Imaginons l’éclairage du futur

Dr LAURENT CANALE1 (CNRS ET AFE MIDI-PYRÉNÉES)

Parler des technologies d’avenir constituera toujours un exercice délicat. Tant que l’on reste dans la fantaisie ou dans la fiction, que l’on s’appelle Jules Vernes, Asimov ou Barjavel, et que l’on fasse l’apologie du rêve et de l’évasion, l’auteur est loué pour ses qualités d’écrivain. Mais si Jules Vernes avait soutenu crédible l’exploration de l’espace ou celle des fonds marins, il eut été aussitôt mis au ban de la société et traité de fou. Le chercheur, celui sur qui le sceau des certitudes est bien souvent apposé, ne se hasarde que bien rarement en conjectures et en projections futuristes où alors, il traverse bien souvent deux étapes : la première, critique, où il passe pour un farfelu et la seconde parfois élogieuse, où il enfile le costume de visionnaire.

L’éclairage du futur, dans sa fonction première, c’est à dire « éclairer », cumulera tous les Saints Graals de la recherche d’aujourd’hui : une efficacité énergétique proche de 100 % et une durée de vie comparable ou supérieure à celle des infrastructures ou des bâtiments sur lesquels il a été installé. Mais il aura également intégré des fonctions connexes telles que la communication, l’interactivité et l’adaptation instantanée aux besoins. En ce qui concerne l’éclairage public, le futur proche est déjà bien concret et dans une phase d’implantation bien avancée parmi de nombreux grands fabricants : c’est le Smart Lighting. Des luminaires connectés et « intelligents » qui communiquent entre eux et qui savent reconnaître un humain, d’un chien ou d’un chat, s’éteindre quand les rues sont vides et s’allumer, avec un éclairage suffisant associant à la fois un sentiment de confort et de sécurité, lors du passage d’un piéton ou d’un véhicule et en s’adaptant à la vitesse de celui-ci. Mieux encore, des algorithmes sauront analyser la nature de l’environnement et éclairer avec une lumière suffisante, en blanc chaud, avec une atmosphère reposante en temps normal ou inversement, très intense, en blanc froid, en cas de situation de crise, d’attroupement anormal, intervention de services d’urgence, de pompiers ou des forces de l’ordre, vandalisme, agression…

L’éclairage public du futur est déjà à notre porte sur le plan technologique et, par son adaptabilité, il aura ainsi la double fonction de rendre beau notre environnement urbain comme le disait l’architecte Le Corbusier, « l’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière », tout en préservant notre ciel étoilé, et d’être également ce soutien à l’ordre public. Ce qui a toujours été sa fonction première et que l’on trouve déjà avec l’ordonnance royale du roi de France, Philippe V le Long, de janvier 1318 qui enjoint au greffier du tribunal du Châtelet, à Paris, de veiller « à ce qu’une chandelle fut entretenue pendant la nuit à la porte, du palais de ce tribunal, afin de déjouer les entreprises des malfaiteurs qui se perpétuaient jusque sur la place, alors la plus fréquentée de la capitale ».

© Saint-Gobain / Sageglass
© Saint-Gobain / Sageglass

L’éclairage de demain se confondra avec la lumière naturelle. Ici, les vitrages dynamiques Sageglass adaptent leur teinte à la lumière du jour.

QUID DE L’ÉCLAIRAGE DOMESTIQUE ?

Le futur de l’éclairage rejoint sur certains plans techniques le cadre général : une durée de vie quasiment infinie et une efficacité énergétique proche de la perfection. Mais si l’on peut vraisemblablement tenter d’imaginer le futur, il faut rappeler les fondamentaux : rien n’est meilleur que l’éclairage naturel ! L’éclairage de demain se confondra donc avec la lumière naturelle du soleil. Sur cette base, il est facile d’imaginer des fenêtres pourvues de vitres actives et connectées. « Actives » pourquoi et comment ? Pour opérer plusieurs fonctions intégrées dans son épaisseur alliant différentes fonctions telles que la production d’énergie avec du photovoltaïque transparent, de jour, permettant éventuellement de se protéger du soleil l’été en s’obscurcissant, des batteries, toujours intégrées dans l’épaisseur de la vitre et transparentes, et de l’éclairage OLED avec une qualité de lumière comparable à celle du soleil.

Et « connectées » comment et pourquoi ? Pour s’adapter au rythme biologique de la personne, à son activité, à ses habitudes, en fonction des heures de la journée, et proposer ainsi différents « programmes » ou différentes « séquences » en mesurant le pouls via une montre connectée en fonction des habitudes et des heures de la journée. L’éclairage de demain sera au plus près de nos besoins propres, s’adaptera à nos envies tout en étant capable d’être interactif… À ce stade, l’éclairage domestique et l’affichage ne constitueront alors qu’un seul et même objet et qu’une seule et même fonction centrée sur l’humain, centrée sur notre bien-être.

1 Ingénieur de recherche au CNRS. Président de l’Association française de l’éclairage Midi-Pyrénées

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