Voir de nuit comme les animaux ?

Dr ORSSAUD, PRÉSIDENT DU COLLÈGE SANTÉ DE L’AFE

La nuit, peut-on imaginer que notre vision « améliorée » nous permette de voir comme beaucoup d’animaux ? Voici la réponse du Dr Christophe Orssaud1.

Au cours de l’évolution, l’œil humain s’est développé pour favoriser des activités principalement diurnes. C’est pourquoi les capacités visuelles sont moindres dès lors que la lumière ambiante diminue. À l’inverse, le système visuel d’autres animaux, s’étant adapté à leurs activités nocturnes, leur permet de se déplacer, se nourrir et chasser dans la nuit. La technologie embarquée sur certaines lunettes, appareils photographiques ou caméscopes autorise des prises de vues sous un très faible éclairage permettant de comprendre ce que peut être la vision de ces animaux nocturnes. Certaines technologies utilisées ne diffèrent pas de celles utilisées dans l’œil.

La rétine humaine est de type « inversé ». La lumière doit traverser toute son épaisseur pour atteindre les photorécepteurs, cônes ou bâtonnets. De nombreux photons stimulent ces cellules photoréceptrices et provoquent ainsi le déclenchement de phénomènes biophysique aboutissant au départ d’un message électrique dans le nerf optique. Les autres photons ne rencontrent pas de cellules photoréceptrices et sont absorbés par l’épithélium pigmenté, couche la plus externe de la rétine. Ces nombreux photons ne jouent donc aucun rôle dans la vision. De plus, la nuit, lorsque l’intensité lumineuse est faible, seuls les 120 millions de bâtonnets sont activés, les cônes ne répondant qu’en ambiance diurne.

LES CAPACITÉS DE L’ŒIL DU CHAT

La vision nocturne de nombreux animaux nocturnes, tel le chat, est bien plus performante que celle de l’homme. Cette capacité supérieure repose, d’une part, sur une plus grande dilatation pupillaire à l’obscurité permettant un flux lumineux plus important, d’autre part, sur un plus grand nombre de bâtonnets

  • la première, dite « passive », utilise un système d’amplification des photons, chacun étant transformé en plusieurs électrons visualisés sur un écran de phosphorescent. La teinte verte de ces écrans a été privilégiée car elle permet de jouer sur des nuances de couleurs perçues par l’œil humain ;
  • la seconde, dite « active », repose sur une exploration de la scène visuelle par de la lumière émise en infrarouge, le système analysant la lumière réfléchie, avec parfois l’adjonction d’un amplificateur de lumière.

Ces deux systèmes présentent toutefois des limites puisqu’ils ne donnent pas une vision aussi nette que la vision humaine en plein jour et ils ne permettent pas de distinguer les couleurs. De plus, les appareils de vision nocturne, n’ayant qu’un capteur passif ou actif unique, n’apportent pas d’information sur la vision du relief. Enfin, la nécessité d’une alimentation électrique peut compliquer leur utilisation.

L’usage de ces appareils est réglementé en France car il s’agit souvent de matériel utilisé par l’armée ou la police. Néanmoins, des essais de lunettes de vision nocturne ont été réalisés chez des personnes présentant une dégénérescence de la rétine avec perte des bâtonnets pour faciliter leur déplacement à l’extérieur de nuit. « C’est donc par le biais de systèmes optiques adaptés que nous pourrons tenter d’approcher les performances visuelles des animaux nocturnes », conclut Christophe Orssaud. 

Jacques Darmon

1 Il est ophtalmologue à l’Unité fonctionnelle d’ophtalmologie, CRMR Ophtara, HEGP, AP-HP, Paris.

2 Ce tapis clair explique le caractère brillant des yeux des animaux éclairés, la nuit, par des phares de voitures.


LA PLASTICITÉ CÉRÉBRALE

Une étude réalisée par Katryn Murphy de l’Université McMaster (Ontario, Canada) et publiée dans le Journal of Neurosciences confirme qu’une molécule participant à la plasticité cérébrale, une sous-unité du récepteur NMDA, est retrouvée dans le cortex visuel jusqu’à l’âge adulte. Le taux de cette molécule ne semble commencer à décroître qu’après l’âge de 35 ans. Il est empiriquement admis en clinique qu’un certain degré de plasticité persiste au- delà de l’âge de 6 ou 7 ans. Mais la mise en jeu de cette plasticité est plus difficile à obtenir. Ces travaux viennent confirmer qu’elle persiste longtemps au cours de la vie. Il reste à découvrir comment la rendre plus facile à utiliser chez l’adulte

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