FRANÇOIS TAMISIER
Comment dessine-t-on un aéroport ? François Tamisier, architecte en chef Groupe ADP, travaille sur différents projets architecturaux dont la co-conception du futur terminal 4 à Paris-Charles de Gaulle dont la construction devrait débuter en 2021. Deux fondamentaux s’imposent à lui et à son équipe : compacité et mobilité pour un parcours passager plus « confortable et rapide ». Plus de 30 années d’expérience aéroportuaire nourrissent ses réflexions.
C’est quoi un aéroport ? C’est avant tout, répond François Tamisier, « un process industriel performant conçu pour gérer, en toute sécurité, différents flux ». En premier lieu, celui des avions, en approche comme au sol, en sachant qu’il convient, productivité oblige, d’en gérer le plus grand nombre possible aux postes de stationnement. À cela s’ajoutent la gestion des flux des passagers et des bagages, ceux de l’ensemble des professionnels exerçant sur les plateformes (sous-traitants, assistants d’escales, logisticiens, etc.), ceux des compagnies aériennes locataires, ceux des différents véhicules terrestres et des parkings, les flux d’énergies et fluides (électricité, air conditionné, chauffage, etc.), dont bien entendu les flux lumineux. « Le geste architectural d’une aérogare résulte de cette intelligence “en plan” faite de compacité et de mobilité », explique l’architecte. Il faut également singulariser les traditions culturelles et la modernité du pays dans lequel l’aérogare est implantée, « la lumière permettant, quant à elle, de la révéler architecturalement dans son environnement et de la rendre fonctionnellement compréhensible sur son territoire ».
À ce propos, François Tamisier juge toutefois peu nécessaire, tout au moins au niveau des plateformes aéroportuaires parisiennes, « de mettre en lumière les aérogares qui sont de plus en plus transparentes avec, en leur sein, des systèmes d’éclairage performants et suffisamment doux pour en souligner la beauté architecturale ».
20 ANS AU CÔTÉ DE PAUL ANDREU
Exerçant son métier d’architecte au sein du Groupe ADP, François Tamisier a collaboré pendant 20 ans avec l’architecte Paul Andreu. Ce dernier, a notamment conçu le Terminal 1 de Paris-Charles de Gaulle qui, inauguré en mars 1974, était alors révolutionnaire de par son design et sa fonctionnalité.
En 2000, François Tamisier part exercer à Pékin en tant que Directeur des études et de la construction du Grand Théâtre National de Chine (plus communément appelé Opéra de Pékin), œuvre conçue initialement par Paul Andreu et inaugurée en 2007. Cette même année, à son retour en France, François Tamisier est nommé architecte en chef du Groupe ADP, où il dirige toujours une cinquantaine d’urbanistes, d’architectes et de designers.
LA RECHERCHE DE LA COMPACITÉ
Un savoir-faire qui s’exprime aussi à l’international où le Groupe ADP, via sa filiale ADP Ingénierie, a gagné d’importantes compétitions internationales sur de grands projets architecturaux, au Moyen-Orient et en Asie. Citons, par exemple, le concours gagné, en 1996, relatif à l’aéroport déjà novateur de Pudong, à Shanghai, construit en trois ans et inauguré en octobre 1999, dont le français Yann Kersalé a conçu la mise en lumière. Citons, également, le design du tout nouvel aéroport de Pékin-Daxing, dont l’audacieux concept architectural, proposé par ADP Ingénierie1, repose sur « la superposition verticale des niveaux internationaux et domestiques, plutôt que sur une traditionnelle superposition à l’horizontale ». Résultat ! Un terminal de 700 000 m2 mais très compact, réparti sur 4 niveaux, offrant plusieurs avantages dont une exploitation économiquement plus rentable, un meilleur confort pour les passagers et un support de transport terrestre multimodal.
« Grâce à cette compacité, la distance séparant le cœur du terminal de la porte d’embarquement la plus éloignée n’est que de 600 mètres au maximum », souligne François Tamisier dont la vision consiste à « situer le passager au centre de l’attention afin d’améliorer l’expérience vécue en aérogare ». Et de réfléchir ainsi à de nouveaux parcours plus « doux » et rapides.
POURQUOI RECOURIR AUX CONCEPTEURS LUMIÈRE ?
« Je considère qu’un architecte aéroportuaire doit travailler avec des concepteurs lumière dès le début de sa mission. » Tant en intérieur qu’en extérieur, François Tamisier estime qu’il est non seulement nécessaire, mais surtout très enrichissant, de collaborer avec « de tels sachants et hommes ou femmes de l’art » ; à l’instar d’un opéra ou d’une salle de concert où il est indispensable d’associer un acousticien et un scénographe autour d’un décor.
« Car, la nuit, conclut-il, nous n’avons pas le droit de transmettre, via les systèmes d’éclairage de nos aérogares, le moindre message d’erreur. »
UNE DÉMARCHE ENVIRONNEMENTALE VOLONTARISTE
Face à la croissance future du trafic aérien, les infrastructures aéroportuaires se doivent d’être plus efficaces et performantes préconise l’IATA (International Air Transport Association)2. Ce défi oblige à « innover tout en s’engageant dans une démarche volontariste en matière environnementale », poursuit François Tamisier. La technologie LED peut y contribuer puisqu’elle apporte, à la fois, une économie d’énergie, une durabilité ainsi qu’un vaste champ d’applications pour mettre en valeur une architecture et éclairer un bâtiment.
Par ailleurs, le foncier devenant de plus en plus coûteux dans certaines régions du monde, les aéroports doivent être plus compacts et fonctionnels… Le défi consiste donc à multiplier le nombre des postes-avions et passerelles d’embarquement au contact et en limitant « les temps de roulement sur les taxiways », tout en optimisant l’exploitation et en particulier le traitement des bagages. « L’ensemble de ces réflexions nourrit la conception ambitieuse sur laquelle nous travaillons concernant le futur terminal 4, à Paris-Charles de Gaulle », souligne François Tamisier.
1 La conception du plan-masse et de l’ensemble du process industriel ont été réalisés par ADI Ingénierie, en coopération avec Zaha Hadid Architects.
2 L’IATA, qui représente 290 compagnies aériennes, totalisant 82 % du trafic aérien, estime que ce dernier devrait doubler d’ici 2037 à l’échelle mondiale avec près de 8,2 milliards de passagers.