RÉNOVATIONS INTÉRIEURES
Les données de présence qui remontent de tous les espaces d’un bâtiment permettent aussi d’en connaître le taux d’occupation, ce qui aide les gestionnaires à optimiser l’utilisation des salles. De manière encore plus fine, certains dispositifs peuvent même renseigner sur le nombre de personnes situées à un endroit précis.
Nous ne sommes qu’aux prémices de la révolution que constitue la transition digitale pour le secteur de l’éclairage. La migration se fera certainement très progressivement, en douceur.
Au moment de la rénovation d’installations d’éclairage intérieures, la migration vers la technologie LED ouvre la voie à une flopée de nouveaux services. Elle rend possible la mise en place d’un éclairage connecté capable d’optimiser la gestion de la lumière, mais aussi de faciliter la maintenance préventive des luminaires. De plus, grâce aux capteurs qui peuvent être associés aux drivers (capteurs de présence, de luminosité, de CO2, d’humidité, de température ambiante…), divers services à valeur ajoutée peuvent être déployés. Explications.
Aujourd’hui, dans le tertiaire comme dans l’industrie, la quasi-totalité des rénovations sont réalisées avec des lampes LED, avec comme objectif premier de générer de conséquentes économies d’énergie. Cette migration technologique va encore s’étirer sur de longues années. Selon le Syndicat de l’éclairage, plus de 50 millions de lampes utilisant des technologies obsolètes sont à remplacer, en France, dans les bâtiments non résidentiels. Pourtant, dès aujourd’hui, cette transition vers les LED ouvre de nouvelles perspectives aux acteurs de l’éclairage. Des perspectives débouchant sur une multitude de services qui n’étaient pas envisageables auparavant. Autrement dit, la migration vers les LED marque le début de la transition digitale de l’éclairage.
« Désormais, en rénovation intérieure, il est quasiment obligatoire d’intégrer des capteurs de présence et des capteurs de luminosité », estime d’ailleurs François Darsy, directeur marketing de Signify France, « les premiers permettent de n’éclairer que les locaux occupés et les seconds sont capables de graduer l’éclairage en tenant compte de l’apport de lumière naturelle extérieure ». Par conséquent, ce type de capteurs contribuent pleinement à l’économie d’énergie en évitant d’éclairer les espaces vides et de suréclairer les autres. Rénover avec de l’éclairage connecté renforce donc encore les gains économiques issus du passage à la technologie LED. De plus, cela permet de monitorer les luminaires en faisant remonter des données sur leur fonctionnement (notamment le nombre d’heures d’éclairage, les défauts qui surviennent, la quantité d’énergie utilisée, ou encore la température interne de chaque point lumineux). Autant d’informations nécessaires à la mise en place d’une maintenance préventive, voire prédictive, des luminaires.
DES DONNÉES À USAGES MULTIPLES
Le smart lighting vise aussi à améliorer la qualité de l’éclairage. Il permet notamment de piloter finement le niveau d’éclairement et la température de couleur, de manière à coller à la lumière naturelle et au rythme circadien des personnes éclairées. « Par exemple, dans les hôpitaux, nous pouvons paramétrer les ambiances lumineuses pour optimiser la durée du sommeil des patients », argumente François Darsy, « nous pouvons même reproduire l’effet zénithal du lever de soleil le matin, afin de contribuer au réveil naturel ». Mais, au-delà des usages centrés sur l’éclairage lui-même, les capteurs installés sur les luminaires permettent aussi de dis- poser d’une multitude d’informations qui peuvent s’avérer précieuses pour la gestion des bâtiments. Par exemple, les données de présence qui remontent de tous les espaces permettent de connaître le taux d’occupation des bâtiments, ce qui conduit les gestionnaires à pouvoir optimiser l’utilisation des salles. De manière encore plus fine, elles peuvent même indiquer le nombre de per- sonnes situées à un endroit précis. En effet, des capteurs de comptage de personnes (qui utilisent des pixels infrarouge) peuvent être installés sur les luminaires, au même titre que des capteurs de température ambiante, d’hygrométrie, de qualité de l’air (incluant notamment le taux de CO2) ou encore de ni- veau de bruit. Tout cela est en R&D chez les principaux fabricants. Du reste, toutes ces données peuvent être aussi utiles à l’optimisation d’équipements tiers, comme les climatiseurs par exemple dont on peut pro- grammer la mise en marche en fonction de divers paramètres. Enfin, des prestataires ex- ternes peuvent aussi être très intéressés par ce type d’informations, comme les professionnels du nettoyage qui peuvent se baser sur l’occupation des locaux pour organiser au mieux leurs interventions.
« Nous sommes au début de l’histoire et l’IoT n’a pas vraiment de limites », estime Lionel Witkowski, PDG de Trilux France, « il reste beaucoup à inventer mais la ligne directrice est de proposer de nouveaux services et de nouveaux usages aux clients ». L’industriel allemand travaille actuellement sur plusieurs gros projets en matière d’éclairage intelligent, notamment dans le secteur du retail où l’idée est d’intégrer des beacons dans l’éclairage des points de vente afin d’enrichir les données liées à la fréquentation et à l’activité des magasins. « Nous allons pouvoir indiquer le nombre de clients, dire où ils se trouvent précisément dans la boutique, connaître leurs déplacements, savoir par quels rayons leur attention est le plus souvent attirée, et leur envoyer du contenu sur leur smartphone », indique Lionel Witkowski.
Rénover avec de l’éclairage connecté permet de renforcer les économies d’énergie, notamment grâce aux capteurs de présence et de luminosité.
Ce type d’installations est pilotable depuis un smartphone, comme ici avec le système de gestion d’éclairage LiveLink de Trilux.
DALI-2 ET D4I COMME GAGE D’INTEROPÉRABILITÉ
Mais nous ne sommes qu’aux prémices de cette révolution que constitue la transition digitale pour le secteur de l’éclairage. La migration se fera certainement très progressivement, en douceur. « Pour l’instant, encore trop d’installations sont faites ou rénovées sans capteur de présence et de luminosité », regrette d’ailleurs Véronique Gerval, solution sales manager France et Benelux de Tridonic, « ce- la devrait maintenant être un minimum dans le tertiaire, les établissements scolaires et les halls industriels ». D’autant plus que, à l’ins- tar de Tridonic, les principaux fabricants de drivers ont désormais clairement pris le vi- rage de l’éclairage connecté avec des produits intégrant nativement des interfaces de communication. En effet, le protocole DALI-2, qui garantit l’interopérabilité avec les contrôleurs de gestion, est de plus en plus souvent implémenté dans les drivers. De son côté, le protocole D4i, arrivé sur le marché l’année dernière, est en cours de déploiement.
Il est donc d’ores et déjà possible d’orienter n’importe quelle rénovation intérieure vers l’éclairage connecté, d’autant plus facilement en utilisant des réseaux sans fil. En effet, des protocoles radio comme ZigBee ou Bluetooth Low Energy permettent de connecter des luminaires sans tirer le moindre câble, ce qui réduit considérablement les coûts. Dans le même objectif de simplicité et d’économie, il est aussi possible de mettre à profit l’infrastructure IP d’un bâtiment, c’est-à-dire le câblage Ethernet, pour alimenter les luminaires en électricité. En effet, grâce à la technologie PoE (Power over Ethernet ou 802.3af), un seul câblage permet de distri- buer la puissance électrique et de créer de la connectivité. « Aujourd’hui, la norme 802.3af offre la possibilité de délivrer une puissance de 30 W », explique Antoine Cussac, PDG d’Energie IP, « ainsi, une grande partie des téléphones fixes et des caméras sont déjà en PoE dans le tertiaire ». Mais la dernière évolution de la technologie, baptisée 802.3bt (publiée en 2018) permet d’arriver à 100 W, soit une puissance largement suffisante pour alimenter les luminaires LED. La suite logique du développement du PoE devrait donc concerner l’éclairage, d’autant que cette technologie pourra aussi apporter nativement du courant continu. À suivre.
Hervé Reynaud