Tout d’abord, rappelle la sénatrice Anne-Marie Nedelec, le pays de fabrication n’occupe que le 4e rang dans l’acte d’achat d’un produit, loin derrière le prix, la qualité et la durée de vie. De plus, il a été calculé que, si 10 % seulement des biens consommés par les ménages français actuellement importés étaient produits sur notre territoire, la production française serait augmentée de plus de 11 milliards d’euros, ce qui permettrait de créer 150 000 emplois, avec toutes les retombées imaginables, fiscales, sociales, la baisse des allocations chômage, etc.
Le premier constat du rapport d’information présenté le 18 juin dernier par les sénateurs Anne-Marie Nedelec et Fransk Ménonville montre que la définition du “Fabriqué France” est beaucoup trop complexe. Aujourd’hui, nous dépendons énormément de la mondialisation et nous n’avons pas les matières premières qui nous assureraient l’autosuffisance. “Par déduction un produit manufacturé intégralement français est extrêmement rare” souligne Anne-Marie Nedelec pour laquelle un produit importé peut être qualifié de “Fabriqué en France” dès lors qu’il subit sa dernière transformation substantielle sur notre sol. Ce qui implique que qualifier un produit de “français” ne signifie pas du tout que le produit est 100 % français et qu’il a été fabriqué en France, avec des matières premières françaises.
Le “franco lavage”
En conséquence, les consommateurs s’y perdent, d’autant plus qu’il existe 92 labels et certifications privés ou locaux. “Par ailleurs, bon nombre d’allégations connexes font croire que le produit est fabriqué en France” dénonce Anne-Marie Nedelec, ce que l’on appelle le « franco lavage ». Et de rappeler les principales allégations: « Conçu en France — Création française — Design français — Imprimé en France », etc. A ce niveau, l’imagination marketing est sans limite, l’utilisation du drapeau français participant aussi à cette profusion, son utilisation n’étant pas protégée en tant que telle. Enfin, la contrefaçon ayant pris une dimension véritablement industrielle, elle fait partie de la criminalité organisée, au même titre que le narcotrafic.
Complexité réglementaire
“De plus, les entreprises affrontent une complexité réglementaire inouïe” dénonce également la sénatrice, près de 900 pages de règles d’origines étant réunies dans le Journal Officiel de l’Union Européenne. Il peut être demandé aux six fonctionnaires du SOMIF (Service d’origine et du made in France) une attestation, qui ne vaut pas “certification”. Aussi, peut-elle être mise en question par les contrôles de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). “Ce n’est pas du tout de nature à encourager les entreprises à solliciter ce marquage” regrette Anne-Marie Nedelec en soulignant, que, dans ces conditions, “nous nous sommes demandés s’il fallait rendre obligatoire le marquage des produits, comme le préconise le rapport récemment remis par Yves Jégo (1). Après mûre réflexion nous ne le préconisons pas”. D’abord, parce que ce marquage obligatoire n’est pas nécessaire pour tous les produits. Elle est ttoutefois utile pour ceux dont une forte valeur ajoutée est apportée par les savoir-faire français. Ensuite, parce qu’elle représente un coût pour les entreprises, notamment pour les PME qui devraient financer l’établissement de la preuve que le produit est bien fabriqué en France. Aussi, risque-t-elle d’introduire une complexité supplémentaire pour les entreprises françaises et elle nécessiterait une harmonisation européenne pour préserver la cohérence au sein du marché unique.
Premières préconisations
“En revanche, nous recommandons une meilleure définition du Fabriqué en France, avec une approche économique beaucoup plus solide, en retenant le critère de la majorité de la valeur ajoutée créée sur le territoire national” poursuit la sénatrice. Pour ce faire, une base INSEE est intéressante, au lieu de la dernière transformation substantielle du Code des douanes de l’euro.
“Nous préconisons également les marquages d’origine de fabrication pour tous les produits importés dans l’Union Européenne, ce que font nos principaux partenaires commerciaux”. Les États-Unis respectent cette règle de l’Organisation mondiale du commerce et du Règlement général des tarifs et du commerce. “Mais pas l’Union Européenne, ce qui est un peu particulier” estime Anne-Marie Nedelec en soulignant, par ailleurs, que le rapport de la mission Jégo préconise également d’imposer le marquage d’origine des produits importés.
“De plus, nous préconisons de réserver aux produits réalisés à plus de 50 % en France, au niveau valeur ajoutée, l’exclusivité de la position du drapeau français, à condition d’en protéger d’abord l’utilisation” ajoute la sénatrice en préconisant, enfin,
“de mettre fin à ce que l’on a appelé « la tour de Babel des labels », en les regroupant progressivement sous un label unique qui serait « Fabriqué en France » par exemple”.
Une plateforme en ligne unique
“Oui également à la création d’une plateforme en ligne unique, exclusivement réservée aux produits fabriqués en France” plaide Anne-Marie Nedelec, pour laquelle “tout cela présente peu de sens sans une véritable politique de réindustrialisation et de relocalisation”. Pourrait être confié, au comité stratégique de filières, le ciblage des produits à relocaliser et prioriser les produits identifiés comme en situation de vulnérabilité d’approvisionnement. Et la sénatrice de s’interroger. “Pourquoi ne pas créer des zones franches avec une fiscalité allégée; par exemple au sein des zones de développement prioritaire?”.
(1) Le rapport “Made in France”, remis par la mission Jégo le 28 mai 2025, porte sur la simplification de l’appréhension de l’origine des produits pour valoriser les filières françaises et européennes. Rappelons, par ailleurs, que Yves Jégo est directeur de la publication “La Lettre du Made in France”