Liberté, technicité, créativité

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CONCEPTEURS LUMIÈRE

Dans l’Hexagone, entre 250 et 300 professionnels vivent de la conception lumière, pour certains au sein d’une des trente agences, environ, que compte le pays. Conviés à échanger autour d’une table, trois concepteurs, Virginie Nicolas (Concepto), François Migeon (8’18”) et Vincent Thiesson (Agence ON), nous décrivent les spécificités de la French Touch et dévoilent leur vision de l’avenir de la profession : formation, posture face aux bureaux d’études…

Ce n’est que depuis la fin de l’année 2020 que « concepteur lumière » a sa fiche métier. Rédigée par l’ACE, elle vise à rendre mieux identifiable cette profession qui pour beaucoup, de maîtres d’ouvrage notamment, reste associée au spectacle vivant, à la télévision ou encore aux illuminations festives. Et pour cause, à défaut de formation diplômante spécifique,  les voies pour accéder aux joies de la conception sont multiples : architecture, urbanisme, photographie, cinéma… Et c’est justement ce qui rend la conception lumière à la française si particulière : une grande variété de profils, un attachement à l’indépendance vis-à-vis des bureaux d’études, à une créativité forte, au style.

DAVID CONTRE GOLIATH ?

En lumière comme en musique la création made in France a sa propre tessiture. « Elle tient au fait que c’est le pays où les concepteurs lumière sont indépendants des fabricants, des gros groupes, des bureaux d’études », explique François Migeon. Et s’il y a quinze ans encore existait une certaine peur d’être phagocytés par les gros bureaux d’études (comme c’est le cas dans beaucoup de pays du Nord au- jourd’hui), « nous avons bien trouvé notre place », se félicite Virginie Nicolas. « Je suis plus inquiété par l’État  français  qui  définit des normes et des décrets que par les bureaux d’études », ironise François Migeon.

Et la force de la trentaine d’agences que compte le pays est qu’elles n’ont pas besoin d’avoir le poids des BE pour répondre à de très gros projets. Un concepteur peut gérer à lui seul plusieurs commandes. En plus de cela, « les bureaux d’études ne donnent pas le même temps à un projet. Aussi la qualité n’est pas la même. Ils n’arrivent pas avec la même culture et la même sensibilité », constate Vincent Thiesson. Petits mais costauds… Et indépendants donc. « Pour exister face aux BE très puissants, il faut avoir une part de créativité très forte, martèle Virginie Nicolas. Et l’indépendance par rapport aux grands groupes est notre survie. Si on répondait à des appels d’offres comme si l’on faisait partie de cette famille-là, ce serait comme si un architecte in- dépendant ne travaillait plus que pour un géant de la construction. Cela pose question ! » Augmenter la taille des agences est-il aujourd’hui nécessaire au vu de l’activité croissante ? C’est en tout cas « une question que nous ne nous posions pas avant, observe François Migeon. Y a-t-il un intérêt à cela ? On a même réalisé un audit sur le sujet. Nous avons la capacité de le faire mais pas vrai- ment l’envie. Dans un futur proche de jeunes agences prendrons peut-être le pari de croître pour avoir une économie forte et avoir une re- connaissance d’agence à la même hauteur que les grosses agences de paysage auxquelles nous sommes souvent comparées. » L’avenir le dira.

Le cœur de l’avenir de la conception lumière est le maître d’ouvrage.

Vincent Thiesson

ESPACE PUBLIC ET DIGITALISATION

Au-delà de la réponse à la norme et d’une approche purement fonctionnaliste, « la French Touch c’est aussi un rapport à la question de l’éclairage public qui est particulier. Contraire- ment aux autres pays, la conception urbaine est très développée en France ». L’éclairage public représente plus des deux tiers de l’activité des agences de conception lumière. Quelle place trouvent-elles alors entre les fabricants promoteurs de technologies pour un éclairage dit « intelligent », les élus porteurs d’un éclairage du futur. Pour nos concepteurs, l’en- jeu est très politique et n’a de sens que si ce type d’éclairage répond à un réel besoin, à un usage. Entre l’art et la technique, ils laissent la technologie s’inviter mais seulement si« elle vient servir les avancées sociales », soutient Virginie Nicolas. Et de poursuivre, « il y a la question du comment, mais nous réfléchissons surtout au quoi et au pourquoi ». Ou comment donner du sens à l’heure de l’urgence climatique.

« Aujourd’hui, trois thèmes impactent notre manière d’aborder les projets. Nous commençons à introduire d’autres notions, notamment pour la ville, tels que l’aspect social, la portée culturelle et l’aspect écologique », explique François Migeon. Même si fondamentalement « la plastique de la lumière reste la même. À savoir le lien de l’effet lumineux avec l’endroit où il se trouve. » La question environnementale a un réel impact sur les prises de décisions relatives aux dynamiques noc- turnes qui évoluent aujourd’hui. Et Vincent Thiesson d’élargir la question en posant que « l’espace public a été délaissé puis est devenu à haute valeur ajoutée pour les centres-villes. Maintenant on se demande s’il n’est pas de- venu une machine à cash ! » Selon lui, une révolution sur la répartition de l’occupation de l’espace public dans les grands centres urbains est en cours.

VOIR PLUS LOIN ?

Si l’avenir du métier de concepteur lumière en France passe par la mise en place d’une formation diplômante au niveau du supérieur, celui des agences s’appuiera quant à lui sur une nouvelle relation : « Le cœur de l’avenir de la conception lumière est le maître d’ouvrage, estime Vincent Thiesson. Tant que l’on ne parlera que d’éclairage on n’avancera pas. Il ne faut pas que l’on reste dans notre microcosme ! »

L’heure est à l’ouverture. En cœur, nos trois concepteurs reconnaissent que si dans le contexte actuel il est difficile de dire ce que sera l’avenir, dans ne serait-ce que trois mois, il est indéniable que le Grand Paris a fait évoluer les choses. Il y aura un avant et un après, car chaque équipe compte un concepteur lumière. À cette aventure exemplaire s’ajoute celle de la conception des éco-quartiers. « Ce sont des signes encourageants. »

LC

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