Comme pour beaucoup de mots-valises, ce terme de sobriété, utilisé de plus en plus fréquemment, recouvre en fait des désirs et des approches très différentes. Pour certains il correspond à une démarche vertueuse, concrète, et responsable, pour d’autres, il reste un souhait, un vœu pieux, sans réelle action corrélée.
Et selon les cas, on parlera de sobriété énergétique, lumineuse, économique, voire environnementale…
Alors en ces temps de crise internationale, quand on entend les majors de l’énergie vanter le bien-fondé des économies d’énergie et de la sobriété, on peut légitimement s’interroger sur leurs arrière-pensées commerciales. On s’étonne d’ailleurs que les contrats au forfait que certains proposent encore ne soient pas tout simplement et définitivement supprimés pour encourager vraiment les utilisateurs à faire des économies d’énergie et financières !
Avec les LED, la sobriété énergétique ne rime pas forcément avec la sobriété lumineuse. On peut baisser par exemple la consommation électrique de 50 % en remplaçant des sources anciennes par des LED, mais compte tenu de leur excellente efficacité lumineuse, cela peut conduire en fait à augmenter le flux lumineux émis de manière significative et donc aussi l’éclairement au sol.
Il serait bon d’informer le public que toutes les sources d’éclairage sont caractérisées par le flux lumineux qu’elles émettent, mesuré en lumen, et non pas par les watts qu’elles consomment.
On constate aussi que de nombreux bureaux d’études surdimensionnent volontairement les appareils d’éclairage prescrits (et donc la puissance installée) pour avoir une installation réversible en cas de changement de volonté politique tout en se disant qu’ils pourront toujours grader les sources sur site à l’allumage, ce qui, hélas, ne se fait pratiquement jamais.
La sobriété lumineuse n’implique pas forcément une meilleure qualité de lumière et des ambiances nocturnes agréables ! On peut pourtant baisser significativement les niveaux lumineux tout en créant des atmosphères lumineuses attrayantes, capables de nous ressourcer.
Le « éclairer plus » d’après-guerre, nécessaire à la reconstruction, s’est progressivement transformé en « éclairer juste » pour mieux prendre en compte les économies d’énergie mais aussi la préservation de l’environnement (le ciel nocturne et la biodiversité).
Mais qui décide du juste éclairage ? Les élus, les services, les concepteurs, les fabricants, les habitants ? Et éclairer juste n’est pas toujours synonyme d’éclairer moins !
Ne faudrait-il donc pas plutôt avoir comme devise « éclairer mieux » ? Et éduquer les usagers sur cette notion complexe, trop peu documentée ?
Enfin, ne faudrait-il pas aussi encourager et rechercher une forme de sobriété technologique pour redécouvrir et réenchanter la nuit en ville, sans artifices ?
Roger Narboni, concepteur lumière