Réflexions – Les interactions lumière/matière vues par Quentin Hirsinger

« Dans son acception la plus courante, la lumière est un phénomène physique qui peut produire une sensation visuelle. Il s’agit d’ondes électromagnétiques dont les longueurs d’onde dans le vide s’élèvent autour de 550 nm, plus ou moins un tiers, ses limites imprécises étant variables selon les espèces. » En reprenant cette définition fournie par Wikipédia, Quentin Hirsinger, président-fondateur de l’entreprise MateriO’, a invité, au cours d’un récent webinaire, à réfléchir à propos de l’interaction de la lumière avec la matière.

La plupart des matériaux interagissent avec la lumière ; nous pouvons les percevoir et les qualifier d’une couleur. Mais, que se passerait-il si un matériau absorbe toutes les longueurs d’onde du visible (entre 400 et 700 nanomètres) et ne restitue rien ? Dans ce cas, nos cônes, situés au fond de notre œil et qui réagissent à certaines longueurs d’onde, ne sont pas excités. Nous percevons alors une chose noire, sans autre information, ce qui est très rare dans la nature. En conséquence, vous ne pouvez pas préjuger de la profondeur de cette « boîte noire » puisque l’on ne voit que du noir, sans relief particulier. À l’inverse, des matériaux peuvent restituer l’intégralité des ondes reçues sans les déformer, sans les transformer. C’est par exemple le cas des métaux. Nous parlons alors de « l’éclat métallique », correspondant à la spécificité du métal, matériau pourtant totalement opaque à la lumière, lui permettant de tout restituer. Si en plus ce métal est poli, les ondes « rebondissent », en donnant cet éclat bien particulier du métal qui restitue toute l’énergie reçue. Pour terminer sur ces couleurs extrêmes, on peut aussi disposer d’une matière n’absorbant rien, mais mélangeant tout. Contrairement à la plaque de l’éclat métallique, où il s’agit d’un simple rebond, dans ce cas, l’énergie reçue est mélangée et restituée de façon homogène sur tout le spectre du visible. « Nous obtenons alors le blanc ultime », souligne Quentin Hirsinger, en précisant, par ailleurs, que « n’importe quel objet a tendance à absorber un certain type de longueur d’onde et à en restituer d’autres. Dans ce cas, on perçoit l’objet dans une dimension colorée ».

JUSQU’AU NIVEAU ATOMIQUE

« Mais, que se passe-t-il si un objet physique, solide, n’interagit pas du tout avec la lumière ? » Dans ce cas, il sera totalement invisible pour nous. C’est par exemple le cas du verre. Voilà une matière dense, très solide, que l’on peut difficilement ignorer, et pourtant elle disparaît et devient complètement invisible. Dans la nature, il n’existe pas vraiment d’éléments qui aient cette transparence. Il y a l’air, mais c’est un gaz ! Il y a éventuellement l’eau, mais on la devine par les reflets à la surface, et puis c’est un liquide. Il y a éventuellement la glace, qui peut être totalement transparente. Dans la nature, nous rencontrons des objets solides soit opaques, soit au moins translucides, « signalant » leur présence. Il y a une interaction entre la lumière qui les éclaire et notre œil. Mais pour le verre, ce n’est pas le cas alors qu’il est constitué du même type d’atome que d’autres matériaux. Le verre est constitué de sable, qui produit aussi le ciment… non transparent. Pourquoi un mur de brique arrête la lumière alors qu’une plaque de verre ne l’arrête pas ? Pourquoi un élément très fin peut arrêter la lumière, comme la plaque de métal, alors que le verre, même en forte épaisseur, est traversé par la lumière comme si la matière n’existait pas ? « Pour comprendre ce phénomène, il faut s’insérer intimement dans la matière, jusqu’au niveau atomique. » La matière est constituée de milliards et milliards d’atomes, chacun constitué d’un noyau et d’électrons qui gravitent autour. « Il est intéressant de mesurer l’échelle à laquelle cela se passe », poursuit Quentin Hirsinger en représentant    le    noyau d’un atome par un petit pois.  Placés au centre d’un terrain de football, les électrons vont graviter autour, mais dans les gradins extérieurs du stade. C’est-à-dire qu’ils seront très loin de ce petit pois noyau de l’atome. « Cela signifie que mon atome est à 99,99999… % constitué de vide, aussi bien dans la brique que dans la plaque de verre. »

Photos © Lucie Cluzan
Photos © Lucie Cluzan

Le verre est un objet solide qui n’interagit pas avec la lumière. C’est pourquoi on ne le perçoit pas. Teinté et épais, il prend corps et laisse plus ou moins traverser la lumière. Détail d’un vitrail signé Henri Guérin au Musée des Augustins à Toulouse.

Photos © Lucie Cluzan

Le métal a la particularité de pouvoir restituer l’intégralité des ondes qu’il reçoit, sans la transformer. Ici dans l’église Temppeliaukio d’Helsinki, creusée dans un rocher, la lumière naturelle rebondit sur le cuivre qui habille l’accueil.

UN PETIT POIS SEUL

Se pose alors une question « un peu vertigineuse ». On se demande pourquoi le verre est transparent, alors que l’on constate que la matière est principalement constituée de vide. On devrait plutôt se demander « pourquoi les autres matières que le verre ne sont pas transparentes parce qu’une longueur d’onde avance dans du vide ». Dans l’ensemble de la gamme des longueurs d’onde, beaucoup d’entre elles traversent sans aucun problème les différents objets qui nous entourent. On reçoit la télé sans que les murs ne les arrêtent. Les rayons du soleil traversent la terre sans que nous n’en ayons conscience. Il se passe donc quelque chose de très spécifique dans la longueur d’onde du visible, c’est que le niveau d’énergie permet plus facilement des interactions entre la matière et les longueurs d’onde. Parce que le niveau d’énergie correspond à quelque chose qui peut se passer au sein de l’atome. Quentin Hirsinger reprend l’analogie footballistique de l’atome, avec ses limites mais qu’il considère comme parlante. « Notre petit pois reste seul au centre du terrain, nos quelques électrons gravitent autour, mais à l’échelle de simples grains de sable dans les gradins. Il se trouve que ces électrons s’ennuient à mourir et veulent quitter le stade, ou au moins s’en éloigner. Mais ils ne peuvent le faire que s’ils reçoivent suffisamment d’énergie pour passer directement au rang supérieur. On parle alors d’une valeur discrète d’un quantum d’énergie. Ils ne peuvent pas être entre deux rangées, ils doivent passer de l’une à l’autre. »

Pour la plupart des matériaux, les rangs sont peu espacés et l’énergie nécessaire pour s’éloigner du terrain est relativement facile à trouver, dans des longueurs d’onde situées entre 400 et 700 nanomètres, celles de la lumière. L’énergie est alors captée, le matériau interagit avec l’onde reçue et il est opaque. Il se trouve que, pour le verre ou certains plastiques, les rangées sont beaucoup plus espacées. Il est donc nécessaire de recevoir plus d’énergie pour que l’électron puisse bouger. La lumière visible ne peut pas interagir avec les électrons, donc elle traverse sans ambages la matière qui est transparente.

Laisser un commentaire