit n’autorise la liaison que d’un seul interrupteur à un groupe de luminaires ; il n’est pas non plus possible de liaisonner deux interrupteurs en mode « va et vient » – c’est bien le poids de la donnée numérique qui gêne le plus. « Il faudrait développer un “plugin Revit” pour l’éclairage, comme il en existe pour le CVC, analyse Pierre Alexis. Les calculs photométriques se feraient sans exporter le fichier vers Dialux ou Relux et l’éclairage serait alors vraiment intégré dans la maquette numérique. » Une éventualité qui pose de facto la question de l’avenir des logiciels de calcul d’éclairage… Une certitude pour ces deux experts : la technologie va évoluer, c’est le sens de l’histoire. Et Autodesk va logiquement poursuivre le développement de Revit pour qu’il soit de plus en plus utilisé. L’éclairage trouvera un jour sa place dans le BIM. Tout est une question de temps.
Pascale Renou
1 Building Information Modeling, également communément appelé Building Information Management.