Si la qualité et la performance des produits ont évolué, l’approche de la lumière en ville reste quant à elle basée sur des schémas d’implantation relevant d’un autre siècle. Et pourtant, des solutions apparaissent. Le designer Marc Aurel les esquisse en plaidant pour « une lumière urbaine plus proche des usagers ».
L’éclairage public reste conçu sur une logique d’implantation très XIXe siècle avec d’une part, un mât équipé d’une lanterne en bord de voie pour éclairer la route et éviter tout conflit « voiture-piéton », d’autre part, sur les trottoirs plus larges des éclairages piétons sur mât ou en applique sur façades. La crise sanitaire apparaît comme un accélérateur dans la transformation urbaine, les contraintes liées à la pandémie obligeant à une nouvelle organisation de l’espace public, aujourd’hui provisoire, mais qui pourrait, dans certains cas, se pérenniser. Par exemple : des terrasses de cafés se sont développées sur des espaces de stationnement, de plus en plus de rues deviennent piétonnes, des gabarits de boulevards se modifient pour intégrer des pistes cyclables, des végétalisations s’approprient des espaces de stationnement…
INVENTER DE NOUVEAUX SCÉNARIOS
« Même notre relation au mobilier urbain est modifiée. Nous ne nous asseyons plus côte à côte sur un banc mais de façon distanciée ce qui annonce certainement une évolution vers des assises individuelles… », anticipe Marc Aurel en rappelant que, déjà, nos modes de déplacement urbain ont eux aussi considérablement changé avec une augmentation de plus de 50 % de l’utilisation du vélo dans Paris. « Ce sont autant d’évolutions de nos habitudes et de nos modes de vie commençant à s’inscrire dans la durée, qui pouraient modifier considérablement notre manière de vivre la ville », poursuit-il. Aussi, devient-il dans ce contexte où la place de la voiture se réduit, où le statut des rues et boulevards est amené à évoluer et où notre pratique de la ville change, urgent de s’interroger : Quels paysages nocturnes souhaitons-nous inventer pour la ville de demain ? La crise sanitaire conduit donc à penser différemment, à aller à l’essentiel en mettant davantage l’humain et l’habitant, au centre des réflexions, tant au niveau de leur qualité de vie et de leur bien-être, que de leur relation à la ville. En conséquence, « notre rôle de designer et de concepteur lumière consiste à inventer de nouveaux scénarios, pour que le projet s’exerce sur le territoire de l’imaginaire, et à créer de nouvelles fictions diurnes et nocturnes venant se mêler à l’épaisseur du réel », plaide Marc Aurel.
Selon Marc Aurel, l’objet qui répond le mieux aujourd’hui à un passage de la verticalité à l’horizontalité est la main courante éclairante.
UNE NOUVELLE PARTITION DE LA LUMIÈRE
Dans ce contexte, « il convient de faire évoluer les produits afin de développer de nouvelles typologies d’implantations d’éclairage au service de nouvelles ambiances urbaines », poursuit-il, en rappelant qu’aujourd’hui la technologie LED permet « d’éclater la lumière » en évitant le point unique, installé en haut d’un mât, produisant une lumière uniforme et standardisée. L’éclairage public doit donc évoluer et changer de logique afin de se mettre en cohérence avec les transformations urbaines qui s’accélèrent. Toujours selon le designer, il faut « retrouver de la qualité dans nos espaces publics ». Cela de jour comme de nuit en imaginant un éclairage moins systématique et moins unitaire afin de proposer une nouvelle partition de la lumière. Il imagine ainsi la multiplication de petites touches de lumière, tel un peintre rehaussant son tableau par des pointes de blanc donnant du relief à son paysage. « Il faut changer d’échelle, passer d’une lumière verticale, celle des mâts, à une lumière horizontale à échelle humaine, celle de l’habitant. » Aujourd’hui, étonnamment, l’objet répondant le mieux, selon lui, à ces attentes est, certainement, la main courante éclairante.
UN ÉCLAIRAGE URBAIN PLUS HORIZONTAL
Depuis quelque temps, les normes d’accessibilité de l’espace public ont conduit à reconsidérer le développement du mobilier urbain. « En “ayant souhaité” devenir éclairant pour mettre, par exemple, davantage en sécurité les marches et escaliers, il amorce l’évolution vers un éclairage urbain plus horizontal », se félicite Marc Aurel pour qui « cette tendance permet à l’éclairage de reprendre la main ». La technologie LED, par son faible encombrement, par la qualité des optiques et par le fait qu’elle ne chauffe quasiment pas, a ainsi facilement trouvé sa place dans ces équipements, notamment dans les mains courantes. « L’intégration parfaite au profil de la main courante représente, également, un gage de pérennité car plus résistant aux agressions et au vandalisme. »
Ainsi « augmentée », la main courante est devenue, malgré elle, un luminaire urbain à part entière, symbole du renouveau de l’éclairage public, étant devenu le seul à utiliser pleinement les performances des sources LED et à proposer une nouvelle typologie d’éclairage pour de nouvelles ambiances lumineuses.
JD