Into the light. Pour l’art de la lumière.

Rares sont les expositions ayant pour thème la lumière qui mettent en scène le rapport de l’être humain à ce médium – le plus universel de tous –, avec une telle ambition : retracer son histoire en 15 installations lumineuses. Ce parcours en cinq étapes,nous mène des origines naturelles jusqu’aux possibilités infinies que la technologie rend possible. Rendez-vous à la Grande Halle de la Villette pour faire de vos journées d’été des nuits illuminées. Into The Light, ou comment se perdre dans la lumière.

Sous l’impulsion d’Encore Productions, à qui l’on doit notamment l’exposition Toutankhamon, la Grande Halle de la Villette semble devenir le pendant du Grand Palais, dans l’est parisien. Structures d’acier et surfaces immenses autorisent des expositions grand public hors normes. D’ailleurs, n’est-ce pas sous la célèbre coupole, temple moderne des arts, que s’était tenue Dynamo. Un siècle de lumière et de mouvement dans l’art 1913-2013 ? Les œuvres de Victor Vasarely, Julio Le Parc, James Turrell ou encore Ann Veronica Janssens avaient redonné goût à l’art cinétique et ouvert la voix aux nombreuses expositions ayant pour thème la lumière, dorénavant enrichies des créations numériques. Une décennie plus tard, rien de nouveau ? Eh bien si ! Aujourd’hui, les œuvres ont toutes pour sources des LED dont la maturité ouvre le champ des possibles en termes de couleurs et d’effets. L’interaction avec les visiteurs n’en est que plus active, la notion de lumière dynamique prend tout son sens. L’expérience du Studio Tetro, qui co-produit l’évènement, aux côtés d’artistes émergents ou confirmés des arts visuels et de la lumière, se lit dans le choix d’œuvres exigeantes, redimensionnées et adaptées pour la Halle.

Photo © Quentin Chevrier

Diapositive de Children Of The Light. Cette sculpture lumineuse cinétique, est l’allégorie d’une éclipse solaire. Un simple cercle et des rubans Led diffusant vers son intérieur ou l’extérieur et une brume artificielle suffisent à créer de multiples ambiances

Photo © Marc Domage

Abîme de Visual System Immersion dans le son et la pulsation lumineuse. La lumière diffusée dans des gorges n’éblouit pas mais hypnotise.


De l’illusion à l’hypnose

L’immersion qu’offre Grid, une œuvre audiovisuelle alliant mouvement cinétique, animation lumière et musique électronique live, conçue par l’artiste lumière Christopher Bauder et le compositeur et musicien Robert Henke, impressionne par sa dimension certes, mais aussi par la plongée dans un rêve numérique illustrant l’intégration des ordinateurs et des machines au cœur de notre environnement quotidien.
Autre installation particulièrement surprenante, Abîme du collectif Visual System et de Thomas Pasquié pour la création sonore, dont les membres sont issus des mondes de la scène, des sports extrêmes, du rapport à l’espace et au design. Adaptée pour cette exposition, l’œuvre est présentée ici dans une configuration horizontale – suspendue au-dessus du public muni d’un casque –, grâce à un contraste brut entre lumière et couleur, crée un vertige, une bascule, une chute. Le rapport entre son et perception visuelle est calculée pour créer cette sensation qui n’est pas sans rappeler l’expérience de l’hypnose, un lâcher-prise inattendu et puissant. Pierre Gufflet, qui dans le collectif s’occupe entre autres de la narration finale, nous détaille le processus : « On sait par expérience que si l’on veut positionner le regard à un certain endroit, il faut donner des informations au cerveau qui permettent de décaler la perception. À partir de là, on peut raconter une histoire. Comme avec le bleu de Klein ou les œuvres de Vasarely, on s’approche et puis on prend de la distance et puis alors on peut voyager. » Voyager et soigner. « Nous sommes parmi les premiers à avoir manipulé ce genre de dispositif, nous avons remarqué qu’il n’existe pas de langage commun autour de la lumière, ce qui nous laisse un champ de liberté. La lumière est comme le son, elle nous environne. Nous avons un terrain d’expérimentation qui est proche de celui du son », poursuit-il. Et le collectif est d’ailleurs plongé dans des recherches autour des questions de la lumière, du son et du soin pour des personnes souffrant de troubles du spectre autistique. Richesse éternelle de la lumière. Lucie Cluzan

Du soleil à la fête

Condition première de la lumière : l’obscurité. L’entrée dans la halle se fait dans une pénombre évoquant grotte primitive. Cette ambiance dévoile là l’intention du Studio Tetro, à l’origine d’Into The Light, de remonter le temps pour revenir à l’état d’être humain qui petit à petit apprivoise son rapport au soleil, aux étoiles, à la lune, et par là même, ses peurs, pour ensuite nous emmener vers la magie du spectacle et de la fête. Dans la lignée d’Olafur Eliasson, l’astre solaire ne cesse d’inspirer les artistes. L’artiste danois a à jamais marqué l’histoire de l’art contemporain avec son installation The Weather Project qui avait intégralement investi le Turbine Hall de la Tate Modern à Londres, en 2003, une œuvre immersive à la simplicité déconcertante au vu de l’intensité de l’expérience vécue. Lumière monochromatique, miroirs, et alors aucun smartphone comme objet de transition de la perception de ce soleil (en) intérieur. Le soleil est représenté ici par les œuvres One’s Sunset Is Another’s Sunrise de Jaqueline Hen, Diapositive de Children of the Light ou encore Oh Lord! de Guillaume Marmin.
Sans rompre avec ces intentions artistiques, Matthieu Debay, directeur artistique de l’exposition, nous rappelle que « contrairement à ce que l’on pourrait croire, la lumière n’est pas une onde insaisissable. Elle peut être touchée, modelée, sculptée. Au-delà de sa fonction primaire, elle est aujourd’hui un langage universel que nous utilisons pour nous soigner, jouer, nous donner de la joie ou raconter des histoires. Elle est à la fois source d’émotions et de création ». Les subtils jeux de lumière, plus ou moins dynamiques, sont accompagnés de créations sonores. Si parfois l’écoute se fait au casque, la porosité des espaces entre eux dessert certaines installations, pour ainsi dire polluées par leur voisine alors que le silence était attendu. Défaut de ses qualités, car l’expérience visuelle, physique et sonore est telle que l’on peine à quitter certaines salles.

Photo © Quentin Chevrier

One’s Sunset Is Another One’s Sunrise de Jacqueline Hen Dans un paysage artificiel coloré et vibrant, un dispositif multisensoriel, l’artiste allemande plonge le visiteur dans une ambiance de coucher de soleil, pieds nus dans le sable.

Halo de Karolina Halatek

Une structure de 260 kg suspendue dans une pièce d’un blanc immaculé invite le visiteur à découvrir une nouvelle dimension de sa propre présence au cœur d’un environnement contemplatif, pur et abstrait.

Photo © Quentin Chevrier

Jusqu’au 31 août 2025
Grande Halle de la Villette
Paris 19e
www.lavillette.com

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