Une doctrine singulière vis à vis de l’éclairage public

Jean-Michel Jeannin (DG Siceco)

Dans leur dernier rapport, les scientifiques du GIEC (1) ont encore insisté : ”il convient de transformer fortement nos pratiques, dans tous les domaines d’activités et au plus vite”. La transformation des parcs d’éclairage public n’échappe pas à ces recommandations. En réponse, Jean-Michel Jeannin, DG de Siceco (Territoire d’Energie de la Côte-d’Or), avance une doctrine originale qui se démarque de celle de la FNCCR. (photo1)

L’éclairage public n’est pas un service public. N’étant pas obligatoire, il n’est pas considéré comme un besoin essentiel et son arrêt ne génère aucune perturbation particulière. “La preuve en est faite depuis longtemps” plaide Jean-Michel Jeannin, pour qui, dans le contexte de la crise du coût de l’énergie, “la nouvelle doctrine de l’éclairage public ne peut pas simplement  consister à remplacer, le plus vite possible, tous les luminaires par des équipements LED”.

Pour le DG de Siceco, cette approche simpliste oublie de prendre en compte la lutte efficace contre les émissions de CO2, l’impact sur la biodiversité et le cadre général des budgets des Collectivités.. “Au regard des très fortes contraintes budgétaires effectives et annoncées, il convient de cibler les investissements vers les services publics essentiels pour les citoyens (écoles, mairies, logements, transports…)” considère Jean-Michel Jeannin. De plus, il faut prendre en compte le coût du kilo de CO2 évité : autour de 1, 2 ou 3 €/kg pour la rénovation du bâti, les moyens de chauffage fossiles, la mobilité propre et les énergies renouvelables.

Pour agir immédiatement sur la facture, les élus du Siceco ont donc adopté une stratégie reposant sur la réduction des heures de fonctionnement en incitant à la coupure nocturne même partielle et/ou sectorisée. Cette invitation s’adresse aux 275 communes, sur les 675 que compte le Syndicat, qui n’ont pas encore pris cette décision avant la hausse des coûts. Autre disposition à l’initiative de certaines municipalités qui tend à se répandre : l’éclairage est totalement neutralisé pendant la période estivale mai, juin, juillet, août.

En matière de rénovation LED, il s’agit de sensiblement diminuer le nombre de points lumineux pour réduire le montant des travaux et diminuer l’impact sur l’environnement nocturne. Il est ainsi prévu de définir là où les zones de la commune ou des activités collectives sont susceptibles de se tenir en fin d’après-midi/soirée : (écoles, abris bus, commerces, espaces culturels et associatifs…). “Les points lumineux non indispensables de ces secteurs seront supprimés : points triples, points doubles, carrefours…” anticipe Jean-Michel Jeannin.

Par ailleurs, en matière de biodiversité, une mesure locale forte porte sur la généralisation d’une température de couleur inférieure à 2400°K sur tout le territoire du Siceco, hormis sur le territoire du Morvan où des prescriptions techniques sont encore plus élevées dans le cadre du projet de labellisation « Dark-Sky » (2).  “Finalement, pourquoi ne pas appliquer une approche identique sur l’ensemble du territoire ?” préconise le DG du Siceco.en estimant que, dans les autres secteurs d’une commune, il est possible de réduire le nombre de luminaires de 30 à 50 % et, même, de supprimer tous les éclairages au-delà des dernières habitations et des aménagements routiers aux entrées. “Ce qui, au passage, va dans le sens de la diminution de la consommation des matières premières” ajoute-t-il..

Et de poursuivre que des opérations de rénovation continueront d’être réalisées par phases et uniquement pour des luminaires installés il y a plus de vingt ans. “En effet, pour le Siceco, il est incohérent de remplacer des matériels non amortis. Il est d’ailleurs recommandé, en matière de comptabilité publique, de ne pas remplacer ce type d’équipements” conclut Jean-Michel Jeannin.

(1) GIEC: Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

(2) Rappelons que l’association américaine International Dark-Sky (IDA) attribue le  label Rice (Réserve Internationale du Ciel Étoilé). A ce jour, on compte 16 sites dans le monde, dans 4 en France: le Pic du Midi (voir Lux n°300); Alpes Azur Mercantour; le parc naturel régional des Mille Vaches; le parc national des Cévennes, actuellement le plus grand d’Europe avec près d’un millier de km². 

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