Mimétisme-sur-Seine

© Michel Denancé

Escalier atrium

Pour donner l’illusion d’une lumière naturelle, des caissons diffusant lumière/acoustique surplombent l’escalier qui relie l’atrium aux salles d’enseignement. Sous une double toile tendue acoustique, une série de profilés LED. On retrouve le même principe dans les ateliers studios en R +1, situé eux aussi au plus sombre du bâtiment.

Inauguré en août dernier, le campus de l’Institut français de la mode et du design nouvellement créé est venu se loger dans les Docks, édifice iconique du quai d’Austerlitz à Paris, réhabilité et réaménagé pour l’occasion. Associée à l’agence d’architecture Patrick Mauger, 8’18” a composé un système d’éclairage simple et flexible qui prolonge le traitement spatial. Presque nu, à l’image de l’esthétique brutaliste du bâtiment dont la forme rejoint la fonction.

Les vies des Magasins généraux du quai d’Austerlitz construits en 1907 sont multiples. Son architecte, Georges Morin-Goustiaux avait alors fait le choix audacieux et controversé de ne pas habiller d’une façade décor ce qui était alors l’un des premiers bâtiments à structure béton armé de la ville. La  mécanique  du  lieu est visible : protéger les marchandises transitant de la Seine à la gare. Mieux que des bâches. « Une succession de quatre fois quatre trames de poteaux-poutres, d’entraxe 7,5 mètres, entrecoupées de 4 trames de 10 mètres d’entraxe de poteaux-poutres souligne ce bâtiment exceptionnel, long d’environ 160 mètres. Tel un vaste paquebot, à quai des bords de Seine, ce bâtiment constitue un patrimoine immobilier unique », rappelle l’agence d’architecture Patrick Mauger.

La reconversion en Cité de la mode et du design lancée en 2005, fait renaître l’édifice en 2012. Les archi-stars Jakob + McFarlane livrent côté Seine une double peau d’un vert intense, une vague facettée mise en lumière par Yann Kersalé. « De nuit, la mise en lumière anime le bâtiment par un jeu de typologies de sources et de couleurs », rappelle l’agence Patrick Mauger. C’est à peu près là que s’arrête le traitement de l’éclairage.

MISE EN LUMIÈRE DE L’INSTITUT FRANÇAIS DE LA MODE
QUAI D’AUSTERLITZ, PARIS 13e
MAÎTRISE D’OUVRAGE
SCI Docks en Seine / Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)
MAÎTRISE  D’ŒUVRE
Architecture Patrick Mauger
CONCEPTION LUMIÈRE
8’18” – Cheffe de projet Claire-Lise Bague
MATÉRIEL INSTALLÉ
Erco

SORTIR DU TUNNEL

« Désert, d’un design pauvre plutôt que sobre, ouvert à tous les vents, le lieu n’est pas franchement accueillant et serait même plutôt inhospitalier. » Voici ce qu’écrivait en 2013 le journaliste Bernard Hasquenoph sur le site Louvre pour tous à la suite de l’inauguration. Le rapport à la lumière naturelle était plus que frontal, voire éblouissant. Le vert de l’habillage extérieur teinte l’espace et les néons peinent à compenser l’apport extérieur. Et pour cause, à en voir les photos de l’existant, les plateaux font l’effet de tunnels au bout desquels surgit une lumière du jour éblouissante.

Attentive aux questions lumineuses, quand l’agence Patrick Mauger répond au concours lancé pour la réhabilitation et le réaménagement du lieu, elle s’associe à 8’18”. La mission : rechercher et recréer la lumière naturelle. Dans ce nouvel Institut qui rassemble plusieurs écoles de mode,  l’organisation  des   niveaux a été établie selon les activités qui s’y déroulent. En rez-de-chaussée, les espaces ressources et diffusion ; au premier, ceux directement liés à l’enseignement (théoriques, créatifs et pratiques), puis au dernier, en terrasse, l’administration. Parmi les principaux sujets traités par le projet architectural, une nouvelle identité et personnalité au bâtiment, la création d’un espace de convivialité, le recours au bois et au verre.

PUITS DE LUMIÈRE ET CAISSONS LUMINEUX

« Le premier sentiment était que l’endroit était très sombre et très contrasté, se souvient Claire-Lise Bague, chef de projet chez 8’18”. Il y avait un manque complet de second jour. » D’où l’idée partagée dès la phase de conception de « faire du mimétisme » et de percer ce qui pouvait l’être pour faire pénétrer la lumière naturelle. Le bâtiment étant classé, les possibilités étaient très réduites. Quelques planchers bois en terrasse sont déposés et une verrière en toiture créée. Mais cette intervention, bienvenue soit- elle, ne suffit pas. Aussi des caissons lumineux sont créés afin d’apporter ce semblant de lumière naturelle notamment au niveau de la bande centrale, où se situent l’espace d’accueil et le vaste espace collaboratif, totalement assujettie à des sources lumineuses artificielles. « Ces caissons diffusants reposent sur un système de mise en œuvre relativement simple. Des rubans LED sont posés au contact direct de la dalle acoustique en laine de bois. Une toile acoustique translucide recouvre l’ensemble. Une fois ces différentes couches superposées, la lumière est diffuse et douce, semblable à celle du jour », décrit Patrick Mauger. « On s’est glissé dans les épaisseurs des caissons, idéal pour suivre la trame architecturale », précise Claire-Lise Bague. De plus, le système étant gradable, « la variation est asservie à la lumière naturelle »

UN OUTIL SIMPLE ET FLEXIBLE

Cet Institut est avant tout un espace de travail qui demande des conditions optimales pour mener, dans un bon confort visuel, une activité aussi précise que la couture. « L’objectif de performance est élevé car ce sont des ateliers d’art qui nécessitent une bonne uniformité et un rendu de couleur maximal », indique Claire-Lise Bague. Et il fallait en plus composer avec « des vitrages légèrement teintés et le vert de l’ajout de Jakob + McFarlane », poursuit-elle. Aussi, « l’enjeu était de rétablir une neutralité de l’ambiance lumière ». Des wall washers sont implantés pour compenser la forte luminosité de la façade par exemple.

Quant aux circulations et aux salles de cours, des projecteurs sur rails sont installés. Ce montage qui fait écho à l’esthétique de la structure en  béton  brut  du  bâtiment  rend la technique accessible.  D’un  double  point de vue, puisque tout le système  est  gradable « dans la mesure où c’est une école, nous n’avons pas voulu installer un parc difficile à gérer. Ce n’est pas un musée ! Le matériel est donc flexible », détaille la conceptrice. « Tout est gradable et variable, ce à la demande des utilisateurs qui souhaitaient pouvoir intervenir dessus plutôt que l’ensemble soit programmé. Cela participe à l’appropriation. Ils sont ainsi capables de faire le noir si besoin le noir s’il y a une projection. »

Lucie Cluzan

Atelier technique

Dans cet atelier technique, le puits de lumière naturel est doublé par les caissons lumineux. Sous une toile acoustique, des linéaires LED duplique la lumière naturelle.

Ci-dessous,

Tissuthèque

La tissuthèque est un espace qui demande un rendu de couleurs parfait pour faire les bons choix d’étoffes. Les projecteurs très basse luminance sur rail Erco ont un IRC élevé pour répondre à cette exigence.

Atelier technique
Michel Denancé
© Michel Denancé
Michel Denancé
Tissuthèque
Rail Erco
© Michel Denancé

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