MONTRÉAL, BRUXELLES, LILLE ET BREST
Dans le cadre du Lyon Light Festival Film, organisé par l’association LUCI (Lighting Urban Community International), un webinaire, consacré aux apports sociétaux de l’éclairage intelligent, a permis aux métropoles de Montréal, Bruxelles, Lille et Brest de faire le point sur leurs déploiements respectifs, ainsi que sur les bénéfices constatés ou espérés.
À l’occasion du webinaire organisé dans le cadre, digital, du Lyon Light Festival Forum, quatre responsables de l’éclairage public des métropoles de Montréal, Bruxelles, Lille et de Brest ont présenté l’état d’avancement et les objectifs de leurs projets en cours. Ces retours d’expérience sont d’autant plus intéressants que la transformation de l’infrastructure d’éclairage public s’inscrit de plus en plus souvent dans une stratégie Smart City, ayant bien sûr, comme objectif de réduire la consommation énergétique des collectivités, mais aussi de répondre à d’autres enjeux sociétaux et environnementaux.
MONTRÉAL APRÈS LES PREMIÈRES RÉTICENCES
Montréal est déjà très avancée en la matière puisque la métropole québécoise a, d’ores et déjà, installé 98 000 points lumineux intelligents sur les 132 000 luminaires d’éclairage public que compte la ville. Son objectif ? Convertir l’ensemble du parc d’ici deux ans.
« Nous ne pensions pas nous heurter à autant de réticences », avoue tout de même Isabelle Lessard, ingénieure en éclairage public de la métropole. « Il a fallu composer, organiser des formations, déployer beaucoup d’énergie pour expliquer les vertus de ce changement. » Mais, comme les résultats ne se sont pas fait attendre, les protestations ont rapidement décru. En effet, Montréal a enregistré une réduction de la consommation énergétique de son éclairage public de 70 % (alors que la ville tablait initialement sur 50 %). Et les bénéfices envisagés vont bien au-delà puisque l’infrastructure d’éclairage intelligent a vocation à être utilisée par d’autres services de la ville, dans le cadre de réalisations smart city. « Si on ajoute des capteurs (par exemple pour la mesure du bruit, de la pollution…), de nombreuses données peuvent être mises à disposition du public, indique Isabelle Lessard. Par ailleurs, des solutions innovantes dédiées aux services de la ville peuvent être imaginées. » Montréal souhaite par exemple aider les services d’urgence à trouver rapidement un lieu d’intervention, en faisant flasher la lumière devant l’adresse concernée. Autre exemple : la ville travaille sur l’utilisation de l’éclairage d’une rue pour avertir les habitants du passage prochain d’une déneigeuse, afin de les informer de la nécessité de déplacer leur véhicule.
QUELLE VALEUR COLLECTIVE ?
Si chacun a bien conscience des possibilités qu’offre un éclairage public intelligent, le coût d’un tel projet n’est pas neutre. Il convient donc de bien définir les besoins avant de se lancer, comme l’a souligné Nicolas de Malherbe, directeur de Citeos, en conclusion du webinaire : « Il y a une question de valeur autour des projets d’éclairage intelligent, autrement dit ces derniers créent-ils réellement une valeur collective ?»
Selon diverses études d’impacts économiques, l’éclairage intelligent aurait un effet significatif sur des paramètres aussi importants que l’accidentologie, la criminalité et la pollution atmosphérique. Toujours selon ces études, 1 euro investi en éclairage intelligent générerait 6 euros de valeur sur ces divers paramètres sociétaux.
« Il faut donc, dans la mesure du possible, envisager un tel projet de manière très globale », résume Nicolas de Malherbe, « afin de prendre en compte tous les enjeux socio-économiques ».
BRUXELLES PRIVILÉGIE SÉCURITÉ, BIEN-ÊTRE ET BIODIVERSITÉ
De son côté, Bruxelles avance vite et fort également, mais n’en est pas encore au stade du déploiement de services associés. « Comme nous avons fait le choix d’une solution reposant sur des luminaires télécontrolés, nous pouvons envisager de rapatrier des données issues d’autres capteurs », se réjouit Bénédicte Collard, Streetlight manager chez Sibelga, le gestionnaire d’éclairage public de la métropole belge. « Nous allons d’ailleurs prochainement faire une proposition dans ce sens à la ville. » Initié en 2012, le projet de transformation du parc d’éclairage public bruxellois a véritablement démarré à la mi-janvier de cette année, avec le déploiement de 6 000 luminaires connectés. Selon ses prévisions, la ville espère atteindre, d’ici 2023, les 20 000 luminaires télécontrôlés, soit un quart de son parc. Les objectifs initiaux intègrent bien sûr la réduction de la consommation énergétique et la diminution des nuisances lumineuses, mais couvrent aussi des enjeux purement sociétaux, notamment la sécurité des citoyens et le bien-être dans la ville.
Cela passe inévitablement par l’amélioration de la disponibilité du réseau grâce à une gestion beaucoup plus fine de l’infrastructure.
« Il y a aussi des enjeux de performances et d’innovation, nous sommes d’ailleurs en train de tester différentes applications », indique Bénédicte Collard, « notamment la modification à distance du spectre de lumière qui devrait être mise en service d’ici un an ». La gestion des teintes de lumière au cours de la nuit aura vocation à adapter au mieux l’éclairage à la fréquentation des espaces concernés (personnes, chiroptères, insectes…) afin de protéger la biodiversité. Bruxelles a également mis en place un PoC (Proof of Concept), portant sur 70 luminaires, avec comme ob-ectif de piloter l’éclairage en fonction de données disponibles en temps réel, comme la densité du trafic routier par exemple, ou encore la météo. Les premiers retours semblent encourageants.
LILLE ET BREST NE VEULENT PAS BRÛLER LES ÉTAPES
Non loin de là, à Lille, le cheminement vers l’éclairage intelligent est plus long. « La détection de présence liée aux points lumineux est en réflexion chez nous depuis plusieurs années », explique Damien Morineaux, responsable de l’éclairage public de la métropole nordiste. Pour l’heure, seulement 200 points lumineux sont équipés d’un détecteur de présence (dans le secteur de la Citadelle) sur les 26 500 que compte la ville, l’objectif de ce premier déploiement étant, principalement, d’assurer la sécurité des passants et de protéger la biodiversité. «D’un point de vue sociétal, l’intérêt est évident puisque la détection de présence permet d’éclairer chaque passage alors qu’auparavant nous éteignions de 22 h 30 à 5 heures dans cette zone », observe Damien Morineaux, « mais, pour l’instant, nous ne sommes pas du tout dans une optique de généralisation ». Autrement dit, dans le contexte économique actuel, la ville préfère attendre plutôt que de s’engager dans un projet qui pourrait être onéreux sans garantie de retour sur investissement rapide. Plus à l’ouest, à Brest, la stratégie n’est guère différente même si le projet est plus avancé. Après avoir déployé un pilotage intelligent sur 2 300 points lumineux de l’agglomération (via une liaison CPL), la ville a décidé de mettre en place de la télégestion à l’armoire, notamment pour répondre aux besoins de mesure de consommation et d’évaluation de la politique d’économies d’énergie instaurée.
« Le système est aussi très utile au niveau de la maintenance puisqu’il permet d’analyser en temps réel les défauts sur les armoires », explique Saïg Potard, responsable de l’éclairage public de la métropole. Dans le même temps, Brest poursuit le déploiement de la télégestion au point lumineux, notamment dans le cadre du projet des Capucins (espace public dédié à l’événementiel). Cette montée en puissance progressive du projet d’éclairage intelligent permet, à Brest comme ailleurs, de prendre en compte tous les paramètres importants, notamment ceux liés à la biodiversité. « Pour l’heure, il n’y a pas de forte politique Smart City à Brest », précise Saïg Potard, « nous avancerons, étape par étape, en fonction de la réalité des besoins ». Une démarche empreinte de sagesse, pour certains, paraissant assez adaptée à l’actuel état de l’art.
Hervé Reynaud